Chaque année, environ 80 000 tonnes de produits phytosanitaires sont appliquées sur les terres agricoles françaises. Il n’existe pas actuellement de réglementation spécifique concernant la gestion des effluents qui proviennent du rinçage des pulvérisateurs utilisés pour les traitements des cultures*. Ceux-ci sont souvent déversés sur des zones “fragiles” (fossés, cours de ferme) ou rejoignent le réseau des eaux usées. Issu de dispositifs de lits biologiques proposés par des chercheurs Suédois sous le nom de “biobed” et du dispositif décrit par Bayer CropScience sous le nom de Phytobac®, le biobac est un bac isolé du sous sol et empli d’un mélange de matériaux organiques et minéraux sur lesquels sont épandus les effluents phytosanitaires. Le développement industriel du Biobac® est réalisé par la société Biotisa(2), start up fondée par des chercheurs de l’INRA, qui proposera ces dispositifs aux agriculteurs et aux collectivités dès le premier semestre 2006.
Le potentiel détoxifiant du sol
Les biobacs contiennent essentiellement un mélange de sol de l’exploitation et de paille broyée. Le sol de l’exploitation renferme une microflore bactérienne qui s’est adaptée, au fil des traitements successifs, à la dégradation des pesticides utilisés sur l’exploitation. Certaines bactéries ont acquis les gènes leur permettant de métaboliser les pesticides employés, voire de les minéraliser pour se nourrir des nutriments libérés au cours de ce processus.
Cette capacité détoxifiante naturelle de la microflore du sol est entretenue et favorisée dans le biobac par l’apport d’une source supplémentaire de carbone et d’énergie comme la paille. L’humidité et l’aération du biobac sont contrôlées. Un biobac peut durer au moins 8 à 10 ans. Sur la base des recherches menées à l’INRA, la société Biotisa proposera ses conseils à l’installation du système ainsi qu’un diagnostic régulier de son fonctionnement. Ce dispositif peu coûteux peut être installé aussi bien sur des sites d’exploitations agricole ou horticoles que sur ceux de collectivités (mairies, espaces verts). Il permettrait de limiter le rejet incontrôlé de pesticides dans le milieu naturel.
Un procédé efficace
Les chercheurs ont mesuré dans des biobacs expérimentaux l’efficacité de détoxification d’effluents artificiels comportant jusqu’à 14 molécules herbicides différentes. Dans un bac de 200 litres, 100 grammes de matières actives de pesticides se réduisent en 15 mois à moins de 0,6 grammes de résidus. Pour certains produits, la minéralisation est totale, c’est-à-dire qu’on ne détecte pas de produits intermédiaires de la détoxification. Les perspectives d’amélioration du procédé consistent à rechercher de nouveaux substrats ou à proposer des innoculants microbiens naturels et des substrats permettant d’initier ou de relancer l’activité des biobacs. Pour de futurs développements, les chercheurs étudient également l’évolution des populations bactériennes dégradantes et notamment l’apparition de nouvelles souches ayant acquis les capacités de détoxification des produits appliqués. L’acquisition de ces capacités repose sur des mécanismes de restructuration et d’échanges naturels de matériel génétique entre bactéries (conjugaison et recombinaison). En présence du produit à détoxifier, la population bactérienne ayant acquis la capacité détoxifiante possède un avantage sélectif qui permet son développement préférentiel.
Pour une meilleure qualité de l’eau
Nombre d’agriculteurs ont conscience de l’imperfection des pratiques actuelles. Les chercheurs de l’INRA ont mené une enquête dans 4 départements bourguignons auprès de 32 céréaliers et 30 viticulteurs. Près de la moitié d’entre eux sont intéressés par les biobacs. Certains sont réticents pour des raisons d’investissements ou de difficultés d’installation dans la configuration de leur exploitation. L’installation d’un biobac suppose en effet l’installation d’une aire de lavage des équipements.
* Un arrêté conjoint du ministère de l’agriculture et de la pêche, du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, du ministère de la santé et des solidarités, du ministère de l’écologie et du développement durable devrait préciser prochainement certaines dispositions particulières relatives à la limitation des pollutions ponctuelles par les produits phytosanitaires.