L’agro écologie en débat à la foire de Châlons

9 septembre 2014 - La rédaction 

« Agriculture et environnement : une alliance impossible ? » Sous ce titre volontairement provocateur, le réseau Farre* a souhaité confronter les points de vue d'acteurs du monde agricole et environnemental pour un débat à l'occasion de la Foire de Châlons-en-Champagne le 2 septembre. L'objectif : faire un point d'étape sur la prise en compte des problématiques environnementales par le milieu agricole, ceci dans le cadre du projet agro-écologie lancé par le ministre de l'Agriculture en décembre 2012.

Un consensus : amplifier les efforts vers plus d'agro-écologie

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Jean-Claude Bévillard, vice-président et pilote du réseau agriculture de FNE, reconnait les progrès de l'agriculture, mais attend une dynamique plus conséquente dans la réduction des phytosanitaires.

En préambule, Benoît Collard, agriculteur et président de Farre 51, a souligné que, ne serait-ce que pour le maintien durable d'un potentiel de production, agriculture et environnement sont désormais indissociables. Léon Lenglin, vice-président à l'UIPP, a exposé les efforts réalisés par filière concernant l'utilisation des produits phytosanitaires : « En 65 ans, les tonnages ont drastiquement diminué et la toxicité des produits a été divisée par 6 ». Mickaël Jacquemin, agriculteur Farre dans la Marne, a quant lui témoigné notamment de son engagement dans le programme Dephy : « Je considère qu'on doit étudier les impacts des changements de pratiques à l'échelle de l'exploitation, c'est pour cette raison que j'ai décidé d'y engager la quasi-totalité de mes parcelles. »

Ne pas négliger l'impact rendement
Si Jean-Claude Bévillard, vice-président et pilote du réseau agriculture de France Nature Environnement, a reconnu les démarches de progrès engagées par certains agriculteurs, il a regretté des efforts trop ponctuels et disséminés, ne permettant pas pour l'instant d'enclencher une dynamique réelle de réduction des produits phytosanitaires pour réaliser l'objectif initial du plan Ecophyto. Le mouvement d'évolution des systèmes doit donc être amplifié. Christian Rousseau, agriculteur et président délégué à l'agriculture et à l'innovation chez Vivescia, a ainsi souligné que la substitution seule de la chimie par des techniques culturales alternatives ne peut en effet permettre d'atteindre cet objectif : « Au-delà de 15% de réduction des intrants, le rendement est affecté, il faut donc inventer une nouvelle agriculture, qui considère le sol comme un milieu vivant et non uniquement un substrat. » Le consensus des différents acteurs a été relevé par Sylvestre Chagnard, directeur régional de la DRAAF Champagne-Ardenne, impressionné de voir la façon dont les acteurs agricoles se sont approprié l'agro-écologie.

Les freins : risque, temps, foncier, débouchés, réglementation ?
De nombreux freins au développement de l'agro-écologie ont été évoqués. La prise de risque constitue un des freins principaux, le contexte climatique et économique influençant directement les décisions que l'agriculteur doit prendre. Mais également le temps supplémentaire induit par l'évolution de certaines pratiques : par exemple, le choix de réimplanter des haies pour favoriser la biodiversité et de remettre en place du binage, nécessite d'être envisagé en fonction de la disponibilité de la main d'œuvre. Enfin, le statut du fermage ne permet pas toujours une grande liberté, que ce soit sur la mise en place d'éléments comme les haies, ou sur le niveau de salissement des parcelles…
Jean-Claude Bévillard est par ailleurs revenu sur le manque de débouchés de certaines cultures qui ne permet pas la diversification et l'allongement des rotations. Et Christian Rousseau de préciser que « l'un des rôles des coopératives, c'est justement de permettre de trouver des débouchés. » Quant aux contraintes réglementaires, elles sont parfois perçues comme un manque de confiance envers les agriculteurs. Pour Sylvestre Chagnard, l'approche technique est vectrice de progrès mais on ne peut s'affranchir de l'approche réglementaire.

Impliquer les différents acteurs
Enfin, la question de la valorisation des efforts environnementaux a été illustrée avec l'exemple du projet agriculture durable lancé par Vivescia. La marque Respect'In, dans laquelle 150 producteurs sont maintenant engagés, a été créée à partir du constat que, si prise de risque il y a, il peut être légitime que le consommateur et le marché rémunèrent une partie de ce risque (voir notre article). La conclusion d'Hervé Lapie, président de la FDSEA de la Marne et de l'association Symbiose, a d'ailleurs illustré l'importance d'une concertation entre acteurs pour une meilleure prise en compte de l'environnement : « Avec Symbiose, une dynamique territoriale sur la biodiversité a été créée, autour d'acteurs très différents mais souhaitant tous s'engager pour l'intérêt général. »
 

Témoin
Erik Orsenna, grand témoin de ce colloque, a insisté sur le rôle économique des agriculteurs : « ce ne sont pas des jardiniers, mais bien des producteurs ». Il a également invité le monde agricole à communiquer davantage sur la « diversité impressionnante des bonnes pratiques ».
 
* Forum des Agriculteurs Responsables Respectueux de l'Environnement

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