Et cette exigence politique a une portée internationale : “Le lendemain du congrès, la présidence brésilienne nous a invités à venir présenter le texte”, ajoute-t-elle. Mais au-delà de ce droit à un environnement sain, se dessinent les impacts sur la législation : “La charte permet de sortir des incertitudes jurisprudentielles actuelles et devient garante d’une sécurité juridique nouvelle”. De plus, les exigences juridiques de la charte s’imposent à toutes les lois et pas seulement à celles qui ont une vocation environnementale.
Débats autour du principe de précaution
Bien évidemment la construction de ce texte constitutionnel ne s’est pas faite sans débats… parfois serrés. Parmi les sujets de controverse : le principe de précaution. Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, c’est un vrai progrès car l’article 5 lui offre une définition plus claire et détermine son champ d’application : “Comme il n’y avait pas de cadre précis, en cas de contentieux, c’était le juge qui tranchait. Dorénavant, les conditions de son application sont explicites. De plus, la France a adopté une attitude avant-gardiste qui prime par rapport au texte européen. Certes, les pouvoirs publics en supportent la responsabilité, les entreprises étant concernées par le devoir de prévention, mais l’article 5 offre surtout la possibilité d’agir avec l’obligation de mettre en œuvre tous les programmes de recherche permettant de lever le doute”. Et en cas de contentieux, c’est le seul article directement invocable en tant que tel auprès du juge. “Ce qui pose un juste partage entre un principe de valeur constitutionnelle, directement applicable et invocable par les citoyens devant le juge – le principe de précaution – et des objectifs de valeur constitutionnelle, qui bien que s’imposant au législateur réclament son intervention.”
Le risque écologique pur pris en compte
Autre point de discorde, l’article 4, relatif au principe de réparation et qui dans sa définition finale a écarté le terme pollueur-payeur. “Ce terme porte trop à confusion et reconnaît la notion de pollueur.” Point important : la réparation doit être à hauteur des dégâts économiques mais aussi écologiques. “Le risque écologique pur est dorénavant pris en compte. À côté du coût économique d’une marée noire, il faudra aussi ajouter celui causé à la nature. Pour un ornithologue, une association de protection de l’environnement, des cormorans mazoutés, c’est intolérable.” Mais l’essentiel c’est que la charte de l’environnement incite tout un chacun à réagir, à faire émerger cette responsabilité, ce devoir envers l’environnement.
Cela passe par des gestes, par de la prévention, de la sensibilisation. Certains sont perplexes sur la portée juridique de la charte, toutefois seule sa transcription à travers les lois permettra d’en évaluer le réel poids. La loi sur l’eau, en cours de préparation sera un bon cas d’école. La contribution exigée du monde agricole sera-t-elle jugée satisfaisante ? Servira-t-elle un premier contentieux ? Pour Ariane Vennin, avocate, membre du Conseil national du développement durable, un texte de droit vit grâce à la jurisprudence et en tout cas, “la charte sera aussi ce que nous en ferons”.
La charte de l’environnement, adossée à la constitution
Le texte de la charte de l’environnement a été adopté le 28 février 2005 par le Parlement réuni en Congrès à Versailles et promulgué le 1er mars 2005 par Jacques Chirac.
Préambule de la constitution française modifié
Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la charte de l’environnement de 2004. (…)
Les dix articles de la charte de l’environnement
“Le peuple français, considérant, que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ; Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ; Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ; Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ; Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ; Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ; Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, Proclame :
“Art. 1er. – Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
“Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.
“Art. 3. – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
“Art. 4. – Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.
“Art. 5. – Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
“Art. 6. – Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.
“Art. 7. – Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
“Art. 8. – L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.
“Art. 9. – La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement.
“Art. 10. – La présente charte inspire l’action européenne et internationale de la France.”