Fermeture des marchés, des rayons à la coupe, de la restauration collective… En voyant près de 60 % de leurs débouchés condamnés en conséquence de la crise du Covid-19, les fromages AOP sont à la peine depuis plusieurs semaines. Dès le 7 avril, la coopérative Sodiaal, qui produit chaque année 60 000 tonnes de fromages AOP et de terroirs, alertait sur l’urgence de la situation. « La situation est critique et nécessite un regain de consommation rapide. Les fromages de terroirs, ce sont de très nombreux producteurs, souvent installés dans des zones difficiles, et des fromageries qui participent à la dynamique économique de nombreux territoires », réagissait ainsi le président de la coopérative laitière, Damien Lacombe. Car sur le terrain, la situation est critique. Les ventes ont chuté de près de 60 % en moyenne. Pour les éleveurs fermiers, les ventes ont même chuté de 70 à 100 %.
Des éleveurs contraints de jeter leur production
Le situation est d’autant plus complexe que le mois d’avril est celui du pic de production de lait. Certaines filières AOP ont choisi de réduire drastiquement leur production de lait, comme c’est le cas en Savoie par exemple, ou de valoriser leur lait autrement : beurre, crème, etc. Mais tous les producteurs n’ont pas les épaules pour effectuer de tels changements. Dix filières AOP ont déjà dû se résoudre à jeter du lait ou des fromages, les stocks n’étant pas écoulés. « Les grands groupes, qui représentent 50 % de nos filières, peuvent se détourner vers d’autres créneaux. Mais les éleveurs fermiers n’ont pas cette capacité de réorienter le lait », commente Michel Lacoste, président du Cnaol, qui regroupe les AOP laitières.
Une campagne de communication
Pour sensibiliser les consommateurs à ces enjeux, le Cnaol et le Cniel ont lancé une campagne de communication sur les réseaux sociaux, intitulée #fromagissons. La filière a également échanger avec le ministère de l’Agriculture sur ses difficultés actuelles, en demandent la mise en place de dispositifs d’aide. « Nous attendons des mesures de compensation des éleveurs AOP qui produisent à perte. Deux mille tonnes de fromages devaient partir de nos caves en avril, il nous en reste encore 1500. S’ils ne sont pas distribués avant le 11 mai, ils seront périmés », précise Michel Lacoste. Malgré la mobilisation des éleveurs sur le terrain, ce dernier regrette le silence du ministre de l’Agriculture face aux demandes de la filière. Et prévient sur la pérennité menacée de ces filières si aucun soutien financier n’est mis en place.