Campagnes et environnement : Lors du lancement de votre collectif, des acteurs du monde agricole y ont vu une démarche « marketing », indirectement anxiogène vis-à-vis des produits « standards ».
Gilles Bertrandias : Évoquer un « coup » marketing, c’est caricaturer notre démarche qui se veut avant tout réaliste. Dans notre coopérative, nous sommes acteurs sur tous les modèles agricoles : Zéro résidu de pesticides, mais aussi conventionnel, bio…
Pour la filière tomate, par exemple, une soixantaine de parcelles d’adhérents étaient engagées cette année. Plus de la moitié n’a pas pu suivre l’itinéraire prévu jusqu’au bout. Être réaliste, c’est accepter l’utilité des pesticides dans certaines situations extrêmes. Leur production sera vendue en conventionnel. Ce n’est donc pas dans notre intérêt de stigmatiser des filières qui sont, pour nous, complémentaires. Toutes doivent progresser, le bio y compris.
En clair, nous ne marquons de défiance envers aucun produit, du moment qu’ils sont conformes à la réglementation. Nous estimons que les limites maximales de résidus applicables en conventionnel sécurisent et protègent les consommateurs. Avec ce label, nous voulons simplement aller plus loin, en prenant en compte les attentes des consommateurs, l’environnement et les producteurs.
C.E. : Des ONG évoquent un label « trompeur », zéro pesticide « détecté » ne signifiant pas « absence totale de pesticide ». Demain, des outils de détection de plus en plus précis pourraient mettre à mal ce label…
G.B. : Nous travaillons avec les outils qui sont ceux des laboratoires. Notre promesse garantit que nous sommes inférieurs à la plus petite valeur quantifiable, soit la plus petite mesure fiable possible. Nous sommes conscients que les méthodes évolueront encore comme elles évoluent depuis 20 ans, et ça ne nous inquiète pas. Nos pratiques agricoles, qui s’appuient sur une approche globale du système de production, avec un ensemble de pratiques complémentaires au service de la protection des cultures, nous permettrons de nous adapter.
C.E. : Des questions, enfin, ont été posées sur les moyens déployés dans les parcelles pour aboutir au « Zéro résidu de pesticides ».
G.B. : Je trouve ces réactions paradoxales. Pendant des années, les « engagements de moyens » étaient jugés insuffisants, et n’étaient pas compris ou visibles des consommateurs… Avec le label « Zéro Résidu de Pesticides », et donc une logique de résultats, ces mêmes sceptiques nous disent qu’il faudrait maintenant rassurer sur les moyens… Il n’y a évidemment pas de résultats sans moyens : si nos fruits et légumes ne présentent pas de résidus quantifiables, c’est que nous avons activé les bons leviers. Un point d’étape, concernant les premiers mois d’existence du label, est prévu d’ici la fin de l’année : il sera présenté en toute transparence.
C.E. : Quelle est l’envergure de votre démarche, à l’heure actuelle ?
G.B. : Elle reste jeune. La coopérative Les Paysans de Rougeline a lancé les premiers produits, tomates et fraises, en avril 2017. L’initiative a intéressé et interrogé d’autres acteurs, avec qui nous nous sommes rassemblés pour la première fois en septembre 2017. Le Collectif « Nouveaux champs » a été lancé en février 2018 seulement !
Aujourd’hui, nous drainons quarante-cinq entreprises, qui elles-mêmes regroupent près de 3000 producteurs de Fruits et légumes. Trente-cinq espèces sont concernées. Pour vingt d’entre elles, les itinéraires sont d’ores et déjà aboutis, l’offre voit le jour progressivement. Notre ambition est de partager nos avancées avec le plus grand nombre, et nous travaillons sur une communication pédagogique avec de nouveaux supports vidéo.