Le 17 janvier, France 2 diffusait une édition d’Envoyé spécial consacrée au glyphosate. Élise Lucet y interrogeait le ministre de la Transition écologique François de Rugy sur le manque de dynamisme de l’État pour en finir avec la molécule, pointant l’absence, dans la loi Égalim, d’une mesure portant son interdiction. Sa réponse ? « Nous sommes le seul pays européen engagé à arrêter son utilisation sous trois ans. » Un échange sous forme de verre à moitié vide ou plein, selon les points de vue.
Un mouvement politique engagé malgré tout
Le rendez-vous manqué de la loi Égalim, c’est le verre à moitié vide. Pas assez vide toutefois pour conclure à un manque total de volonté de la France sur ce dossier. En 2017, quand le glyphosate a été ré-autorisé pour cinq ans en Europe, la France était contre. Elle s’est alors déclarée, par la voix d’Emmanuel Macron, déterminée à en finir avec cette molécule avant ces cinq ans, visant 2020. Une mission parlementaire a été mise sur pied pour suivre et organiser la stratégie française en la matière. Un coordinateur a été nommé pour harmoniser les efforts des quatre ministres engagés (Agriculture, Santé, Recherche, Transition écologique). Et François de Rugy l’affirme : en 2021, si le mouvement impulsé ne suffit pas, une loi sera bien votée.
La profession agricole se veut motrice
La source politique n’est pas la seule à contribuer au remplissage du verre à moitié plein. La profession agricole bouge. Plusieurs dizaines de structures de divers profils (syndicats, interprofessions, instituts techniques, entreprises…) ont lancé ensemble un « Contrat de solutions ». Le principe : l’agriculture se prend en main pour réduire les usages de pesticides, et pas uniquement le glyphosate, en émettant ses propositions d’alternatives, réclamant en retour le soutien des pouvoirs publics pour leur émergence et leur diffusion. Près de 250 pistes de travail sont recensées. Le Salon de l’agriculture 2019 devrait être marqué par d’importantes annonces concernant le Contrat de solutions.
Avec le #contratsolutions, nous donnons une réponse concrète aux interrogations de nos concitoyens sur les produits phytosanitaires . 40 partenaires se sont unis pour relever ce défi. C’est une démarche historique ! #EnvoyeSpecial #glyphosate
— La FNSEA (@FNSEA) 17 janvier 2019
La science sur le pont
La recherche aussi contribue à faire monter le niveau du verre. L’institut national de la recherche agronomique (Inra) est pleinement mobilisé, et travaille sur des alternatives pour l’ensemble des filières utilisant l’herbicide. Toutes ses unités de recherche ont été sensibilisées à cet enjeu, et l’ensemble des nombreuses expérimentations de l’institut, en 2020 se pratiqueront sans la molécule. L’Inra planche aussi sur les autres aspects du changement : quel coût pour les agriculteurs ? Quels effets environnementaux indirects ? Car si le verre n’est pas rempli à ras bord, c’est aussi parce que le mouvement engagé n’est pas si évident à opérer.
Vitesse ou précipitation
Réussir la transition demande du temps, et la précipitation peut-être mauvaise conseillère. Le bide du site www.glyphosate.gouv.fr, lancé en moins de deux mois, prouve les limites d’un effet d’annonce sans prendre le temps de la concertation. Le Président Macron pensait créer un mouvement d’entrainement en mettant en avant, sur ce site, les agriculteurs volontaires pour arrêter le glyphosate. Depuis le 22 novembre, seuls treize d’entre eux se sont inscrits. Bien plus nombreux sont ceux qui y ont vu une manière de créer une hiérarchie entre les bons et les mauvais agriculteurs…
Prendre le temps de parler technique
Cet exemple souligne l’importance de se mettre à la place de ceux qui doivent appliquer le changement. Problème : le reportage d’Envoyé spécial consacre moins d’une demi-heure, sur deux heures en tout, à donner la parole aux agriculteurs. Deux d’entre eux, l’un travaillant en bio et l’autre en conventionnel, n’ont que quelques minutes de montage pour échanger sur leurs pratiques. Pas assez pour diffuser l’ensemble de leurs discussions « techniques », ou pour aller au fond de la question du labour, une alternative qui n’est pas sans conséquence pour le sol, c’est à dire sa structure et la biodiversité qu’il abrite. Mais suffisant pour constater que les deux hommes, pourtant présentés comme issus de deux mondes « a priori irréconciliables », ont réussi à dialoguer, avant de trinquer avec deux verres (à moitié pleins). Échanger, comprendre, contextualiser… est indispensable à toute transition, et Envoyé spécial a au moins le mérite de montrer que c’est possible.
Le labour n’est pas totalement une alternative au #glyphosate .
Sur des problèmes de vivaces, la charrue ne fait rien. C’est un laboureur partiel qui vous le dit#EnvoyeSpecial #FACTCHECK
Ça fait partie des impasses… pic.twitter.com/K96hMBXWhy
— Agritof80 (@agritof80) 17 janvier 2019
Cette émission, faite et voulue “à charge”, outre qu’en ne laissant pas le temps aux agriculteurs d’approfondir la question pour la bonne compréhension des téléspectateurs, ouvrait la porte aux (hypo)thèses complotistes, les Monsanto papers étant à la base de toutes les dérives scientifiques, techniques et réglementaires…
En revanche la pseudo-science était convoquée avec ces urines dans lesquelles le glyphosate se retrouvait, à des teneurs infimes mais sans éclairage médical ou biologique… Il est évident que des analyses multicibles nous montreraient la présence dans les, dans nos, urines de tant de substances chimiques qu’on en serait surpris.
Cette émission, faite et voulue “à charge”, outre qu’en ne laissant pas le temps aux agriculteurs d’approfondir la question pour la bonne compréhension des téléspectateurs, ouvrait la porte aux (hypo)thèses complotistes, les Monsanto papers étant à la base de toutes les dérives scientifiques, techniques et réglementaires…
En revanche la pseudo-science était convoquée avec ces urines dans lesquelles le glyphosate se retrouvait, à des teneurs infimes mais sans éclairage médical ou biologique… Il est évident que des analyses multicibles nous montreraient la présence dans les, dans nos, urines de tant de substances chimiques qu’on en serait surpris.