Éco-quartiers et agriculture font bon ménage – Mathieu Larribe, architecte-paysagiste

1 décembre 2011 - La rédaction 
L’étalement urbain et le grignotage des terres agricoles préoccupent aussi les urbanistes. Entretien avec Mathieu Larribe, architecte-paysagiste, directeur du CAUE du Lot, le Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement, sur le rôle que peuvent jouer les urbanistes dans la préservation des terres agricoles.

Campagnes et environnement : Comment analysez-vous la pression urbaine sur les terres agricoles ?

Mathieu Larribe : Le Lot compte seulement 173 000 habitants. Plusieurs facteurs expliquent un développement urbain assis, pour l’essentiel, sur une croissance pavillonnaire diffuse, principal facteur de l’étalement urbain. À titre d’exemple, dans notre département, une construction pavillonnaire nouvelle utilise des parcelles dont la surface moyenne est proche de 5 000 m², ce qui est considérable !

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Mathieu Larribe est architecte paysagiste et directeur du CAUE du Lot. (crédit : D.R.)

Les terres agricoles sont souvent perçues par les candidats à la construction ou certains élus comme du foncier libre et disponible sur lequel développer de l’habitat. En outre, l’échelle et les moyens des petites collectivités ne leur permettent pas de mettre en œuvre de réelles stratégies afin de constituer des réserves foncières nécessaires à la conduite de projets urbains cohérents.

Autre facteur : une déprise agricole liée à la diminution continue du nombre d’exploitants. En l’absence de repreneur, la vente des terres « bien situées » représente, pour certains exploitants modestes, le moyen de se constituer un capital au moment de leur retraite.

Dans certaines communes du Lot, la dispersion des maisons individuelles a conduit à allonger les réseaux et, par voie de conséquence, à viabiliser un grand nombre des terres qui se retrouvent ainsi constructibles.

C&E : De votre point de vue, pourquoi est-il important de préserver les terres agricoles ?

Mathieu Larribe : Il est important de les préserver en premier lieu parce que les terres agricoles sont une ressource non renouvelable. L’agriculture traverse aujourd’hui des crises conjoncturelles graves et la déprise est forte, mais nul ne sait vraiment quels seront nos besoins futurs. Il s’agit donc de préserver l’avenir en protégeant une ressource locale.

Ensuite, parce que, dans le Lot, la question agricole renvoie à celle du paysage et de l’urbanisme, qui sont deux notions indissociables. Le Lot possède un fort capital paysager qui constitue un de ses attraits touristiques majeurs.
Enfin, de nombreux élus ruraux perçoivent aujourd’hui de façon criante que la vitalité de leurs territoires s’amenuise à mesure que les agriculteurs les délaissent. Ceci renforce l’attention qu’il convient de porter aux espaces agricoles.

C&E : Comment les urbanistes travaillent-ils dans ce sens ?

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Dans le Lot, la croissance pavillonnaire diffuse représente le facteur principal de l'étalement urbain. (crédits : D.R.)

Mathieu Larribe : Les professionnels ont conscience de la valeur de ces espaces. Ils ne les considèrent pas comme une page blanche vierge de tout projet et que l’on peut investir à dessein.

Les propositions des urbanistes amènent aussi bien à regrouper les zones pavillonnaires qu’à réinvestir les centre-bourgs, ou bien encore à créer des extensions urbaines pour rapprocher les habitants des bourgs et des services qui s’y trouvent. Ces interventions posent la question de la densité des nouveaux quartiers d’habitat.

À titre d’illustration, une enquête réalisée dans le Lot au début des années 2000 montrait que les candidats à la construction étaient en réalité prêts à habiter sur des parcelles relativement petites et bien aménagées. Or, cette offre était quasiment absente et la très grande majorité des terrains proposés étaient des terrains agricoles aménagés a minima.

L’intervention des urbanistes permet de proposer de nouveaux quartiers plus attrayants. Les aménagements répondant à des exigences environnementales accrues concourent à structurer ces lieux d’habitat autour d’espaces publics offrant une réelle qualité de vie : cadre végétal, espace piéton dominant… Ces projets prennent aussi en compte la question cruciale de l’intimité par rapport au voisinage et plus largement celle de l’évolution qualitative des paysages.
La notion d’éco-quartier qualifie assez bien ces démarches vers lesquelles de nombreuses collectivités ambitionnent aujourd’hui de se diriger.

C&E : Les urbanistes ont-ils pris conscience de l’importance de l’agriculture ?

Mathieu Larribe : Absolument, oui. C’est une préoccupation forte dans la profession. Les urbanistes appréhendent le territoire dans sa globalité, à une très large échelle qui embrasse les agriculteurs. Les questions de la valeur et de la préservation des espaces agricoles se posent dans le cadre de leur exercice professionnel, notamment lorsqu’ils interviennent sur des documents de planification urbaine comme les plans locaux d’urbanisme.

Propos recueillis par Stéphanie Ayrault

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