Cipan, six agriculteurs témoignent

20 septembre 2005 - La rédaction 
L’implantation des cultures intermédiaires pièges à nitrate (Cipan) se développe et les agriculteurs opèrent de différentes façons selon leurs itinéraires culturaux, leurs types de terre, leur matériel disponible, leur disponibilité en main-d’œuvre…, mais aussi leur croyance dans le système… Dans la Marne où le semis des couverts progresse, six agriculteurs ont accepté de nous livrer leur pratique.

La Marne dispose d’une certaine expérience dans le domaine de l’implantation des cultures intermédiaires pièges à nitrate (Cipan). Une association régionale, l’Arep, travaille sur le sujet dans un essai basé à Thibie et les agriculteurs ont une démarche assez volontaire quant à la technique. La région peut également profiter d’épandages de « vinasse » (résidus de la distillation des vins et des mélasses de sucreries) dont l’agriculteur cherche à capter les valeurs par le biais d’une culture intermédiaire. Les incitations financières jouent aussi leur rôle starter dans de nombreuses exploitations. La signature d’un CAD par exemple (Contrat d’agriculture durable) amorce souvent le système par obligation, moyennant une aide sur cinq ans. Enfin, argument non négligeable, une augmentation des rendements peut être attribuée à la pratique de cultures intermédiaires. Sans disposer de chiffres plus récents, les indications de référence restent celles de 1999-2000 où une surface de 330 000 ha de couverts intermédiaires était annoncée par les RGA (Renseignements généraux agricoles). En y ajoutant 220 000 ha de cultures « dérobées », le total représentait 4 % de la surface de l’ensemble des cultures, mais 11 % de celle implantée en cultures de printemps.

Azote piégé

Une autre source en provenance des semenciers permet d’illustrer la progression de la pratique. Sous toutes réserves, cette source fait état d’un doublement du volume des ventes de semences de couverts entre 1999 et 2003. “Tout porte donc à croire que la surface implantée en cultures intermédiaires augmente, indique Jérôme Labreuche, animateur du pôle agroéquipement à Arvalis, un institut technique en charge de nombreux essais. En Bretagne, la réglementation laisse peu d’alternatives aux agriculteurs et ailleurs, la récupération des nitrates est souvent le déclencheur du développement de la pratique.” À la question : combien peut-on piéger d’unités d’azote ?, Jérôme Labreuche répond que si la culture intermédiaire a été implantée assez tôt et dans de bonnes conditions, entre 80 et 100 unités peuvent être captées. “Tout dépend de l’azote disponible, précise-t-il, de l’historique de la parcelle, des apports réalisés préalablement comme les épandages de vinasses, fumier, lisier. En zone d’élevage par exemple, les couverts se développent beaucoup plus avec les arrières effets des engrais de ferme que dans les zones céréalières. Dans la Marne, on considère qu’une moutarde peut facilement piéger une cinquantaine d’unités.”

Choisir la bonne variété

Parmi les espèces implantées, les crucifères sont souvent citées (moutardes, radis, colza, avoine, seigle…) mais aussi la phacélie et des graminées comme le ray-grass. Ces deux dernières espèces demandent une préparation fine et un bon recouvrement de la graine pour une levée correcte, alors que l’ensemencement rapide sur des terrains peu préparés est souvent retenu par les agriculteurs. Des problèmes de levées sont souvent cités et, outre l’implantation elle-même, la précocité du semis est évoquée. Les solutions de semis à la volée dans la culture avant la récolte ou encore celle qui consiste à semer sur la moissonneuse-batteuse peuvent être écartées pour cette seule raison. Économiquement pourtant, le semis simultané à la moisson limite le nombre de passages.

Autre problème d’un semis trop précoce, celui de la montée à graines du couvert. Parfois, le couvert ne peut pas être détruit avant une certaine date et si le semis est trop précoce, la culture est montée à graines à la date de la destruction. “Il faut dans ce cas choisir une variété tardive, explique Jérôme Labreuche, ou alors semer plus raisonnablement sa moutarde à la fin août, plutôt qu’au début de ce même mois.” Un autre facteur à prendre en compte dans le choix des espèces est donc celui de la destruction. “Si le gel participe efficacement à la destruction d’une moutarde, commente l’ingénieur Arvalis, la disparition complète des tiges peut être assez longue. À l’inverse, le radis est lui plus résistant au gel, mais ses feuilles et son bulbe se décomposent plus facilement.”

Un système cohérent

À propos des deux grandes stratégies : “semer le couvert sans préparation l’été et travailler le sol au printemps” ou “semer le couvert avec préparation l’été et reprendre rapidement le sol au printemps”, les conseils sont difficiles à donner tant les critères sont nombreux. “Déjà il faut séparer le système avec labour de celui sans labour, explique Jérôme Labreuche. Ensuite le plus important c’est de rester dans la cohérence du système que l’on a choisi en gérant les adventices, les pailles, les limaces…” Au sujet des limaces justement, certains agriculteurs considèrent que leur présence est liée aux couverts. Pour Arvalis, des expérimentations ont pu montrer qu’en système avec labour, il n’y avait pas plus d’activité des limaces avec couvert que sans couvert végétal. En non labour, une plus forte activité des limaces a pu être observée quand il n’y avait pas eu de travail préalablement au semis de printemps. “C’est-à-dire dans le cas d’une destruction tardive du couvert, précise Jérôme Labreuche, avec une présence forte des résidus de couvert au moment des semis.” Ainsi en présence de limaces, une destruction précoce du couvert et un travail du sol avant semis ne pourront être que bénéfiques.

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