CAMPAGNES ET ENVIRONNEMENT : Pour votre trente-deuxième congrès, vous aviez invité pour la première fois, le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier. Un symbole ?
C. & E : Cette ouverture est-elle une conséquence du Grenelle de l’environnement ?
S. G. : Les débats multipartites du Grenelle nous ont effectivement permis de rencontrer
des personnes avec lesquelles nous avions peu de relations… Par exemple, nous avons eu des discussions très intéressantes avec Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, bien souvent dans les couloirs, et des accords ont parfois pu être trouvés avant que les discussions du Grenelle proprement dit ne s’engagent. De toute façon, le contexte sociétal, qui fait que nos concitoyens ont des attentes fortes en matière d’environnement, nous permet désormais de briser la glace, de transcender nos désaccords et de trouver des compromis.
C. & E : Tout n’est pas réglé pour autant ?
S. G. : Effectivement, sur les OGM
notamment, les tensions subsistent, mais comme l’a souhaité Michel Barnier, nous, associations de protection de la nature, ne voulons pas mettre les agriculteurs sur le banc des accusés. Nous devons trouver des solutions partagées, progressives, en tenant compte du fait qu’il y a plusieurs types d’agriculture, pour que les exploitants agricoles s’inscrivent dans une logique de sauvegarde des territoires et du maintien de la biodiversité. La politique agricole est à un moment charnière. Il faut donc s’appuyer sur la réforme de la PAC pour réorienter cette politique agricole, conditionner davantage les aides à la qualité des productions, tout en sachant que l’agriculture doit rester productive face à des stocks mondiaux qui diminuent. Nous avons parfaitement conscience que le défi n’est pas simple.
C. & E : Quelle est votre position sur les biocarburants, actuellement largement remis en cause ?
S. G. : C’est l’exemple même de la fausse bonne idée, car on sait désormais qu’au-delà de la compétition sur les sols, les rendements énergétiques ne sont pas au rendez-vous. Malheureusement, il faut parfois tenter des choses mais, comme les Scandinaves, admettre que l’on s’est trompé… De toute façon, avec les usines déjà construites ou qui vont être mises en service, nous sommes maintenant bloqués pour quinze ans !
C. & E : Qu’en est-il de la certification « Haute Valeur Environnementale » évoquée lors du Grenelle de l’environnement ?
S. G. : Nous souhaitons que cette certification vienne en complément de labels qui existent déjà, en y associant un volet « environnement ». Elle inclurait la problématique des phytos, engrais, gasoil, soit au niveau d’une exploitation, soit d’un regroupement d’exploitations, et permettrait de mettre en valeur des structures peu gourmandes en intrants et autonomes. Ces atouts pourraient être valorisés en termes d’image, mais aussi d’un point de vue commercial, les consommateurs étant de plus en plus sensibles à de tels critères. Il faut que le système soit simple comme le bonus/malus mis en place pour les voitures, et il nous faut à tous, associations et agriculteurs, trouver les outils pour mettre en place une telle certification, sans en « rajouter » encore.
C. & E : Quels sont à votre avis les freins au développement de l’agriculture biologique ?
S. G. : Les coûts pour le consommateur sont encore trop élevés, car l’agriculture biologique souffre d’une structuration insuffisante de ses filières et les modèles de distribution doivent être revus. C’est à la PAC de prendre en charge cette structuration si on veut encourager ce type d’agriculture, comme l’a souhaité Michel Barnier. Nous devons aller dans le sens de la proximité, des circuits courts, comme pour la restauration collective, pour l’agriculture biologique d’ailleurs mais également pour d’autres modèles de développement agricole. Tout le monde a à y gagner, l’agriculteur lui-même et le consommateur. Nous devons passer d’un modèle de croissance quantitative à un modèle qualitatif, mais il s’agit là d’une véritable révolution culturelle.