C’est peu de dire que les textes publiés par le gouvernement, concernant l’encadrement des zones d’épandage de pesticides auprès des habitations, ont été mal reçus. Plusieurs ONG environnementales, jugeant leur contenu insuffisamment protecteur pour les riverains, ont menacé d’intenter des recours en justice. Le monde agricole, qui est également déçu, demande un moratoire et formule également ses propres représailles. En l’occurrence, boycotter les stations d’épuration, et plus précisément cesser d’assurer la gestion des boues qui en sont issues.
Pour les collectivités, les boues ont un coût
En clair, ces boues sont un déchet pour les collectivités, et les agriculteurs les en débarrassent en les épandant sur leurs terres. Si, avec ce boycott, les agriculteurs se privent d’une matière première jouant le rôle de fertilisant, ce sont bien les collectivités qui risquent de se trouver dans l’embarras. Au lieu d’écouler « gratuitement » ces boues, elles devront les traiter, avec des charges importantes pour les stations, estimées entre 10 et 20 % de leur coût de fonctionnement en routine. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a exprimé cette menace le 14 janvier lors de sa conférence de rentrée.
Des textes jugés inapplicables en l’état
La structure syndicale dénonce l’inapplicabilité des textes concernant les zones non traitées, ou ZNT. C’est principalement le calendrier qui est problématique. Alors que les mesures de l’arrêté et du décret sont applicables depuis le 1er janvier, le secrétaire général adjoint de la FNSEA, Éric Thirouin, affirme que « toutes les possibilités de déclinaison dans [leurs] applications ne sont pas finalisées ». Le moratoire réclamé par la FNSEA doit, selon lui, permettre au gouvernement de compléter sa copie pour aider les agriculteurs à s’y conformer.
La FNSEA estime notamment que la compensation financière des pertes de productivité des parcelles, sur les zones sans traitement, doit être prise en compte. Le syndicat veut aussi que les pouvoirs publics responsabilisent les aménageurs et les promoteurs, jugeant que l’agriculture n’a pas à assumer seule les contraintes liées à la cohabitation entre producteurs et riverains.
La validation des chartes de riverains, « trop longue »
Enfin, le dispositif lié à l’adoption des « chartes de riverains » est pointé du doigt. Celles-ci sont sensées être opérationnelles depuis le 1er janvier 2020. Or, les textes officiels ont été publiés dans la deuxième quinzaine de décembre, laissant trop peu de temps aux acteurs locaux pour s’organiser. Même les départements ayant anticipé doivent réajuster leur copie, dans un timing plus que limité : la procédure pour les valider compte une consultation publique qui doit durer au moins un mois, puis deux mois sont laissés au préfet pour réagir, et deux mois supplémentaires sont prévus pour apporter d’éventuelles modifications. « Que se passera-t-il si un citoyen saisit le tribunal d’ici là ? », s’inquiète Éric Thirouin.