Des "herbes" pour limiter l’utilisation des herbicides

2 février 2006 - La rédaction 
La forêt se cultive et s’entretient. C’est en particulier le cas après les tempêtes, comme celle de 1999, qui provoquent de grandes trouées dans le couvert arboré. Lors d’un reboisement, la reconstitution des forêts est souvent compromise par une forte concurrence de la végétation herbacée. En effet, quelle que soit la technique utilisée (semis, plantation ou régénération), les arbres doivent lutter lors de leur première année de développement contre ces espèces très compétitrices pour les principales ressources du milieu comme l’eau, la lumière, les éléments minéraux. Le recours aux herbicides est fréquent. Pourtant, il existe des techniques plus respectueuses de l’environnement.

L’utilisation d’herbicides en forêt montrée du doigt

L’utilisation d’herbicides est la méthode la plus couramment utilisée pour contrôler cette végétation. Certes la plus efficace et la plus simple, elle est cependant remise en cause dans de nombreux pays à cause de son impact potentiel sur l’environnement. Pourtant, s’ils sont utilisés à la dose préconisée et avec une technique appropriée, cet impact est très limité. De plus leur fréquence d’utilisation en forêt est extrêmement faible si l’on compare à l’agriculture : une à deux applications tous les 50 à 100 ans ! Malgré cela et suivant la pression populaire, la Suisse, l’Allemagne et le Québec ont d’ores et déjà interdit les herbicides en milieu forestier ou fortement limité leur utilisation. La France, par sa législation, a aussi réduit considérablement la liste des herbicides autorisés. Certaines méthodes comme le débroussaillage et le paillage ne proposent pas une alternative vraiment satisfaisante. D’autres méthodes alternatives à l’utilisation d’herbicides sont donc à l’étude.

Des plantes herbacées au secours des jeunes arbres

Depuis 1997, plusieurs organismes français se sont intéressés à une technique développée en Allemagne et en Suisse. Il s’agit de semer un couvert de plantes herbacées (graminées, crucifères, …) pour contrôler la végétation spontanée et favoriser l’installation des jeunes arbres. Cette technique n’est pas nouvelle et s’inspire de méthodes de semis de plantes de couverture utilisées en agriculture ou viticulture pour limiter l’érosion et le ruissellement. Son application sylvicole est plus novatrice et doit répondre à des objectifs spécifiques liés au contexte forestier : les interactions arbres/herbacées et la compétition pour les ressources. Les plantes semées doivent donc à la fois être peu compétitrices pour l’utilisation des ressources et créer un milieu de vie favorable à la croissance des plants forestiers. Des études menées en Allemagne portant sur différents sites et différentes essences ont montré l’efficacité de cette technique comparée à des témoins sans intervention, les herbicides demeurant cependant les plus performants. Dans des plantations où on laisse se développer la végétation naturelle, on observe une mortalité de 30 % des jeunes hêtres. Cette mortalité tombe à 15 % si on sème des plantes de couverture.

Un microclimat favorable

Une fois l’efficacité de cette méthode établie empiriquement, les scientifiques du Cemagref ont voulu aller plus loin et comprendre les effets de cette végétation de couverture. Quels sont les facteurs environnementaux modifiés par l’usage du couvert végétal ? Quels sont les mécanismes qui favorisent la croissance des plants et surtout quels sont les mécanismes de compétition entre arbres et herbacées ?
Une expérimentation grandeur nature est menée sur une plantation de hêtres à Charensat, en Auvergne, afin de comparer l’effet de plusieurs types de mélange de plantes de couverture. Les premiers résultats obtenus par les scientifiques du Cemagref recoupent ceux d’études menées en Angleterre et en Allemagne. La composition du semis a un effet sur la croissance des jeunes arbres. Semer une seule espèce n’améliore pas la survie des plants alors que les mélanges d’espèces favorisent le développement des arbres. La composition du mélange se base sur des critères fonctionnels (plantes peu compétitrices pour les ressources) et économiques (graines peu coûteuses). Ainsi, le mélange type de plantes herbacées utilisé en Allemagne et testé dans les essais du Cemagref est constitué de céréales (avoine, seigle), de légumineuses (trèfles, lotier, lupin), de crucifères (colza, moutarde, radis) et des plantes utilisées comme engrais vert (phacélie).
Mais leurs observations vont plus loin. Les conditions microclimatiques comme l’eau, la lumière, la température sont modifiées par le semis par rapport à la végétation spontanée, ce qui favorise l’installation de ligneux. L’abri créé par des plantes de couverture telles que le seigle peut permettre de limiter les pertes en eau par évapotranspiration et protéger des gelées tardives. Ce type de couverture permet également de limiter l’expansion des espèces de lumière de la famille des graminées comme la houlque et l’agrostis et par la même de limiter la compétition pour l’eau. Les légumineuses et les crucifères quant à elles sont de véritables « couvre sol ». Leur croissance rapide gêne «physiquement» le développement des herbacées spontanées. D’autres facteurs sont encore à l’étude, en particulier l’effet sur la température.
Mais que deviennent les plantes introduites ? Les études préliminaires menées en Allemagne montrent qu’après 3 à 5 ans, la plupart des espèces semées ont disparu. La contamination de la flore locale par les plantes de couverture semble donc assez limitée. Il faut cependant être prudent et d’autres études devront montrer l’absence de pollution génétique de la flore locale et l’introduction de maladies entre autres facteurs. En attendant, les gestionnaires devraient privilégier l’utilisation de plantes appartenant à la flore locale pour limiter encore les risques.
Encore récente, la méthode est donc prometteuse même si on est encore loin d’un mélange « prêt à l’emploi ». Compilés sur plusieurs années, les résultats expérimentaux vont permettre de connaître les facteurs de compétition entre arbres et plantes herbacées.
Ce projet illustre les perspectives apportées par l’ingénierie écologique et devrait permettre peut-être un transfert vers le gestionnaire en proposant le semis de plantes de couverture comme solution concrète de gestion.

www.cemagref.fr

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