Gestion qualitative : sensibiliser avant d’aider financièrement

2 février 2011 - La rédaction 
Les vignerons du bassin du Briançon, dans le Gard, se mobilisent depuis plus de 10 ans pour la reconquête de la qualité des eaux superficielles polluées par leurs traitements. Une dynamique qui a conduit à un projet territorial pilote ; il fédère mairies, Chambre d’agriculture, Agence de l’eau et directions régionales chargées de l’agriculture et de l’écologie. Portrait d’un parcours réussi.

Pour Jean-Marie Granier, viticulteur, le projet de reconquête de la qualité des eaux superficielles du bassin-versant du Briançon doit son succès au conseiller agricole de la Chambre d’agriculture du Gard, Jacques Oustric. « C’est lui qui, dès 1996, nous a appris, avec beaucoup de diplomatie et de pédagogie, à ne pas réaliser nos traitements de façon systématique mais raisonnée.

Pour réduire l’impact de leurs traitements sur les eaux du Briançon, les viticulteurs du bassin-versant ont développé des pratiques alternatives au désherbage chimique. L’enherbement et le travail du sol se chargent donc des mauvaises herbes entre les rangs. (Crédits : J.O.)

Pour des raisons économiques, mais aussi environnementales. »

Jacques Oustric, de son côté, salue une dynamique de groupe et une coopération efficace entre les différents acteurs (voir encadré : à chacun sa tâche).

Moitié moins de traitements
Résultats probants : pour 80 % des soixante exploitants viticoles des deux communes du bassin-versant du Briançon, Domazan et Estézargues : ils ont réduit de 50 % les traitements fongicides et insecticides ainsi que des surfaces recevant des herbicides.

Avancer pas à pas
« La sensibilisation a démarré sur les fongicides et insecticides, détaille Jacques Oustric. En 1999, de nombreux vignerons se sont engagés dans la démarche de viticulture raisonnée Terra Vitis. Enfin, en 2004, nous avons décidé de travailler le sol pour réduire l’utilisation des herbicides, notamment du glyphosate, régulièrement retrouvé dans les eaux. » Aujourd’hui, chez 80 % des vignerons, seules les surfaces sous les rangs de vigne sont désherbées. Entre les rangs, c’est le travail du sol ou l’enherbement qui permet de limiter les mauvaises herbes.

Un projet pilote contre le ruissellement
Les projets se succèdent. Pour réduire pollutions accidentelles, des aires de remplissage des pulvérisateurs, des sites collectifs de lavage et de traitement des effluents sont installés ou en cours d’installation. Et pour freiner le ruissellement des eaux vers les ruisseaux, une étude est en cours avec le CNRS et l’Université de Strasbourg. « Notre bassin représenterait le

« Pour que les agriculteurs acceptent de ne pas traiter leurs cultures, le courrier est inutile : il faut leur montrer sur le terrain qu’il n’y a pas de risque », souligne Jacques Oustric, responsable du pôle viticulture à la Chambre d’agriculture du Gard.

deuxième projet pilote en la matière. Il s’agit d’installer des mares avec des plantes épuratrices en bordure de parcelles. L’eau serait alors naturellement traitée à 80 % et ruissellerait moins. »

Si les réductions de traitements présentent un intérêt financier pour le vigneron, la reprise du travail du sol pour lutter contre les mauvaises herbes, entraîne en revanche des coûts supplémentaires, en matériel et en main-d’œuvre.

Motivation indispensable
Trois mesures agro-environnementales territorialisées (MAEt) ont alors été mises en place (voir encadré). « Les outils existants n’étaient pas du tout adaptés, nous avons dû faire accepter la création d’une nouvelle mesure au niveau national ainsi qu’un nouvel indicateur de fréquence de traitements herbicides (IFT) pour notre zone », explique Jacques Oustric.
Il aura donc fallu attendre 2010 pour que les vignerons bénéficient d’une aide financière.

« Nous avons été sensibilisés sans “carotte” et ces aides constituent un bonus, précise Jean-Marie Granier. Notre satisfaction est surtout de montrer au consommateur, qui nous traitait de pollueurs, que l’on pouvait réagir. Et c’est bien parce que notre engagement était volontaire que nous sommes aujourd’hui en avance. »

A chacun sa tâche

Pour Jacques Oustric, « Rien n’aurait pu se faire sans une coopération efficace entre tous les acteurs. La Chambre d’agriculture, avec l’aide financière de l’Agence de l’eau, tient un rôle d’animateur et d’accompagnateur. Elle étudie par ailleurs les pratiques des viticulteurs de façon à établir un diagnostic agronomique annuel. Enfin, la Dreal prend de son côté en charge le prélèvement et l’analyse régulière d’un point à l’exutoire du Briançon, ainsi que d’autres points étudiés de façon plus épisodique.

(1) Dreal : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

Trois MAEt pour arrêter ou réduire l’usage des herbicides

Trois mesures agro-environnementales territorialisées (MAEt) ont été mises en place pour aider les vignerons à répondre aux coûts supplémentaires induits par les changements de pratiques. Chaque mesure présente une exigence principale :
– réduction progressive de 60 % du nombre de doses homologuées de traitements herbicides (aide de 142 €/ha/an + 186 €/an/exploitation).
– absence de traitement herbicide entre les rangs de vigne (aide de 166 €/ha/an + 186 €/exploitation/an).
– conversion à l’agriculture biologique (aide de 350 €/ha/an + 186 €/exploitation/an).

Le vigneron doit par ailleurs s’engager à suivre une formation sur le raisonnement des pratiques, à réaliser un diagnostic d’exploitation en vue d’accompagner le choix pertinent des mesures, et à faire un bilan annuel de sa stratégie de protection des cultures.

75 % des surfaces en vigne (880 ha) du bassin-versant devraient être engagés d’ici à 2011, pour un budget total de 1,2 million d’euros, l’aide ne pouvant dépasser 15 000 € par exploitation.

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