Déchets verts et lisier, la bonne combinaison

20 février 2006 - La rédaction 
D’un côté du lisier, de l’autre des déchets verts, ces deux sous-produits étaient faits pour se rencontrer.Et bien s’entendre. Formant ainsi un compost inodore que deux agriculteurs associés, Yves Debien et Éric Sabourin, épandent sans nuisance olfactive sur leurs terres. Grâce à ce type de recyclage, la communauté de communes de Vienne et Moulière (86) trouve un débouché intéressant pour ses résidus verts.

Pas de barrières, de larges aires de circulation, un accès libre permanent pour les livraisons de déchets verts ! La station de compostage de la SCEA de la Baie des Champs installée sur la commune de Sèvre-Anxaumont dans la Vienne joue la carte du décloisonnement. Toute une symbolique pour marquer son ouverture aux autres secteurs d’activités.

“Quand les visiteurs ont compris notre façon de travailler, ils sont plus attentifs au tri sélectif pour ne pas polluer les déchets verts avec du plastique”, souligne Yves Debien.
Implantée en zone périurbaine non loin de l’agglomération de Poitiers, elle offre depuis plus d’un an un réel service à la communauté de communes Vienne et Moulière, mais aussi à huit paysagistes, et accueille en plus une partie des déchets de tontes du Futuroscope et de l’hôpital de Poitiers. Cette masse est mélangée avec le lisier issu de l’élevage de porcs de l’exploitation.

C’est après avoir visité un projet similaire à Saint-Maixent dans les Deux-Sèvres, qu’Yves Debien, l’un des deux associés de l’exploitation agricole a pris les devants. Jouant avec humour sur le slogan “dans le cochon tout est bon, même…” histoire de montrer à ses concitoyens qu’agriculture et société de consommation peuvent faire bon ménage. Le département, la région et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) ont soutenu ce projet innovant, apportant respectivement un soutien financier à hauteur de 15 %, 10 % et 10 % pour un investissement total de 350 000 euros.

Service rendu à la société

Car installée dans la continuité d’un élevage intensif, qualifiée au titre de l’agriculture raisonnée, cette unité de compostage d’une superficie de 6 000 m2 efface la récurrente étiquette de pollueur attribuée au monde agricole et lui permet d’endosser celle de professionnel du recyclage… de prestataire de services.

Ainsi se pose tout l’enjeu d’un tel dossier : l’agriculteur reprend un gisement de déchets verts qui, il y a encore un an, était soit incinéré, soit enfoui ; deux procédés écologiquement peu acceptables.

Il valorise un sous-produit (1) compliqué à éliminer. Néanmoins, pour s’inscrire dans une logique de développement durable, cette unité doit pouvoir dégager un bénéfice et pas uniquement économique. Certes, la prestation est facturée 30 euros la tonne, un tarif intéressant pour ses clients qui permet aussi à la SCEA d’amortir ses investissements et de couvrir le coût des opérations de manutention. Mais ce qui lui apporte une vraie plus-value, c’est l’épandage du lisier sur la totalité des terres. “Je ne pouvais pas trop m’approcher des zones construites avec mon épandeur, en raison du risque de nuisance olfactive, explique Yves Debien. Au final, je n’incorporais le lisier que sur 250 ha. Dorénavant 380 hectares sont amendés avec le compost, puisqu’il est inodore.”

Le bénéfice se retrouve aussi du côté du terroir. Les terres s’étaient appauvries. “Grâce au compost nous reconstituons progressivement le stock de matière organique. En parallèle, nous évitons le labour profond et privilégions les techniques culturales simplifiées.”

Ouverture à tous les secteurs

Mais ce qui motive aussi Yves Debien, c’est le gisement potentiel et, par ricochet, cette main tendue vers d’autres métiers. Les déchets organiques de l’agro-alimentaire, de la grande distribution, de la restauration collective avec l’hôpital et la faculté de Poitiers ouvrent de belles perspectives. Il a déjà aménagé une plate-forme d’aération forcée pour ce type de matière organique. Quant à vendre son compost ? “Trop compliqué, répond-il. Car il faudrait un produit normalisé.” Pourtant le succès est là. Souvent ses nombreux visiteurs jardiniers repartent avec un sachet sous le bras de cet or noir renouvelable… “Et quand ils ont vu notre façon de travailler, ils portent une attention toute particulière au tri sélectif : pas de plastique dans les containeurs noirs, dédiés aux déchets verts.” L’effort est partagé, le message passé.

(1) Un arrêté du 26 septembre 2005 classe le lisier dans la catégorie des sous-produits et non des déchets.

SCEA de la Baie des Champs (86)

Deux associés : Yves Debien et Éric Sabourin, 4 salariés

200 truies, en démarche IGP Jambon de Bayonne

350 hectares

Réactions en chaîne…

1 800 tonnes de déchets verts recyclés par an plutôt qu’enfouis ou incinérés sont mélangés à 1 000 m3 de lisier sur les 4 000 m3 générés par l’atelier porcs.

380 hectares de terre fertilisés avec le compost au lieu de 250 avec le lisier seul. Le plan d’épandage intègre aussi les terres d’agriculteurs voisins.

Prise de conscience des habitants de la commune de l’intérêt du tri des déchets organiques.

450 visiteurs présents pour la journée du patrimoine sur la station de compostage.

Participation aux journées du développement durable en avril organisées par la communauté de communes.

Accueil de scolaires

Pas d’achat d’engrais de fond, baisse des utilisations d’engrais azoté.

Amélioration de la structure des sols avec en plus le recours aux techniques culturales simplifiées.

Inauguration de la station de compostage le 16 octobre 2005 en présence notamment de Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes.

Nicole Lemerle, maire de Sèvres-Anxaumont et présidente de la Communauté de communes Vienne et Moulière (86)

Avec le compostage, chaque acteur est gagnant

“Nous voulons protéger notre territoire mais aussi l’économie qui y est rattachée. Il peut y avoir des oppositions lorsqu’un élevage de porcs s’installe, mais en l’occurrence nous n’avons eu aucun problème avec l’exploitation de la Baie des Champs car d’un côté la valorisation du lisier par le compostage évite les nuisances olfactives et de l’autre nous avons trouvé un débouché très intéressant pour nos déchets verts.

Chaque acteur est gagnant. Nous sommes très attentifs à la bonne entente entre la nouvelle population de la commune et les agriculteurs. D’ailleurs l’exploitation de la Baie des Champs a accueilli plus de 450 visiteurs lors des journées du patrimoine, ce qui témoigne d’une volonté d’échanger avec les autres habitants. Au niveau de la communauté de communes, nous estimons que l’enfouissement ou l’incinération est un gaspillage. Nous encourageons le compostage, y compris pour les particuliers.

La prise de conscience est générale, car personne ne veut d’un incinérateur ou d’une décharge près de chez lui.

Notre conseil de développement a d’ailleurs eu l’idée de lancer la semaine du développement durable en avril, la SCEA est partie prenante dans cette opération. Sur cette thématique, la dynamique de groupe reste cruciale, portée par les petites comme les grandes entreprises.”

Laisser un commentaire

Recevoir la newsletter

Restez informé en vous abonnant gratuitement à la newsletter