La diversité des essences forestières réduit le nombre et l’accessibilité d’arbres hôtes pour les insectes ravageurs, par exemple en générant des barrières chimiques à la colonisation. En effet, de nombreuses espèces d’insectes forestiers utilisent des signaux olfactifs pour repérer leurs arbres hôtes ; du fait de la diversité, des interférences se produisent avec d’éventuels signaux masquants ou répulsifs émis par les essences non hôtes. La diversité augmente également l’efficacité des ennemis naturels des ravageurs, favorisés par l’existence de proies de substitution, de ressources alimentaires de complément, de sites de ponte ou d’abris. La présence d’essences forestières hôtes plus sensibles permet aussi dans certains cas de faire diversion aux attaques des ravageurs.
Une relation entre biodiversité et santé des forêts
La présence des bois de feuillus en mélange induit une réduction significative des attaques par la pyrale du tronc et des niveaux de défoliation par la processionnaire dans les plantations de pin maritime voisines. La portée de cette diminution, de l’ordre de 150 m à l’intérieur du peuplement voisin pour la processionnaire et de plus de 400 m pour la pyrale du tronc, peut être observée au voisinage de plantations nouvelles (10 ans) d’essences feuillues et semble plus importante dans le cas des boisements de feuillus âgés.
Dans le cas de la processionnaire du pin, une réduction similaire des niveaux d’infestation est observée dans les peuplements purs de pin maritime bordés par une haie d’essences feuillues quand cette dernière présente une hauteur égale ou supérieure à celle des pins.
La proximité de feuillus en lisière peut limiter l’accès de la processionnaire aux pins situés en bordure de plantations, les plus souvent exposés aux attaques du défoliateur. Les boisements de feuillus constituent également des refuges aux ennemis naturels, notamment les oiseaux insectivores comme la Huppe qui trouvent davantage de sites de nidification dans les vieux chênes.
L’effet de voisinage des feuillus renforce l’impact des ennemis naturels de la pyrale du tronc. Le nombre de chenilles de pyrale du tronc parasitées est en effet plus important dans les plantations de pins voisines de feuillus. Les bois de feuillus abritent les plantes ou essences forestières naturel-lement infestées de pucerons producteurs de miellat. Ce miellat constitue une nourriture de complément, riche en glucides et acides aminés, permettant de multiplier par 3 à 5 la longévité des adultes parasites femelles et donc d’améliorer leur succès de ponte sur les chenilles de pyrale.
La sensibilité des peuplements de pin maritime à la pyrale du tronc et à la processionnaire du pin n’est donc pas seulement liée au mode de gestion sylvicole mais également à la nature des parcelles environnantes. L’aménagement de la mosaïque forestière, au sens de la distribution dans le temps et dans l’espace des parcelles de différentes compositions en essences exerce donc une influence tangible sur la dynamique des infestations de ces deux importants insectes ravageurs.
Dans le cas de la processionnaire du pin, le maintien ou la plantation de haies de feuillus peuvent être recommandés. S’agissant d’obtenir un effet de barrière physique à la colonisation, il conviendrait alors de privilégier l’utilisation d’essences à croissance rapide, comme le bouleau ou le robinier.
Les chercheurs préconisent donc de restaurer la biodiversité par la création d’îlots d’essences forestières en mélange, constituant des habitats favorables au maintien de communautés d’espèces auxiliaires, sans bouleverser les pratiques de gestion dans les forêts de plantation. Cet aménagement forestier est une nouvelle piste de réflexion pour la mise en œuvre d’une lutte intégrée contre les insectes ravageurs, fondée sur la préservation ou la restauration de la biodiversité. Cette stratégie pourrait s’appliquer à la forêt monospécifique de pin maritime des Landes de Gascogne, première région de France pour la production de bois mais aussi pour les traitements insecticides en forêt.