Dans son dixième rapport en cinq ans sur les pesticides perturbateurs endocriniens, Générations futures s’est focalisé sur l’exposition à ces substances par le biais de l’alimentation. Moins d’un an après le vote par les États membres des critères scientifiques déterminant les pesticides perturbateurs endocriniens (PE), l’association tire la sonnette d’alarme. En effet, selon elle, près de six résidus de pesticides sur dix quantifiés dans l’alimentation européenne seraient des perturbateurs endocriniens potentiels.
Pour réaliser son enquête, Générations futures s’est appuyée sur les données de 2016 publiées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) à l’été 2018, détaillant les résidus de pesticides dans les aliments européens. L’instance avait alors tiré des conclusions rassurantes : 96,2 % des échantillons analysées ont des concentrations de résidus de pesticides quantifiées inférieures aux limites maximales de résidus (LMR).
63 % de résidus de pesticides perturbateurs endocriniens potentiels
Méfiante face à cette notion de LMR, Générations futures a croisé les données de l’Efsa avec celles de la base TEDX, regroupant 1457 molécules pour lesquelles au moins une étude universitaire publiée montrait un effet de perturbation endocrinienne. Résultat, selon l’association : sur les 109 843 résidus de pesticides quantifiés par l’Efsa, 69 433 sont des perturbateurs endocriniens suspectés, soit 63,21 %.
Si l’ONG reconnaît, lors de la présentation du rapport, que le « niveau de preuve est variable », raison pour laquelle « tout est modéré dans la catégorie de la suspicion », celle-ci en appelle à la mise en place d’actions prioritaires, au nom du principe de précaution. L’association regrette ainsi que l’alimentation soit « la grand absente » de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE2), en cours d’élaboration en concertation.
« Une action de lobbying pure »
Contactée suite à la présentation du rapport, l’Union des industries pour la protection des plantes (UIPP) parle d’une « non-étude ». « Il me parait ambitieux de décréter que telle ou telle substance peut être un perturbateur endocrinien, étant donné que toutes les études scientifiques sur la question ne sont pas encore disponibles », explique Julien Durand-Reville, responsable santé de l’UIPP. En effet, le document d’orientation relatif à l’identification des substances contenues dans les produits phytosanitaires et les biocides présentant des propriétés susceptibles de perturber le système endocrinien, qui doit faciliter l’application des critères récemment adoptés par les États-membres, n’a été publié que le 7 juin 2018. De nombreuses évaluations et études sont donc encore en cours. Le responsable de l’UIPP reconnaît cependant que la réglementation européenne répond à un risque, « mais les substances concernées sont rares, nuance-t-il. On est vraiment dans un jeu d’influence. »
Par ailleurs, dans un communiqué, le collectif Science-Technologies-Actions, se présentant comme « un groupe d’action pour la promotion des sciences et des technologies », composé de salariés du secteur public, privé ou indépendants, chercheurs, ingénieurs, ou agriculteurs, dénonce « une nouvelle manipulation pseudo-scientifique » de la part de Générations futures. Et parle d’une « caricature du travail des agences sanitaires, exploitant les aléas inévitables de l’expérimentation biologique, pour semer le doute dans l’esprit des citoyens. »