Dans la ferme de Pierre Yves, producteur de poulets et vaches à lait à Rannée (35), un tableau blanc est entouré de tables en bois sur lesquels sont disposés des post-it et des feutres de couleurs. En ce soir du vendredi 20 août, une quinzaine de personnes ont répondu à l’appel de Marina Bisson et Zoé Brillet, pour la plupart des agriculteurs du secteur. Dans le cadre de leur service civique chez Trame, une association accompagnant des groupes d’agriculteurs, les deux jeunes femmes ont organisé le projet original « Héros et héroïnes de nos assiettes ». Le but, se déplacer à vélo entre des exploitations, des marchés et magasins de producteurs, du 16 au 27 août, une semaine en Bretagne puis une dans les Hauts de France, pour « créer un lien entre citoyens et agriculteurs » lors de rencontres dédiées. Ce vendredi, la discussion concernait les paiements pour services environnementaux (PSE).
Un débat autour d’une dégustation de produits locaux
Ce soir, autour d’une dégustation de fromage de chèvre de Maxime, éleveur voisin présent ce soir-là, c’est Pierre Yves qui débute la discussion. « Je trouve que nous, les agriculteurs, travaillons bien. Et comme nous y passons du temps, nous devons être payés pour ça ». L’agriculteur est engagé sur le sujet, à travers le projet LabPSE, porté par le réseau Trame. L’objectif est de permettre la rémunération de services environnementaux (stockage de carbone ou entretien du sol par exemple) fournis par des agriculteurs, par des acteurs du territoire. Aurélien Leray, installé à Chanteloup (35) sur une exploitation de vaches laitières pâturant, et également membre du LabPSE, complète : « Pour moi, le problème est que la Pac ne suffit pas pour influencer l’orientation politique du modèle agricole. C’est pour ça que nous choisissons de solliciter des entreprises. » Les PSE restent néanmoins marginaux, comme le rappelle Pierre-Yves : « Mes collègues ne comprennent pas ce que je fais ! » L’échange entre agriculteurs, de près d’une heure, est riche en débat, mais tous s’accordent sur un point : les agriculteurs sont des acteurs majeurs de la réponse au changement climatique.
« On est très satisfaites des échanges qui ont eu lieu »
Ce soir-là, aucun citoyen-consommateur n’a répondu à l’appel, malgré les efforts des deux cyclistes pour les attirer. « Nous n’avons pas de formation de communication, et ça se ressent », explique Marina Bisson. Le binôme a néanmoins réussi à dépasser ce frein, lors de la deuxième semaine du projet, en organisant des rencontres au sein de magasins de producteurs. « A Colembert, les clients du magasin ont appris le fonctionnement du catalogue de semences, par exemple », explique Zoé Brillet. Au cours des deux semaines, beaucoup de sujets ont été abordés, dont la transmission et l’installation, la maîtrise d’un produit tout au long de la filière, et le fonctionnement d’un magasin de producteurs. « Même si nous aurions aimé qu’il y ait plus de participation, nous sommes très satisfaites des échanges qui ont eu lieu », assure Zoé Brillet. Cette dernière précise d’ailleurs que le format des déplacements à vélo leur a permis de prolonger les échanges au cours des journées, et ainsi « semer des graines sur [leur] passage ».
Un livret pédagogique et des vidéos des échanges
Dans un souci de pédagogie, les deux service civique ont, tout au long de leur parcours, distribué un « livret pratique autour de l’agriculture et l’alimentation » aux personnes intéressées (disponible sur leur page Facebook). Elles réaliseront des mini-vidéos des rencontres, qui seront publiées fin septembre sur leur page Facebook et sur la page Youtube de Trame. L’association compte bien tirer profit de cette expérience, dans ses projets avec les agriculteurs ayant participé, mais également pour pouvoir reproduire ce type d’actions lors d’événements similaires. Et Zoé Brillet d’ajouter : « Et pourquoi pas pour impulser d’autres idées lors de prochains services civiques ? »