Pascale Briand : En effet, le cadre des activités de l’Afssa est large même quand il s’agit de s’en tenir à la partie agriculture. La mission générale de l’Agence concerne la protection et l’amélioration de la santé publique, de la santé et du bien-être des animaux, de la santé des végétaux et de l’environnement. L’extension de ce périmètre aux végétaux a été inscrite dans la dernière loi d’orientation agricole. Notre Agence respecte le principe de séparation de l’évaluation et de la gestion du risque mais, pour les médicaments vétérinaires, gère au-delà et va jusqu’aux autorisations de mise sur le marché.
Nous veillons à l’articulation avec les gestionnaires du risque. Les données de contrôle nous sont d’ailleurs retournées afin que nous puissions affiner en permanence nos évaluations du risque.
R.E. : Vous intervenez nécessairement dans les périodes de crise. Quels enseignements tirez-vous de celle liée à l’apparition de la grippe aviaire ?
P.B. : La crise de l’Influenza aviaire a exigé une importante réactivité et la mobilisation de l’ensemble des entités pouvant, au sein de l’Afssa, contribuer à aider les prises de décisions. Notre laboratoire national de référence à Ploufragan, spécialiste de l’Influenza aviaire, a tenu son rôle de recherche et d’appui scientifique et technique. Il a transféré les données aux laboratoires départementaux pour aider à la réalisation des diagnostics de première intention. Les équipes d’experts scientifiques, notamment le comité santé animale, se sont chargées de l’évaluation scientifique du risque. Pour faire face à la crise, tous les moyens disponibles ont dû être déployés afin d’assurer une qualité optimale d’intervention dans des délais contraints. Un groupe de travail d’urgence a été constitué avec des spécialistes de laboratoires, des épidémiologistes, des ornithologues, etc., ainsi qu’une cellule d’appui logistique composée du chef de l’unité santé animale et de vétérinaires. Chargés d’orchestrer l’expertise collective, d’articuler les différents avis, notamment pour les aspects rédactionnels, ils ont joué le rôle d’un secrétariat scientifique de haut niveau. Nous avons effectivement l’expérience pour faire face aux crises. L’Influenza aviaire n’a pas été différente des autres : l’important c’est d’être prêts à déployer le maximum de moyens en un minimum de temps et ce de la manière la plus fiable possible.
R.E. : Quels conseils donneriez-vous aux filières agricoles et de transformation pour faire face à une crise sanitaire ?
P.B. : Les responsables de l’évaluation du risque doivent travailler en amont des crises avec les professionnels et les gestionnaires du risque. Un travail de longue date doit permettre d’établir une relation de confiance entre les différents acteurs pouvant être impliqués dans une crise. Les échanges et les préconisations des experts aux professionnels, par exemple sous la forme de guides de bonnes pratiques, portent leurs fruits en temps de crise et en réduisent les impacts. Le climat de confiance instauré permet, en outre, une réactivité optimale de chacun. Nous devons être attentifs à l’application du paquet hygiène dans les industries de transformation et à ce qui en découle pour la protection du consommateur. L’industriel doit, quant à lui, ne pas hésiter à remonter les informations sur les difficultés qu’il rencontre pour appliquer la réglementation ou les pistes d’évolution possible de celle-ci.
La prévention est finalement le meilleur moyen de faire face à une crise même si elle ne suffit pas. Il faut toujours être en capacité de travailler avec tous les acteurs, de bien réagir et de savoir apprécier le niveau de risque. Les travaux de recherche sont indispensables pour accroître nos connaissances afin de repousser toujours les marges d’amélioration.
R.E. : L’intégration du champ de l’évaluation des produits phytosanitaires au sein de l’Afssa marque une étape importante en matière de séparation entre l’évaluation des produits et la gestion des risques. Quels prolongements y voyez-vous ?
P.B. : La loi d’orientation agricole est applicable au 7 juillet 2006. À la date du 12 juillet, le décret est étudié au Conseil d’État. En attendant, nous anticipons et préparons tout ce qui peut l’être, la publication du décret d’application étant envisagée à la mi-septembre. Compte tenu de ce qu’a déjà réalisé l’Afssa, de ses compétences, le ministère a souhaité lui confier l’évaluation des produits phytosanitaires. Son périmètre d’activité s’en trouve élargi et son niveau de responsabilité accru. L’évaluation des risques et des bénéfices au niveau environnemental et qualitatif dans le domaine de la santé des végétaux va appeler une augmentation des ressources humaines et la mobilisation des différentes entités de l’établissement.
R.E. : Comment se situe la France dans ses relations avec les structures communautaires, particulièrement l’Efsa ?
P.B. : Nos relations se construisent, se peaufinent. Il y a eu un décalage entre la création de l’Afssa et celle de l’Efsa qui s’est faite plus tardivement. Le rôle de l’Efsa, d’animation de l’ensemble des agences européennes, s’affirme plus nettement aujourd’hui. Son action ne se cantonne pas à celle d’une énième agence. Les agences par pays disposent ainsi d’une réelle valeur ajoutée au niveau national et de la réactivité qui s’impose. Les échanges restent très importants entre les différentes agences pour affiner les dispositifs au niveau européen. Le contexte – politique sanitaire et organisation de la gestion du risque – est propre à chaque pays.
Les différences doivent être explicitées et prises en compte par chaque État membre