En se promenant sur son exploitation, c’est avec une certaine fierté que Mickaël Jacquemin montre aux visiteurs les oiseaux qui survolent ses parcelles. Même si de son propre aveu il ne connaît pas toutes les espèces, il s’agit pour lui d’un gage de la bonne santé de sa terre et une preuve du travail bien fait.
Situées dans le département de la Marne, à cheval entre la Champagne crayeuse et une zone de bocage, les terres du Gaec du Donjon se transforment depuis quelques années en un petit réservoir pour la faune régionale. Le Gaec partie de l’une des dix exploitations d’expérimentation sur le département.
Un projet qui en est encore à ses débuts mais dont les acteurs sont particulièrement motivés.
Reconquérir la biodiversité des terres agricoles est une gageure que Mickaël Jacquemin s’est proposé de relever, d’autant plus que selon lui, les actions à mettre en œuvre sont plus de l’ordre du bon sens, que de la contrainte. “Avant de respecter le référentiel de l’agriculture raisonnée, j’essayais de rendre mon exploitation la plus agréable possible”.
Relier les îlots de biodiversité
Aussi, certaines mesures “coulaient de source”, insiste-t-il. Pour préserver la variété des espèces d’oiseaux sur les terres, il est important de leur offrir un habitat. L’agriculture intensive dans la région Champagne-Ardenne a réduit à une peau de chagrin les terrains “sauvages” et boisés. Mickaël Jacquemin s’évertue donc à entretenir des lieux de passages pour les espèces. “C’est ce que les spécialistes nomment les corridors de biodiversité”, appuie-t-il. Première mesure, limiter la taille des parcelles ne comprenant qu’une seule culture. Mickaël Jacquemin, scinde la plupart du temps ses plus grosses parcelles en deux pour pouvoir laisser aux oiseaux migrateurs un lieu de villégiature amplement mérité après leur périple. Pour compléter cette mesure, les chemins entre les parcelles ne sont pas fauchés pour accroître les endroits enherbés. Des haies sont également replantées par endroits pour favoriser la création d’habitats. “Toutes ces mesures visent à relier entre elles les zones boisées”, souligne l’exploitant, “Tous ces lieux de verdure forment sur la carte un maillage, avec autant de lieux propices à l’installation des oiseaux.” Autre mesure, un peu plus inhabituelle : Mickaël Jacquemin a demandé à l’EDF de ne pas élaguer les bosquets qui entourent des pylônes électriques plantés au milieu de ses parcelles. “Limiter les opérations d’entretien habituelles n’a posé aucun problème. Ces bosquets offrent un habitat hors pair pour les oiseaux”, précise-t-il.
Le thème de la biodiversité est apparu dans le cadre des travaux du réseau agriculture raisonnée de la Marne dans lequel Mickaël Jacquemin est engagé depuis 1998. “Au départ nous ne cherchions que des moyens pour promouvoir l’agriculture raisonnée, mais une fois que celle-ci est rentrée dans les mentalités, nous nous sommes tournés vers un projet plus concret à mener ensemble”, précise-t-il.
Emmanuel Leroy, chargé d’études à la LPO Champagne-Ardenne
Un calendrier chargé pour 2006
Emmanuel Leroy est chargé d’études pour la Ligue pour la protection des oiseaux de Champagne-Ardenne et collabore activement avec les agriculteurs de la région. “Nos relations remontent à la fin des années 80 avec le dossier sur les grues cendrées, espèce présente près du lac du Der”, souligne-t-il. Un premier programme sur la préservation de la biodiversité a été mis en place entre 2002 et 2003. Il s’agissait essentiellement de stage de formation, avec une visite d’exploitation suivie d’une présentation en salle. Cette action a toutefois été mise de côté à cause d’un manque de financement. “En 2005, un nouveau financement a permis de relancer un programme d’études sur la préservation des oiseaux sur la région Champagne-Ardenne. Nous nous sommes associés avec les réseaux Farre et Fnab (Fédération nationale pour l’agriculture biologique) pour coordonner l’opération. Vingt exploitations ont été sélectionnées sur les départements de la Marne et de l’Aube, dont un lycée agricole et un lycée viticole.” L’opération commencera véritablement en 2006, avec en avril un diagnostic initial sur le plan environnemental des exploitations, suivi au second semestre de la conception d’un plan de gestion. “Les agriculteurs font preuve d’une sincère motivation sur ce dossier, ce qui est enthousiasmant, d’autant plus que le gain de leurs actions ne sera pas visible immédiatement.”
Entretenir les corridors de biodiversité
- Sur l’exploitation, il est nécessaire de prévoir des lieux favorables à l’habitat et au passage de la faune sauvage. Évitez particulièrement les grandes parcelles d’une même culture. “Je coupe les « blocs de culture » en deux si une trop grosse partie du terrain est recouverte.”
- Laissez les chemins non fauchés. Les agriculteurs préfèrent généralement faucher les chemins qui se trouvent entre les parcelles. Cependant, en les laissant en l’état, ils peuvent devenir de véritables corridors pour permettre à la faune sauvage de se déplacer d’un habitat favorable à un autre.
- Installez de larges bandes enherbées. “J’ai décidé de laisser une zone plus importante que celle préconisée par la réglementation : l’intervalle est de 10 mètres entre les cours d’eau et mes parcelles.”
Le Gaec de la ferme du Donjon
Situé à 20 km au sud de Vitry-le-François, dans le département de la Marne.
Une exploitation de 370 ha, relativement importante pour la région.
Production de pommes de terre irriguées, de céréales essentiellement utilisées en alimentation animale, betteraves.
Depuis 1992, élevage de 500 porcs qui permettent de valoriser les céréales.