Mercredi 8 février 2006, le ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche a présenté au Conseil des ministres un projet de Loi relatif à l’exploitation et l’expérimentation des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Ce projet fait suite à la condamnation de la France par la Cour de Justice des Communautés européenne, en juillet 2004, pour ne pas avoir transposé la directive européenne de 2001 dans sa législation (2001/18/CE du parlement européen et du Conseil du 12/03/2001).
Le législateur se devait de prendre position dans le débat sur les OGM. Sa réaction devenait urgente puisque le 1er février, la Commission de Bruxelles a demandé à la Cour européenne de Justice de frapper la France d’une astreinte de 168.000 € par jour de retard.
de Montpellier.
De nos jours tout le monde sait ce qu’est un organisme génétiquement modifié, du moins approximativement. Ce qui était du domaine de la science fiction il y a quelques années est aujourd’hui du domaine du possible. Ces organismes vivants sont crées en laboratoire, par le transfert de gènes présentant un intérêt à une plante qui ne le possédait pas dans son génotype. La plante transformée, après confirmation de l’insertion de la construction génétique dans son génome, est ensuite régénérée, dans le but de transmettre à sa lignée une nouvelle propriété.
L’article 1er du projet de loi propose une définition claire : « tout organisme obtenu par des techniques de recombinaison de l’acide nucléique (ADN) impliquant la formation de nouvelles combinaisons de matériel génétique par des techniques impliquant l’incorporation directe dans un organisme de matériaux héréditaires préparés à l’extérieur de l’organisme et enfin par des techniques de fusion cellulaire ou d’hybridation ».
L’avantage recherché n’est donc pas précisé. Ce peut être la résistance à un herbicide, aux maladies, aux insectes, ou encore à un virus.
Or, les OGM ont depuis leur création de fervents opposants. Selon eux, ces organismes représenteraient un risque pour l’environnement et pour l’humanité toute entière.
Schématiquement, deux camps s’opposent :
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les « pro-OGM », qui soutiennent que ces organismes présentent des avantages au niveau des applications environnementales (nouvelles solutions pour la protection des cultures, plantes moins exigeantes en eau) des pratiques culturales ( tolérance à un herbicide) ou encore des applications industrielles ( fabrication de matériaux plastiques dégradable, production de papier ou de biocarburants) ou pharmaceutiques (production de vaccins, de médicaments…). Ils envisagent même des bénéfices pour la santé : réduction de l’allergénécité, amélioration de la qualité nutritive des aliments.
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Les « anti-OGM » selon lesquels, ne connaissant pas toutes les conséquences des modifications effectuées, il faut préserver les organismes non modifiés afin d’éviter tous risque de contamination. Pour ce faire, les plantes modifiées ne doivent pas être cultivées en pleine nature. Ils se fondent sur le principe de précaution pour réclamer l’interdiction de cultures transgéniques. En outre, certains des anti-OGM mènent des actions qu’ils considèrent comme citoyennes en procédant au fauchage de champs de cultures transgéniques. Actions pénalement sanctionnées par les articles 322-1 et 322-3 1° du code pénal prévoyant le délit de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui commis en réunion puni par cinq ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende.
Notre propos consiste à étudier succinctement l’évolution récente tant de la législation que de la jurisprudence vis à vis des essais OGM.
I/ L’évolution de la législation:
La Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la charte de l’environnement a donné une valeur constitutionnelle à des droits qui avaient jusque là valeur législative.
Elle introduit dans notre législation le principe de précaution, avec comme conséquence la création d’un droit subjectif et individuel, assimilable à un droit liberté, un droit créance.
Le droit à un environnement sain, comme l’affirmation du principe de précaution, est constitutionnellement reconnu, au plan interne, depuis le 28 février 2005, par la Charte de L’Environnement de 1994 qui dispose, notamment, que « l’environnement est le patrimoine des êtres humains », que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité à répondre aux besoins des générations futures…à satisfaire leurs propres besoins » et qu’il faut consacrer « au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation…la préservation de l’environnement ». L’article 1 de la charte rappelle que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et l’article 2 que: « toute personne a le droit de prendre part à la préservation et l’amélioration de l’environnement ».
Par ailleurs, les articles 5 et 6 responsabilisent les autorités publiques dans leur rôle de prévention par rapport à l’atteinte de l’environnement.
Selon l’article 6 :« les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable : à cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».
Le projet de loi présenté en conseil des ministres début février, qui devra ensuite être soumis aux députés, fait suite à ces évolutions. Il porte également transposition de deux directives Européennes (98/81/CE du 26 octobre 1998 et 2001/18/CE du 12 mars 2001) visant à adapter la réglementation européenne à l’évolution des connaissances scientifiques et à harmoniser les pratiques communautaires. Le Projet présenté en conseil des ministres encadre l’utilisation des OGM en milieu ouvert ou confiné et introduit un certain nombre de mesures, plus ou moins attendues telles que:
-une évaluation approfondie des OGM en termes de santé publique et pour l’environnement,
-une limitation à 10 ans des autorisations de mise sur le marché,
-une obligation d’étiquetage des OGM
-une obligation d’information et de consultation du public élargie
-l’interdiction des gènes de résistance aux antibiotiques qui présentent un risque pour la santé humaine ou pour l’environnement.
-un suivi des OGM dans l’environnement se traduisant par un renforcement des contrôles à priori et à posteriori, et la mise en œuvre de plans de surveillance.
-une obligation pour les exploitants qui mettent en culture des semences issues du génie génétique de souscrire une garantie financière. Garantie destinée à compenser l’éventuelle dépréciation économique d’une production non OGM dans le cas d’une présence fortuite d’OGM supérieure eu seuil d’étiquetage.
Le projet de loi prévoit la fusion des trois instances consultatives existantes, la commission du génie génétique (CGG), la commission d’étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire (CGB) et le comité de biovigilance, au sein d’une instance unique d’évaluation, le Conseil des Biotechnologies. Outre sa mission d’évaluation, ce conseil sera notamment chargé de procéder à des analyses sur les conséquences économiques et sociales que présente l’usage des OGM.
Le Gouvernement complète ainsi le dispositif législatif issu de la loi du 13 juillet 1992 et améliore le contrôle des pratiques d’utilisation des OGM en fondant ses décisions sur un processus d’évaluation qui se veut rigoureux et transparent. Avec cette loi, le législateur entend apporter à l’ensemble des citoyens les garanties qu’ils sont en droit d’attendre.
Tous les industriels et tous les scientifiques font valoir que les études menées en laboratoire doivent être réalisées « in situ » pour améliorer les connaissances en matière d’OGM. La recherche en milieu confiné ne soulève guère de difficultés, mais les essais doivent ensuite être menés à l’extérieur.
Donc, pour connaître et évaluer les risques liés a une dissémination il faut -et c’est là que réside toute la difficulté en matière d’expérimentation OGM- accepter de les prendre.
Il est nécessaire de procéder à une dissémination pour faire évoluer le procédé mais il est également nécessaire de gérer le risque que représente ce procédé ;
Afin de limiter les risques, des conditions de protection pour les essais en plein champ sont imposées par la Commission du génie biomoléculaire (la plantation de quatre rangs de maïs traditionnel castré autour des plans tansgéniques plus une zone « tampon » de 400 mètres d’isolement par rapport à toutes les autres cultures).
Mais ces mesures ne sont pas totalement efficaces. l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) reconnaît d’ailleurs que « la présence fortuite d’OGM à l’état de trace dans une proportion non négligeable des semences ou des récoltes conventionnelles paraît être une réalité ».
Le projet de loi, quant à lui, propose une réponse à ce problème. Loin d’être totalement satisfaisante, cette solution est néanmoins une avancée.
Ce projet prévoit d’encadrer les cas de dissémination à des fins de recherches et de développement, de même que les mises sur les marchés en les assortissant de régime d’autorisation préalable.
Il évoque également le principe de précaution aux article 1er et 4-1. Il encadre le recours aux OGM en imposant une évaluation spécifique préalable, mais aussi, un cursus précis, antérieur à toute demande d’autorisation.
Enfin, le projet de loi, en fusionnant toutes les instances au sein du conseil des biotechnologies le charge de surveiller et d’assurer « une plus grande cohérence de l’expertise scientifique des OGM, et ce qu’ils fassent l’objet d’une utilisation confinée, d’une dissémination volontaire, ou bien d’une mise en culture ». Outre sa mission d’évaluation, ce conseil sera également chargé de procéder à des analyses sur les conséquences économiques et sociales que présente l’usage des OGM.
Dorénavant, c’est le Ministre de l’Agriculture, après avoir pris l’avis de cette commission et après accord du Ministre de l’Ecologie et du Développement durable qui autorisera les essais.
Cet embryon de loi, comme on pouvait s’y attendre au regard de la controverse soulevée par les OGM dans notre société, suscite déjà de nombreuses protestations.
Ses opposants reprochent au texte d’ouvrir une brèche dans laquelle ceux qui souhaitent généraliser les cultures d’OGM à des fins commerciales vont s’engouffrer et surtout de ne jamais mentionner explicitement le principe de précaution.
Des associations de défense de l’environnement et le mouvement politique des « verts » se sont déjà opposés au projet présenté en Conseil des Ministres, arguant que la concertation n’avait pas été réalisé.
En outre, les « Verts » jugent ce projet protecteur des industries de semence transgénique et contraire aux dispositions récentes de la charte de l’environnement et l’inscrivent dans la logique de « criminalisation » des faucheurs, allant à l’encontre des dernières décisions de justice.
Ce propos effectué, nécessaire à la compréhension du climat dans lequel les juges prennent leurs décisions, venons en à l’évolution récente de la jurisprudence vis à vis des faucheurs d’OGM.
II/ évolution de la jurisprudence:
La résistance à l’implantation de cultures génétiquement modifiées s’est instaurée à deux niveaux:
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Celui des représentant des citoyens, les maires. Certains maires ont en effet utilisé leur pouvoir de police pour tenter de justifier l’interdiction de plantation d’OGM sur leur commune.
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Celui des citoyens ; certains, que les médias ont désignés sous le terme de « faucheurs volontaires » allant jusqu’à utiliser la violence en commettant des actes de destruction des cultures génétiquement modifiées ;
Concernant la résistance mise en place par les élus locaux, les articles 5 et 6 de la charte donnent aux autorités publiques un rôle à jouer dans la prévention par rapport à l’atteinte de l’environnement.
« les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable : à cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».
L’actualité a fait du Juge administratif un acteur incontournable du débat sur les pouvoirs des maires en matière d’expérimentation OGM.
Ainsi, la Cour d’Appel de LYON, dans un arrêt en date du 27 août 2005, a estimé qu’en qualité d’autorité de Police Générale, le maire ne pouvait intervenir en la matière que si les mesures prises étaient justifiées par une situation de péril « imminent ». il ajoute que le maire ne pouvait décemment prendre des mesures dépassant sa compétence, et devait se contenter, dans le cadre des dispositions de l’article L 2212-4 du Code Général des Collectivités Territoriales, d’appeler l’attention de l’autorité compétente sur les mesures que la situation locale lui paraissait mériter.
Pour autant, la Cour d’Appel de LYON a considéré que ni la préservation des perspectives de développement de l’agriculture traditionnelle, ni le principe de précaution ne permettaient à un maire de prendre des mesures allant au-delà de sa propre compétence, en l’absence de démonstration d’un péril imminent;
Le contrôle en amont dont le maire se prévalait, en l’espèce, était fondé sur les dispositions de l’article 5 de la charte de l’environnement selon lequel lorsque la réalisation d’un dommage, même incertain, pouvait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, il y avait lieu de prendre des mesures d’urgence.
Le Juge Administratif a posé son veto, fermant ainsi cette voie démocratique. Selon lui, la notion de péril imminent n’était absolument pas démontrée en l’espèce, et les pouvoirs de police n’autorisaient pas les autorités publiques à prendre des mesures aussi drastiques.
La fermeture de cette voie a induit, au fil du temps, un comportement radical de certaines associations anti-OGM.
En effet, concernant la résistance mise en place par les citoyens, des associations comme la confédération paysanne ont refusé toute expérimentation, et sont aller jusqu’à détruire des plantations expérimentales.
« le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et « le droit de prendre part à la préservation et l’amélioration de l’environnement » affirmés aux articles 1 et 2 de la charte de l’environnement constituent, aux yeux de certains, un « fait justificatif » permettant d’éviter les sanctions pénales prévues pour des actions, comme la destruction de champs de cultures transgéniques.
La jurisprudence leur était jusque là défavorable.
Les célèbres décisions de la Cour d’Appel de MONTPELLIER et notamment celle en date du 19 novembre 2002 ont reconnu l’entière responsabilité des « faucheurs », en retenant que les prévenus ne pouvaient se retrancher derrière le principe de précaution et l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en ce que celle-ci dispose que toute personne a droit au respect de ses biens. L’arrêt écarte par ailleurs l’argumentation développée par les prévenus sur l’état de nécessité, et se borne, pour écarter la nécessité impérieuse de commettre l’infraction à énoncer par un motif d’ordre général que « les prévenus disposaient de nombreux moyens d’expression dans une société démocratique pour faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics… ».
Il est intéressant, à ce stade du développement, de rappeler ce qu’est l’état de nécessité, prévu à l’article 122-7 du Code Pénal.
Selon cet article :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent, qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».Cette notion, création initiale de la jurisprudence, ultérieurement consacrée par le législateur, est destinée à prendre en compte la situation de celui qui, « pour sauvegarder un intérêt supérieur, n’a d’autres ressources que d’accomplir un acte défendu par la loi pénale ». L’état de nécessité doit donc être apprécié « in concreto », en fonction de l’état de la société.
les juges ne retiennent l’état de nécessité comme cause exonératoire que lorsque toutes les conditions prévues par le texte se cumulent ; à savoir :
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l’actualité ou l’imminence d’un danger, menaçant le prévenu, autrui ou un bien,
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le caractère nécessaire de l’acte accompli pour la sauvegarde de la personne ou du bien,
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une proportionnalité entre les moyens employés et la gravité de la menace.
On retrouve ainsi, comme lors du contrôle de la compétence du Maire par le Juge, la notion de « péril imminent » visée par le juge administratif.
Les Juges se sont prononcés sur des cas ou il n’y avait pas « péril imminent ». Aussi ont-ils considéré qu’il n’existait pas de péril imminent :
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lorsque l’expérience ne porte que sur une commercialisation à court et moyen terme : Cas développé dans l’arrêt de la Cour d’Appel de MONTPELLIER.
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lorsque : « la pollinisation ne se produisant que dans la première quinzaine du mois de juillet, aucun péril actuel ou imminent n’existait au temps des destructions » Arrêt de la Cour d’Appel de BORDEAUX estimant que le péril ne pouvait pas exister au moment où les faucheurs d’OGM ont agi. Le risque ne peut se réaliser qu’au moment de la dissémination.
Ces références au caractère hypothétique du péril, en l’état des éléments constitutifs de l’article 122-7 du Code Pénal avaient pour effet de conduire au rejet des causes exonératoires et par conséquent, à la condamnation systématique des « faucheurs volontaires ».
L’incertitude inhérente au principe de précaution semblait être en contradiction absolue avec les conditions posées à l’article 122-7 du Code Pénal ; les prévenus ne pouvaient donc vraisemblablement pas invoquer l’état de nécessité comme cause exonératoire en se basant sur le principe de précaution pour justifier leur action. Le caractère incertain dans la réalisation du risque entrait en conflit avec la nécessité d’un péril imminent et inévitable.
Confirmant cette position, le 15 décembre 2005 la Cour d’Appel de TOULOUSE rendait un arrêt dans lequel elle indique que le délit de destruction, dégradation, détérioration d’un bien appartenant à autrui, commis en réunion, est constitué en tous ses éléments, et condamne les faucheurs à des peines d’emprisonnement et d’amende.
Cette solution adoptée par les juridictions du fond était approuvée et confirmée par la Chambre Criminelle. L’utilisation de la violence ne trouvait de justification ni dans le principe de précaution, ni dans l’état de nécessité, et les actions de destruction étaient toujours jugées illégitimes.
L’emploi de l’imparfait s’explique par des décisions récentes. En effet, dans des décisions du Tribunal Correctionnel d’Orléans, en date du 9 décembre 2005, et du 12 janvier 2006, du Tribunal Correctionnel de VERSAILLES, les magistrats ont retenu l’état de nécessité pour prononcer la relaxe. Ce faisant, ils ont ouvert un chemin vers une révision de la notion de péril imminent.
Dans ces affaires, comme à chaque fois, les prévenus ne contestaient pas la matérialité des faits qui leur étaient reprochés, et même la revendiquaient, mais sollicitaient la relaxe sur le fondement de l’état de nécessité.
Pour la première fois, les Tribunaux ont retenu l’état de nécessité invoqué, estimant que les conditions étaient réunies.
Ces deux jugements, parfaitement motivés et charpentés (pas moins de 20 pages chacun) rappellent tout d’abord que la controverse scientifique ne leur permet pas d’apprécier « la pertinence de l’utilisation des OGM » mais ils ajoutent que le problème de l’imminence et de l’actualité du danger doit, au contraire, être abordé.
Or, s’il ne fait nul doute que personne ne peut anticiper sur les risques, en l’état des connaissances actuelles, il est parfaitement démontré que la diffusion des gènes modifiés peut emprunter d’autres modes de transfert que la pollinisation.
C’est sur ce constat que les magistrats rappellent qu’en considération de la carence de l’état français (stigmatisé par la CJCE, cf supra) « il ne saurait être fait grief de substituer sa propre appréciation à celle du législateur », qu’ainsi et en l’état de l’absence de « précautions préalables », l’imminence du péril est caractérisée.
Toutefois, le Tribunal de Grande Instance de Versailles précise : « que la présente décision ne doit pas être interprétée comme une autorisation pour les groupes minoritaires de s’affranchir du principe représentatif et de poursuivre, par la violence, l’atteinte d’objectifs rejetés par la voie du débat démocratique ; qu’elle se borne à constater que les poursuites justement engagées en l’espèce, sont pourtant paralysées par la justification d’un danger actuel ou imminent, pour lequel le droit interne n’a pas été mis en conformité avec le droit communautaire pourtant applicable, ce qui justifiait la commission des infractions ».
Cette décision fait avancer la jurisprudence mais prend elle même soin de limiter sa portée.
En outre, ces décisions vont peut être faire l’objet d’un appel. Or, si les deux Cour d’Appel de renvoi des Tribunaux Correctionnels qui ont procédé à la relaxe des faucheurs maintiennent la position antérieure, c’est à dire refusent de reconnaître l’état de nécessité comme fait justificatif, on reviendra à la jurisprudence adoptée jusqu’ici.
En matière d’OGM, la loi comme la jurisprudence est en pleine mutation, et cela ne semble pas près de s’arrêter. L’avenir du projet de loi mais également de ces dernières décisions est très incertain. Surtout que l’évolution de la jurisprudence, par nature liée à celle de la législation, subit en plus de sa propre incertitude, celle de cette dernière. Par exemple, en intégrant le principe de précaution dans la constitution, les magistrats sont sans nul doute dans l’embarras.
Comment justifier que les connaissances scientifiques sont suffisantes pour permettre d’apprécier objectivement la notion de risque ?
Les juges de Versailles et d’Orléans ont mis de coté ce Problème et ont répondu qu’au regard de la procédure actuelle, et des précautions prises, l’imminence du danger était caractérisée. En l’état du nouveau projet de loi et dans la mesure où la législation française se met en harmonie avec les directives communautaires, les juges vont-ils encore statué ainsi ? c’est la grande question que trancheront les juges d’appel.
A la lueur d’une nouvelle crise sanitaire, liée à l’arrivée de la grippe aviaire, le principe de précaution, la notion d’état de nécessité et la nécessiter d’une législation claire prennent une nouvelle dimension. Toutefois, la gestion du risque est certes un problème délicat, mais il ne faut pas céder à la paranoïa car cela risquerait de nous mener à des excès.
Il n’y a pas de décision, ni d’attitude miracles, face à ce genre de problèmes.
On comprend la position des faucheurs face à une situation incertaine.
On comprend également que l’incertitude inhérente au principe de précaution ne permette pas d’adopter une attitude clairement protectrice des individus, trop d’intérêts entrent en considération pour pouvoir prendre des mesures drastiques en se basant simplement sur un hypothétique risque. L’attitude des magistrats que certains jugent frileuse, est totalement justifiée en droit.
Encore une fois, la notion d’état de nécessité est conditionnée par l’existence d’éléments constitutifs précis, et l’appliquer de manière outrancière aurait pour conséquence d’exonérer systématiquement certains actes de vandalisme.
Seul l’avenir nous dira le sort réservé au projet de loi et aux décisions des juridictions pénales de fond.
Peut-être est-on en droit de regretter qu’il n’y ait pas une concertation plus importante pour permettre d’apprécier la responsabilité de chacun. On a parlé d’un projet de référendum. Mais, à notre époque ou tout est politisé, même les choses essentielles à la vie de chacun, le référendum peut-il être une bonne chose? Rien n’est moins sûr.
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