C’est une décision du 27 août, signée du tribunal administratif de Rennes, qui a donné le coup d’envoi de la frénésie médiatique. En retoquant l’arrêté municipal de Langouët (Ille-et-Vilaine), qui visait à empêcher les pulvérisations de pesticides à moins de 150 mètres des habitations, le juge a confié à Daniel Cueff, maire de cette commune de 600 habitants, le rôle de porte-drapeau de la cause des « zones non traitées » (ZNT). Déjà soutenu par diverses ONG, le maire a lancé un appel à ses homologues, les incitant à l’imiter, malgré l’échec de sa démarche.
En ville, interdire des produits déjà interdits
Nombreux sont ceux qui l’ont suivi. Invité à participer à une véritable tournée, enchaînant conférences de presse et plateaux télé, Daniel Cueff se réjouit de la pluie d’arrêtés municipaux, quand bien même ceux-ci sont a priori voués à être cassés. Le 12 septembre, Paris, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lille et Nantes agissaient collectivement. Ces grandes villes ont interdit les pesticides sur leur territoire, où ils ne sont pourtant plus utilisés que sur des espaces très restreints, comme les parcs privés, les voies de chemin de fer… La réglementation en proscrit déjà l’usage par les collectivités depuis 2017, et par les particuliers depuis le début de l’année 2019.
Communes et coups de com’
Si plusieurs élus semblent sincèrement motivés par la crainte des pesticides, difficile de ne pas voir des coups de communication ici ou là. C’est peut-être le cas de ceux qui ciblent en particulier le plus polémique des pesticides, le glyphosate, toujours très efficace pour attirer l’attention médiatique. Ou de ces maires dont le territoire ne compte aucune terre agricole. Il devient difficile de se distinguer et d’être visible dans une liste comptant désormais 50 à 60 communes. Le président du conseil du Val-de-Marne sort du lot, de son côté, en étant le premier à agir au niveau départemental, interdisant en l’occurrence le glyphosate et les pesticides perturbateurs endocriniens.
Merci à ces 5 communes d’avoir confirmé qu’elles respecteront la loi : depuis le 1er janvier 2017 l’utilisation des pesticides est déjà interdite dans les espaces publics, et depuis le 1er janvier 2019 chez les particuliers… #coupdecom https://t.co/R7vGLRJj9K
— Elisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) September 12, 2019
Un arrêté interministériel qui ne passe pas
Et le gouvernement ? Trois ministères (Santé, Agriculture et Transition écologique) ont mis en consultation, le 9 septembre, un arrêté et un décret visant à encadrer la protection des riverains vis-à-vis des pesticides, y compris ceux autorisés en bio. Des zones non traitées (ZNT) entre les zones d’épandage et les zones d’habitation sont fixées : entre 5 et 10 mètres selon la hauteur des cultures et la dangerosité des molécules utilisées. Le gouvernement précise s’être appuyé sur des préconisations scientifiques et indépendantes formulées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Ce qui n’empêche pas les « maires-courages », et leurs soutiens, d’évoquer une réponse insuffisante de la part du gouvernement. Ce n’est pourtant pas une « réponse » : s’il est révélé en plein cœur de la polémique, cet arrêté était prévu depuis octobre 2018 avec l’adoption de la loi Égalim, soit plusieurs mois avant que Daniel Cueff ne publie son arrêté.
[Communiqué] 📢 – Le Gouvernement met en consultation un nouveau dispositif de protection des riverains vis-à-vis de l’utilisation des produits phytosanitaires https://t.co/ECrsxuxMe1 pic.twitter.com/7aXzUwzERq
— Alim’Agri (@Min_Agriculture) September 7, 2019
Laisser une place à la concertation
De plus, cet arrêté donne la priorité à la concertation locale. Ces ZNT ne s’appliqueront en effet que si les acteurs des territoires n’ont pas réussi à s’entendre autour de chartes validées au niveau départemental. Les préfets ont jusqu’au 1er janvier 2020 pour mener ces concertations. Douze départements ont pris de l’avance et ont déjà une charte prête à l’emploi. Une trentaine seront dans ce cas fin septembre. Certains devront adapter leur copie aux différents critères listés par l’arrêté. Mais ils prouvent que, derrière un tsunami médiatique unilatéral, faisant des pesticides un outil à proscrire définitivement, un dialogue avec les agriculteurs reste possible.
Je suis un peu surpris que l’arrêté ministériel mis en consultation, qui s’appuie sur des “préconisations scientifiques et indépendantes” (ANSES) préconise des ZNT de 5 à 10 m.
N’est-ce pas sur des recommandations de la même ANSES que l’arrêté du 4 mai 2017 préconise des ZNT de 5, 20 ou 50m (voir plus en fonction de la date de l’autorisation de mise sur le marché…) ?
Les cours d’eau et points de captages des eaux seraient-ils mieux protégés que les riverains?
Sans rentrer dans la polémique, les professionnels et personnes averties des pratiques culturales et de la réalité de la (ou plutôt des) pulvérisation doivent bien se rendre compte qu’une distance de 5 m de protection est tout à fait insuffisante, même en absence de vent, même en utilisant des matériels anti-dérive.
En outre, cette distance serait la même selon que l’on utilise une rampe, un atomiseur, un pulvé pneumatique ?
Franchement, c’est pas sérieux tout ça et n’est pas de nature à apaiser les soupçons, et place les agriculteurs dans une situation plus que délicate
Je suis un peu surpris que l’arrêté ministériel mis en consultation, qui s’appuie sur des “préconisations scientifiques et indépendantes” (ANSES) préconise des ZNT de 5 à 10 m.
N’est-ce pas sur des recommandations de la même ANSES que l’arrêté du 4 mai 2017 préconise des ZNT de 5, 20 ou 50m (voir plus en fonction de la date de l’autorisation de mise sur le marché…) ?
Les cours d’eau et points de captages des eaux seraient-ils mieux protégés que les riverains?
Sans rentrer dans la polémique, les professionnels et personnes averties des pratiques culturales et de la réalité de la (ou plutôt des) pulvérisation doivent bien se rendre compte qu’une distance de 5 m de protection est tout à fait insuffisante, même en absence de vent, même en utilisant des matériels anti-dérive.
En outre, cette distance serait la même selon que l’on utilise une rampe, un atomiseur, un pulvé pneumatique ?
Franchement, c’est pas sérieux tout ça et n’est pas de nature à apaiser les soupçons, et place les agriculteurs dans une situation plus que délicate