Le poisson est dans le pré

16 mars 2012 - La rédaction 

Dans le Berry, à Venesmes, Hélène Fréger cultive des champs et des prairies. Elle élève des vaches laitières mais aussi des poissons. Son pari : mener chaque atelier non pas l'un à côté de l'autre, mais l'un grâce à l'autre.

Se lancer dans un projet de méthanisation, tester des couverts végétaux, diversifier sa pisciculture… Hélène Fréger a une idée fixe : rendre son système agricole plus cohérent et plus durable. Alors elle voyage pour discuter nouvelles techniques. « C'est passionnant de reprendre le droit d'avoir un esprit critique. » Adepte du brainstorming, elle pratique une agriculture qu'elle ne qualifie pas de bio, mais de « conventionnelle améliorée, réadaptée ».

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Sur la D940, à 30 km au sud de Bourges, le panonceau annonce la couleur : « Ferme de Scay, pisciculture », peut-on lire autour d'un logo qui associe une vache et un poisson. C'est bien ce qu'Hélène Fréger a choisi sur sa ferme de 150 hectares. Son élevage de poissons d'agrément est alimenté grâce au recyclage des déjections de ses 70 vaches laitières. Pour compléter la boucle, l'eau des étangs sert à irriguer les cultures qui nourrissent les animaux.

Sur cette exploitation familiale, à Venesmes- (18), il y a des bovins depuis quatre générations. Mais les poissons sont en partie le fruit du hasard. En bas du terrain, un réservoir d'eau, construit dans les années quatre-vingt pour irriguer certaines cultures, accueille depuis 1990 « quelques poissons, pour le loisir de la famille », raconte Hélène Fréger, l'exploitante. Lors d'un incident de parcours qui a pollué la réserve, « nous avons été surpris de ramasser près de trois tonnes de poissons morts, se souvient-elle. Il y a vingt-cinq ans, le fumier était stocké dans un coin de la ferme et ruisselait jusque dans l'étang, lors des grosses pluies. Nous nous sommes alors rendu compte que ces poissons grandissaient très bien dans une eau chargée en nutriments. »

Cercle vertueux…

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Bassins de lagunage

L'atelier piscicole se met alors en place sur ce modèle. Les bâtiments d'élevage, mis aux normes en 2000, accueillent l'hiver les vaches et collectent leurs 300 mètres cubes de déjections liquides dans une fosse à lisier, vidée trois fois par an dans les 70 000 m3 de la réserve. L'eau circule entre les différents bassins de lagunage. « Il a fallu batailler deux ou trois ans, car l'administration était plutôt inquiète sur le plan sanitaire. Nous leur avons démontré qu'il n'y avait pas de souci. Après la pêche des poissons, l'eau “purifiée” que nous épandons sur les cultures n'apporte plus que trois unités d'azote par hectare, explique l'éleveuse. C'est un petit “plus” pour la culture, et cela rentre dans notre logique d'autonomie et d'écologie. »

…ouvert à la nouveauté

Depuis quelques années, Hélène Fréger essaie par ailleurs d'améliorer la qualité agronomique et biologique de ses sols, pour « faire mieux avec ce que nous avons, explique-t-elle. Nous testons le semis au strip-till, un appareil qui ne laboure que sur quelques centimètres autour du rang où est plantée la graine. Nous avons aussi introduit deux types de couverts végétaux en interculture ». Le premier associe du seigle, du pois et de la vesce, intéressants à la fois pour le sol et pour nourrir le troupeau. Le second est un couvert florifère bénéfique aux abeilles. « Une fois coupé, le paillage, laissé sur place, alimente le sol en matière organique, limite les mauvaises herbes, favorise la rétention d'eau et la vie des animaux dans le sol », se réjouit l'éleveuse. Enfin, elle voudrait mieux valoriser le fumier de l'élevage. « Pour l'instant, nous l'épandons, mais il n'est pas facilement assimilable par les plantes. Le compost l'est davantage. Alors, nous travaillons sur un projet de méthanisation à la ferme. C'est assez compliqué. Il faut aussi savoir ce que l'on fera du gaz et de la chaleur produits. Mais nous avons déjà plusieurs idées », sourit Hélène Fréger.

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Hélène Fréger


Avec 150 hectares de cultures et de prairies dont 110 sont irrigables, Hélène Fréger cherche à être autonome pour l'alimentation de ses 70 vaches laitières. Ses cultures de maïs, blé dur, blé tendre, triticale et luzerne, riches en protéines, mais aussi ses cultures intermédiaires, assurent 97 % de l'alimentation du troupeau. Le but : maîtriser celle-ci et obtenir un lait de qualité, riche en protéines.

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Stabulations


La ferme piscicole est organisée en plusieurs bassins de lagunage, desservis par des drains souterrains qui régulent- la circulation d'eau. « On travaille sur une chaîne alimentaire, explique Hélène Fréger. Dans l'eau, le phytoplancton profite des nutriments et du soleil. Les crevettes, les daphnies et le zooplancton s'en nourrissent et sont mangés par les larves- de poissons. »

L'atelier pisciculture pèse en positif dans la balance de l'exploitation. Hélène vend des carpes Koi européennes et amours blancs pour les aquariums, mais aussi des brochets, sandres, gardons pour les étangs. « Je me verse 1500 euros par mois sur ce que rapporte l'exploitation. Mon mari a aussi une exploitation, alors c'est suffisant pour vivre à quatre. J'ai aussi deux salariés à plein-temps. Et avec ce que je mets de côté, je peux imaginer réaliser notre futur projet de méthanisation. »

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