Laurence Granchamp : l’agriculture urbaine, un enjeu alimentaire

18 juin 2013 - La rédaction 

La première école thématique autour de la « métropolisation de l'agriculture et enjeux alimentaires » se tiendra du 24 au 28 juin 2013 à Strasbourg.
Un sujet qui rencontre un attrait grandissant, tant de la part de ceux qui ont en charge la gestion des villes que de la part de citadins ou d'associations. Entretien avec Laurence Granchamp, sociologue à l'Université de Strasbourg et qui organise ces rencontres.

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Laurence Granchamp, sociologue à l'Université de Strasbourg organise les rencontres de la première école thématique autour de la métropolisation de l'agriculture et de ses enjeux alimentaires qui se tiendra du 24 au 28 juin à Strasbourg

Campagnes et environnement : pouvez-vous nous expliquer le concept d'agriculture urbaine ?
Laurence Granchamp : En Amérique du Nord, l'agriculture urbaine, ou AU, est apparue comme un mouvement social, né d'initiatives spontanées en particulier de migrants qui utilisaient des espaces en friches dans la ville pour y cultiver des légumes. Cela leur permettait de contribuer à leur approvisionnement alimentaire mais aussi de cultiver des espèces ou des variétés de légumes qu'ils ne trouvaient pas sur place. On le voit encore à Montréal où des migrants du Bangladesh parviennent à faire pousser des légumes de chez eux pendant l'été. Les questions d'occupation de l'espace urbain, de qui se l'approprie et pour quoi faire – un parking ou planter des légumes – et celle de sécurité alimentaire ont été très tôt liées dans ces villes d'Amérique du Nord. Tandis que dans les villes du Sud, l'AU était plutôt liée à des enjeux de sécurité alimentaire, en particulier des ménages pauvres. Mais depuis la crise de 2008, Detroit est devenue la capitale de l'agriculture urbaine, ce qui leur a permis d'atténuer le choc de la crise mais aussi peut-être de tracer les voies d'un nouveau projet de développement durable pour la ville.


C&E : Quelle est la situation en France ?
L.G. : La façon d'aborder ces questions est en train d'évoluer. Des paysagistes comme André Fleury et Pierre Donadieu, ont été parmi les premiers à avoir développé une réflexion sur l'agriculture urbaine et périurbaine. En 1997, ils définissaient alors l'agriculture urbaine comme intégrée à la ville en entretenant des rapports réciproques. Ces dernières années, la question de l'alimentation dans la ville est devenue une question sociale, comme le montre le développement fulgurant des Amap. Il semble qu'il y ait un nouveau regard sur l'alimentation et à partir de là, les usages des espaces peuvent être davantage questionnés – et notamment la conversion des champs en projets urbains fait l'objet d'un suivi à travers des observatoires villes-agriculture. Même si ces conversions se poursuivent, elles sont plus contraintes qu'auparavant. Un autre phénomène convergent est l'engouement dans les villes pour les jardins familiaux. Nous voyons fleurir les jardins partagés et des potagers urbains collectifs dans de nombreuses communes de France. Les innovations ne sont pas finies.
Le jardinage et l'agriculture urbaine sont une opportunité de ramener une campagne dans la ville, de faire rester les habitants dans ces zones et qu'ils s'y sentent bien. C'est lié aussi aux enjeux climatiques, dans la mesure où l'on suppose que la relocalisation des productions réduit l'impact sur le climat des approvisionnements alimentaires des villes.

C&E : Quelles sont les politiques qui amèneraient ce concept à se développer ?
L.G. : Ce ne sont pas les politiques qui ont amené l'agriculture urbaine à se développer, c'est d'abord une forte demande des habitants à laquelle les politiques doivent répondre. Il y a une homogénéisation des discours des élus. Les villes doivent être vertes, mais derrière, on peut y mettre tout et n'importe quoi. D'où un rôle majeur des citoyens sensibilisés dans ces projets.

C&E : Comment jugez-vous l'implication de la profession agricole dans l'agriculture urbaine ?
L.G. : C'est une agriculture à trois variables sociologiques : les habitants, les agriculteurs et les politiques. Mais ce ne sont pas n'importe quels agriculteurs qui se lancent dans ce type de projet ou qui cherchent à subsister de cette façon. Cela nécessite une forte évolution de leur « référentiel professionnel », comme disent les sociologues et les politistes. La majorité de la profession agricole tourne le dos à ce type d'agriculture. Ils ne défendent pas la conversion des terres parce qu'il y a des enjeux patrimoniaux. D'ailleurs, même pour les villes, le prix du foncier rend compliqué la mise en œuvre de ce concept. Or, il faut prendre en compte la multifonctionnalité de l'agriculture urbaine. A travers le cas d'une ferme sur les toits à New York, un sociologue américain nous montrait que ce n'était pas forcément un établissement agricole rentable au sens économique strict, malgré toutes les économies réalisées à travers des systèmes optimisés de récupération de l'eau et d'utilisation des réseaux de chaleur. Mais au lieu de s'en tenir à ce calcul économique étroit, il faudrait aussi prendre en considération la réduction des transports pour ceux qui s'approvisionnent sur place, ou encore le bien être produit pour les personnes qui viennent aider à cultiver. Il faut inclure ces externalités dans le calcul.

Le programme complet


Propos recueillis par Stéphanie Ayrault

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