Soutenue par près de 500 personnalités, la campagne Lundi Vert invite ses participants à arrêter de consommer de la viande et du poisson le lundi. Plus de 23 000 personnes auraient déjà rejoint l’initiative, qui vise le seuil des 50 000 d’ici la fin de l’année. Derrière la sensibilisation à la réduction de la consommation carnée, une expérimentation est menée pour mieux comprendre les ressorts du changement alimentaire. L’un des chercheurs à l’origine de la démarche, Laurent Bègue, revient pour Campagnes et Environnement, sur les modalités et les objectifs de cette étude.
Campagnes et Environnement : Quelles sont les motivations derrière le lancement de cette expérimentation ?
Laurent Bègue : L’expérimentation ne concerne qu’une petite partie des personnes qui vont décider de mettre le Lundi Vert en pratique en France, c’est-à-dire celles qui se sont inscrites sur le site. Elle permettra de clarifier trois choses. Tout d’abord, nous allons pouvoir décrire le profil des personnes volontaires. Cela sera possible en les comparant à des individus de la population générale : une enquête selon la méthode des quotas est en cours auprès de 2000 personnes. Ensuite, nous pourrons déterminer quels sont les variables socio-démographiques, les représentations et les facteurs psychosociologiques, ainsi que les éléments de contexte – par exemple, préférences alimentaires du conjoint, le cas échéant – qui permettent de prédire statistiquement la durée de la participation des personnes inscrites, qui variera entre une et 52 semaines ! Enfin, nous testons de manière expérimentale un protocole de communication sur mesure. Pratiquement, cela signifie que nous allons envoyer des messages ciblés aux participants en fonction de leur profil et notamment de la ou des motivations qui les amènent à s’engager dans le Lundi Vert.
À notre connaissance, aucune recherche sur un changement alimentaire « en train de se faire », suite à une campagne nationale, n’existe à ce jour. Il y a de gros enjeux en termes de description de ce processus, qui va de plus dans une direction souhaitable, dans le cas présent. De plus, parvenir à obtenir des éléments d’évaluation quantitative est quelque chose de précieux pour repérer la pertinence et la portée d’une action de ce type.
C&E : Quelle méthodologie avez-vous adopté ?
L.B. : Nous nous appuyons sur différentes mesures issues de recherches en épidémiologie et nutrition. Les premiers questionnaires, renvoyés par les participants chaque lundi, nous permettent de classer les volontaires selon leur motivation. Un algorithme détermine le critère le plus déterminant de la personne : santé, environnement ou bien-être animal. Le mardi, nous renvoyons un message demandant simplement si les personnes ont mis en pratique le Lundi vert. Une partie des participants recevra une communication sur-mesure, faisant écho à leur motivation principale, afin de mesurer l’importance de l’adaptation du message.
On s’attend à ce que ce dispositif soit plus le efficace. Si cela est le cas, il pourra être décliné dans d’autres domaines. La méthodologie de la communication sur mesure a été testés avec succès pour plusieurs types de conduites comme la diminution de la consommation d’alcool ou de tabac, l’augmentation de pratiques sportives… mais à notre connaissance, la santé publique française n’y a pas eu recours. Il sera intéressant, à l’heure du bilan, de déterminer comment transférer nos résultats à d’autres conduites.
C&E : Que répondez-vous aux détracteurs de votre démarche, notamment les secteurs agricole et de l’élevage ?
L.B. : Concernant la diminution de viande, notre initiative est entièrement en phase avec les recommandations des organismes de santé publique ou les préconisations des agences environnementales. L’appel pour un Lundi Vert s’appuie sur une vingtaine de publications scientifiques comme Science ou Nature et cite ses sources. Il nous semble donc que les réactions sectorielles à notre démarche, bien que l’on puisse les comprendre, ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. De plus, proposer de diminuer de 15 % la consommation de viande en France peut constituer une opportunité pour l’élevage de renforcer de manière visible son engagement pour la qualité des produits et une amélioration des conditions d’élevage auxquelles les Français sont de plus en plus sensibles.