Communiquer à travers les jachères fleuries

3 mai 2006 - La rédaction 
Soutenus par les collectivités locales, quatre agriculteurs installés en périphérie urbaine de Lyon se sont lancés dans un projet d’embellissement des abords de leurs parcelles en implantant des jachères fleuries. Une initiative qui vise notamment à renouer le dialogue entre agriculteurs et citadins.

Le Groupement d’étude et de développement agricole de l’Ozon (Geda) a inauguré officiellement, le 6 juillet 2005, l’implantation de jachères fleuries à Feyzin, sur le plateau des Grandes Terres, situé à une quinzaine de kilomètres à peine du centre-ville lyonnais. Balade champêtre haute en couleur pour le vice-président du Grand Lyon (Lyon et ses environs), la chargée de mission “Espaces naturels et agricoles” de la communauté urbaine, mais aussi l’adjoint à la ville de Vénissieux, le premier adjoint à la ville de Corbas… car ces milliers de fleurs qui embellissent les terres d’Hervé Garin, exploitant sur 135 ha et président du Geda de l’Ozon (lire encadré ci-dessous), ont éclos dans le cadre d’un projet sérieusement ficelé, impliquant à la fois les agriculteurs volontaires mais aussi les collectivités locales, moteurs de ce genre d’initiatives.

Hervé Garin, président du Geda de l’Ozon, lors de l’inauguration des jachères fleuries, le 6 juillet 2005.

Des sentiers aménagés, aux jachères fleuries

Tout a commencé en 1994-1995, lors du remembrement, avec la volonté de quelques agriculteurs du plateau des Grandes Terres, dont Hervé Garin, actuel président du Geda de l’Ozon, de composer un paysage. Installés au pied des célèbres grandes tours des Minguettes, ces céréaliers ont eu l’idée de créer des lieux de promenade en aménageant les chemins bordant les parcelles mais aussi d’embellir le paysage en replantant des haies. Parallèlement, en 1997, naît le concept du “Projet nature”, impulsé par la communauté urbaine du Grand Lyon (lire encadré ci-dessous). Les objectifs de la collectivité et des agriculteurs se rejoignent : pérenniser l’espace rural et valoriser la dimension paysagère des parcelles agricoles. Résultat : sur 800 ha, 15 km de chemins fermés à la circulation ont été aménagés, dont deux sentiers marcheurs et un pour VTT, et 8 km de haies ont été replantées, ainsi qu’une cinquantaine d’arbres isolés. Ces initiatives avaient déjà pour ambition de communiquer auprès du grand public en le faisant venir sur les terres pour une promenade dominicale ou à travers l’accueil de jeunes des écoles : 12 classes et 300 élèves ont déjà arpenté le plateau des Grandes Terres.
L’implantation de jachères fleuries colle alors parfaitement aux volontés de chaque partie et agrémente cet ensemble d’actions.

Élaboration d’une convention “jachères fleuries”

Quatre agriculteurs, réunis au sein du Geda de l’Ozon, se lancent dans l’aventure. Deux années ont été nécessaires pour expérimenter des mélanges de graines et leur associer un itinéraire technique (travail du sol, densité de semis, date de semis, désherbage, destruction du couvert…). Tout est notifié dans un protocole qui a fait l’objet d’une convention signée par les agriculteurs et la DDAF du Rhône (Direction départementale de l’agriculture et de la forêt). “Cette convention a été actée par le ministère de l’Agriculture, indique Hervé Garin. On ne pouvait pas agir sans cette étape préalable car les jachères entrent dans le cadre d’une réglementation très stricte : c’est une parcelle sur laquelle il ne doit pas y avoir de production et de laquelle l’agriculteur ne peut générer de revenu. Dans le cadre du “projet nature” élaboré avec la communauté urbaine du Grand Lyon, l’ensemble du coût que représente l’implantation de la jachère fleurie est financé, les agriculteurs ne déboursent rien mais ne tirent pas non plus de bénéfices. Le montant est fixé chaque année en même temps que les surfaces autorisées dans le département avec la DDAF du Rhône et le Geda rédacteur de la convention. En 2005, le coût des jachères fleuries était de 389 /ha.”

Le protocole de culture doit permettre de faire face à un certain nombre de contraintes techniques, dont la prolifération de l’ambroisie, mauvaise herbe allergène très répandue dans la région Rhône-Alpes. Le cycle de végétation de cette plante est en effet le même que celui des fleurs de la jachère et en cas d’infestation, sa destruction est obligatoire par arrêté préfectoral, ce qui suppose le broyage de l’ensemble de la parcelle en jachère.

Des fleurs autour des pistes d’atterrissage

Il était également nécessaire d’élaborer des mélanges au rendu visuel particulièrement agréable. “Pour cela, nous avons travaillé avec des grainetiers afin de réaliser des mélanges valides à la fois au niveau des couleurs des fleurs mais permettant aussi des échelonnements de floraison, explique Hervé Garin. Nous avons ainsi testé trois types de mélanges : un mélange haut à base de cosmos, un mélange bas à base de eschscholzia, et un mélange mellifère de centaurées et de soucis. Cette année, nous avons tenté d’améliorer encore l’aspect visuel et expérimenté une plantation automnale.”

Le projet n’est pas seulement beau, il séduit. De 14 ha de jachères fleuries implantées en 2005, le Grand Lyon devrait voir fleurir près de 20 ha cette année, et notamment quelques îlots en bordure de l’aéroport Saint-Exupéry. “C’est une surface qui paraît faible mais elle se remarque. Nous avons d’ailleurs l’intention de réduire la surface de chaque parcelle et de travailler en bandes moins larges afin de gagner en effet visuel.” Quelques autres agriculteurs devraient se joindre au groupe des quatre, sur d’autres secteurs. “Nous recevons beaucoup d’appels de communes qui souhaitent inciter leurs agriculteurs à mettre en place des jachères fleuries”, note Hervé Garin. Preuve que l’appel lancé à la société civile par ce groupe d’agriculteurs a bien été reçu ! Une porte d’entrée à passer pour développer d’autres projets… Car le groupe étudie d’ores et déjà une nouvelle initiative avec les collectivités locales dans le domaine des énergies renouvelables cette fois.

Hervé Garin exploite 135 ha dans l’est lyonnais.

“Agacés d’entendre des propos négatifs sur l’agriculture, lors d’une réunion du Geda, nous nous sommes dits « pourquoi ne pas planter des fleurs ? », lance ironiquement Hervé Garin, président du Geda de l’Ozon, exploitant sur 135 ha dans l’est lyonnais.

Les quatre agriculteurs engagés dans l’aventure de la jachère fleurie. De gauche à droite : Gilles Borioz, Jean-Charles Jocteur, Hervé Garin et Jean-Philippe Payet-Bernoud.

Ce n’était pas une idée en l’air, d’autant qu’elle coïncidait parfaitement avec la volonté de la communauté urbaine de Lyon de préserver les territoires ruraux périurbains, d’attirer des promeneurs sur ces espaces et de les embellir.”

Jean-Philippe Payet-Bernoud, installé sur 85 ha sur la commune de Corbas

“En fait l’idée de la jachère fleurie m’est venue tout simplement en regardant le Tour de France, explique Jean-Philippe Payet-Bernoud, installé sur 85 ha sur la commune de Corbas. Le cameraman avait zoomé un instant sur deux bandes fleuries en bordure d’une parcelle sur le passage du Tour. J’en ai parlé avec Hervé Garin, le président du Geda. Et nous nous sommes lancés. J’ai participé aux essais de graines sur des microparcelles et obtenus de bons résultats dès la première année. J’avais envie d’apporter une réponse aux critiques des citadins. La jachère fleurie, c’est un moyen de communiquer positivement sur l’agriculture. Par ailleurs il était important pour moi de partager l’idée de la jachère fleurie, et de la tester en bénéficiant du brassage des opinions.”

La communauté urbaine de Lyon, partie prenante

“Nous visions trois objectifs : préserver l’espace rural, l’ouvrir au public et faire connaître la richesse de l’espace naturel aux portes de la ville”, commente Véronique Hartman, chargée de mission Espaces naturels et agricoles pour le Grand Lyon.

“Dans les années 90, indique Véronique Hartman, chargée de mission Espaces naturels et agricoles, la communauté urbaine du Grand Lyon a fait le constat de la perte d’espaces ruraux : dans le cadre du POS (Plan d’occupation des sols) de 90, la photographie de l’existant confrontée aux projets d’urbanisation révélait la progressive diminution de l’espace rural. Nous avons réagi en lançant des projets nature, dès 1997. L’idée était de mettre en place chaque année des actions répondant à trois objectifs : préserver l’espace rural, l’ouvrir au public et faire connaître la richesse de l’espace naturel aux portes de la ville.

11 “projets nature” ont fleuri sur la communauté urbaine, dont celui des Grandes Terres. Ils ne sont pas tous liés à une activité agricole. Ces “projets nature” sont financés par le Grand Lyon, le département du Rhône sur les “Espaces naturels sensibles”, et les communes. Pour celui des Grandes Terres, 80 % des fonds proviennent du Grand Lyon et les 20 % restants sont financés par les trois communes concernées, à savoir, dans le cas des Grandes Terres, Feyzin, Vénissieux et Corbas.

En contrepartie, les agriculteurs investissent du temps pour honorer les contrats passés avec les collectivités locales : entretien des haies, entretien des sentiers, tonte des prairies pour créer des aires de pique-nique, embellissement du paysage… Au-delà, pour la communauté urbaine, ces “projets nature” permettent d’apporter une reconnaissance au monde agricole.”

Le Geda de l’Ozon

Un groupement d’agriculteurs, actif dans les évolutions du territoire

Créé en 1985, le Geda de l’Ozon, initialement tourné vers l’appui technique, est progressivement aussi devenu moteur dans l’entretien de la relation entre agriculteurs et citadins. Ses actions intègrent de nouvelles problématiques comme l’aménagement du territoire, l’entretien de l’espace, la biodiversité ou bien encore l’urbanisation. Il réunit aujourd’hui 50 adhérents, répartis sur 24 communes périurbaines, et exploitant 4 000 ha de surfaces agricoles.

Ses objectifs :

  • Échanger sur les itinéraires techniques
  • développer une agriculture de précision, notamment sur l’irrigation et la fertilisation
  • favoriser l’échange entre professionnels
  • maintenir un tissu agricole en accompagnant des projets intégrant les évolutions de la société et du territoire.

Ses partenariats avec :

  • Le Grand Lyon
  • Le syndicat mixte du plateau des Grandes Terres Feyzin, Vénisieux et Corbas
  • La direction départementale de l’Agriculture et de la Forêt
  • Les associations locales de chasse et de protection de la nature
  • L’Institut technique Arvalis
  • La Chambre d’agriculture du Rhône (mise à disposition d’un animateur).

Une communication primée…

© Geda OzonLors des “rendez-vous de l’agriculture”, organisés en septembre 2004 par la Chambre d’agriculture du Rhône rassemblant ainsi plus de 100 000 visiteurs, le Geda de l’Ozon présentait ses travaux de jachères fleuries.

Il a, à cette occasion, reçu un prix pour la photo présentée ci-contre. Tracteurs et jachères fleuries au premier plan et quartier des Minguettes au second plan reflètent en effet une symbolique forte de ce que peut apporter l’agriculture pour améliorer la qualité paysagère. L’initiative des jachères fleuries a également été récompensée lors du concours “Les espoirs de l’agriculture raisonnée”, en mars 2005, avec un prix spécial du jury pour la qualité de sa communication.

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