Glyphosate : comprendre les divergences des études

19 octobre 2017 - Laure Hänggi 
Le reportage diffusé par Arte le 17 octobre 2017, « Le Roundup face à ses juges », met en avant des conclusions divergentes concernant le glyphosate, de la part de différentes instances chargées d’évaluer la dangerosité des pesticides. L’explication est notamment méthodologique.

Capture d’écran du reportage Monsanto face à ses juges

« Le Roundup face à ses juges », proposé sur Arte le 17 octobre, rappelle que l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), étudiant la matière active du Roundup, le glyphosate, n’arrivent pas à la même conclusion. En l’occurrence, respectivement « non cancérogène » et « probablement cancérogène pour l’homme ». Sans trancher entre ces deux positions, il est important de rappeler que d’éventuels partis pris des chercheurs sont loin d’être la seule explication possible à cette différence.

Des bases de données différentes

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), chargé d’analyser le glyphosate pour l’OMS, est libre de choisir d’étudier les publications qu’il veut : études de chercheurs, d’ONG, d’industriels… Généralement, des études publiées dans la littérature scientifique. L’Echa, quant à elle, doit s’appuyer sur un corpus plus cadré. Il doit notamment contenir des études fournies par des industriels concernés, au contenu strictement confidentiel. L’Echa affirme s’être également appuyée, dans le cas précis du glyphosate, sur « toutes les informations scientifiques pertinentes reçues » lors d’une consultation publique ouverte à l’été 2016.

Certaines agences étudient les risques liés au glyphosate en lui-même, d’autres s’intéressent à la molécule en mélange avec des coformulants.

Dans l’éprouvette : la molécule seule, ou le produit commercialisé ?

Autre différence : l’objet de l’étude en lui-même. L’Echa a l’obligation de travailler sur le principe actif, à savoir le glyphosate isolé. Or, le glyphosate n’est pas commercialisé pur, mais mélangé avec des substances qui favorisent la pénétration dans les cellules végétales des plantes ciblées par le désherbant. C’est ce mélange qu’a étudié le CIRC. Les deux produits analysés ne sont donc pas tout à fait les mêmes (1).

Approches statistiques variables

Enfin, il y a différentes approches statistiques possibles pour étudier un produit. Si ces approches ont le même objectif, leurs méthodologies ne sont pas identiques, entraînant de potentielles différences dans l’analyse finale. Pour les initiés, lors des premières études en 2015, le CIRC, qui conclut donc à un caractère « probablement cancérogène » du glyphosate, s’est appuyé sur le test de Cochran Armitage. Alors qu’une troisième instance, l’Agence européenne de la sécurité des aliments (Efsa), a utilisé le test de Fisher avant de conclure, comme l’Echa, que le glyphosate n’était pas cancérogène.

Bases de données, produits étudiés et outils d’analyse différents… une addition qui contribue certainement à la divergence de conclusions constatées. Et qui brouille de message de la communauté scientifique, tout en prêtant le flan aux suspicions.

(1) L’occasion de rappeler que l’UE s’est déjà intéressée de près à certains de ces coformulants. Notamment le suif aminé éthoxylé, également appelé POE-Tallowamine, interdit dans tous les produits comprenant du glyphosate depuis 2016. Une mesure que la France avait d’ailleurs anticipée à son niveau.

 

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