Abeilles et pesticides : deux études changent la donne

3 avril 2012 - La rédaction 

Deux études publiées le 29 mars sur le site de la revue américaine Science montrent l'impact négatif de pesticides de la famille des néonicotinoïdes sur le comportement des pollinisateurs. La première, française, révèle que des abeilles nourries avec une dose de thiamétoxam cinq fois inférieure à la dose létale présentent un taux significatif de non-retour à la ruche. La deuxième, conduite au Royaume-Uni, prouve que des colonies de bourdons exposées à l'imidaclopride prennent moins de poids et produisent 85 % de reines en moins. Ces deux études, qui pour la première fois présentent des expérimentations hors laboratoire et isolent le facteur pesticide des autres facteurs de stress pour les pollinisateurs, remettent en cause l'évaluation des produits utilisés : celle-ci se base sur une dose létale pour les abeilles, alors que selon les auteurs des expérimentations, une dose bien inférieure change le comportement et donc la survie des insectes.
En France, la publication de l'étude menée par l'Inra/Acta/CNRS/Adapi (1) a immédiatement conduit le ministère chargé de l'agriculture à lancer une procédure de réévaluation de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du Cruiser OSR, un traitement de semences à base de thiamétoxam et autorisé sur colza en juin 2011. L'Anses(2) est saisie et son avis est attendu avant le 31 mai. « Si ces nouvelles données scientifiques étaient confirmées, l'AMM du Cruiser serait retirée », précise le ministère. Il a par ailleurs saisi la Commission européenne et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de l'étude, les appelant à « en tirer toutes les conséquences pour l'évaluation européenne du thiamétoxam et, le cas échéant, à compléter le cadre harmonisé de l'évaluation des produits phytosanitaires pour les abeilles ».

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Pour étudier le taux de retour à la ruche, l'équipe de chercheurs français a placé des micropuces RFID sur le thorax de plus de 650 abeilles.

Une étude biaisée, selon Syngenta

Pour Syngenta, qui commercialise le Cruiser OSR, l'étude reste cependant fortement éloignée de la réalité. La société conteste notamment la dose de thiaméthoxam administrée aux abeilles, qui serait, selon elle et l'avis de l'Anses du 15 octobre 2010, au moins trente fois plus élevée que celle du nectar de colza protégé avec du Cruiser OSR. Enfin, Syngenta rappelle que « les études fournies à l'appui du dossier d'autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR comportent un suivi en conditions réelles sur quatre ans (soit l'équivalent de vingt générations successives) de colonies d'abeilles butinant du colza protégé avec Cruiser OSR ». Or selon la société, qui renvoie à l'avis de l'Anses du 15 octobre 2010, les résultats n'ont montré aucune baisse de poids des colonies au cours de la floraison du colza en comparaison avec des témoins, prouvant l'absence de dépopulation des colonies.

(1)Association pour le développement de l'apiculture provençale, déclinaison régionale de l'Itsap-Institut de l'abeille.
(2)Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

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