Christophe Naudin, agriculteur dans l'Essonne, président de l'Apad Sud bassin parisien, Sarah Singla, vice présidente de l'Apad et présidente de l'association Clé de sol et Benoit Lavier, polyculteur en Côte d'Or, président de l'Apad depuis 2013.
Leur souhait : sensibiliser plus d'agriculteurs mais aussi les consommateurs aux bénéfices environnementaux qu'apporte un sol en bonne santé. |
« Les plantes sont nos lames, la nature notre modèle ! », Sarah Singla, agricultrice dans l'Aveyron, cultive des céréales sur une exploitation dont les sols n'ont pas reçu de passage de charrue depuis plus trente cinq ans. Son crédo : on peut réaliser des bénéfices et réduire son impact sur l'environnement en misant sur la conservation des sols.
Éleveurs… de nématodes
Cette pratique, qualifiée « agriculture de conservation », est même identifiée par les 400 agriculteurs-chercheurs du réseau Apad*, qui en assurent la promotion, comme la troisième voie pour la transition écologique, aux côté du bio et de l'agro-écologie appliquée à l'agriculture conventionnelle. « On ne retourne plus la terre, les sols sont couverts en permanence et ce sont les mélanges d'espèces, – légumineuses, graminées… semés entre deux cultures à vocation commerciale, qui restructurent et nourrissent les sols », explique l'agricultrice. Riches en matière organique, ces sols sont plus fertiles, « vivants », se tiennent mieux. Elle n'hésite pas à se qualifier, d'éleveuse : « Dans un gramme de sol, 1 milliard de bactéries, 500 nématodes, 5 km d'hyphes de champignons sont recensés ! »
Moins de carburant, plus de coléoptères
L'agriculture de conservation reste mineure en France, pratiquée par un millier d'agriculteurs, soit 2 % de la surface cultivée, estime Benoit Lavier, polyculteur en Côte-d'Or et président de l'Apad. Son souhait : qu'elle monte en puissance et soit mieux reconnue auprès des acteurs agriculteurs mais aussi des consommateurs pour ses bénéfices en termes de bilan carbone, de biodiversité, de gestion de l'eau, de lutte contre l'érosion.
Un sol non retourné, exploité avec un semis effectué directement dans un couvert végétal, permet de diviser par deux la consommation de carburant, de multiplier le nombre de carabes dans le sol par cinq – ces coléoptères sont de véritables alliés pour les agriculteurs, en mangeant notamment les limaces. Autres effets bénéfiques : laisser se décomposer les pailles des végétaux, et enrichir le sol en humus, accroissant sa capacité de rétention en eau, sa stabilité, sa biologie.
Éviter de perdre 15 000 tonnes de sol par an en France
« Plus de 15 000 tonnes de sols sont perdues chaque année par érosion des sols, poursuit Benoit Lavier. En les couvrant en permanence, on règle ce problème. » Et il prévient : « Toutes les terres, toutes les cultures peuvent être conduites de cette façon. Les freins sont culturels. » Le modèle qui soutient qu'un bon agriculteur doit avoir une parcelle propre, bien labourée, est très ancré.
Pourtant, Benoit Lavier voit une évolution positive dans son métier d'agriculteur. « Je passe maintenant une heure sur mon tracteur quand j'en passais trois auparavant. Les deux heures gagnées sont dédiées à l'observation et à la formation. »
Mieux informer sur les bénéfices obtenus en protégeant les sols
Bien souvent, c'est au pied du mur que se réalise ce changement de fond. Christophe Naudin, installé en 2013 dans l'Essonne sur 105 ha, a franchi le pas dès 2014. Il n'arrivait pas à venir au bout d'un problème de résistance de certaines mauvaises herbes aux herbicides, inefficaces. Il a actionné les trois piliers de l'agriculture de conservation : semis direct, couverture permanente et rotation des cultures.
Les mauvaises herbes sont étouffées et la rotation casse leur cycle biologique. Reste que l'agriculture de conservation ne peut se passer d'herbicides, comme le glyphosate, pour détruire les couverts végétaux lorsqu'ils entrent trop en concurrence avec la culture. Pour Benoit Lavier ce ne doit pas être considéré comme problématique au regard de tous les bénéfices environnementaux : « Nous en utilisons très peu et ils sont vite dégradés dans le sol grâce aux bactéries. »
L'Apad au Salon de l'agriculture pour la première fois
Alors quelles sont les voies identifiées pour se développer ? Le réseau, le travail en groupe fondé sur l'expérimentation et le partage d'expérience, la formation. Christophe Naudin a d'ailleurs créé un GIEE (Groupement d'intérêt économique et environnemental) en ce sens. La reconnaissance auprès des consommateurs est tout aussi importante, d'où la présence de l'association, pour la première fois au Salon de l'agriculture dans le Hall 4 sur le stand B017.
* L'association pour la promotion de l'agriculture durable, existe depuis 1998