Les rustiques au goût du jour

20 septembre 2005 - La rédaction 
Pas facile de choisir sa variété de blé tendre. Les critères sont nombreux : potentiel, résistances, conditions pédo-climatiques, disponibilité des semences, exigences des cahiers des charges… De nombreuses sources d’informations sont à la disposition de l’agriculteur. Le critère de choix final étant à l’arrivée la marge-hectare.

Parmi les postes sur lesquels peut jouer l’agriculteur pour diminuer ses coûts de production figure celui du choix des variétés. Mais sur quel critère se baser ? Déjà à partir des essais et ils sont nombreux. Arvalis-Institut du végétal, en collaboration avec l’Inra et des semenciers regroupés au sein du Gie Club des cinq (C.C Benoist, Florimond Desprez, Serasem, Maïs Angevin-Nickerson, InVivo) vient de publier des résultats concernant notamment les variétés rustiques, leur comportement et le calcul des marges nettes d’exploitation. “Avec un blé à 100 euros la tonne, rémunéré en fonction de son PS et de sa teneur en protéines, on gagne en moyenne 50 euros par hectare en choisissant une variété rustique comme Oratorio, conduite à coût réduit plutôt qu’en cultivant une variété plus sensible aux maladies telle Isengrain avec l’itinéraire technique recommandé dans la région”, explique Arvalis. Olivier Leblanc, de C.C. Benoist, connaît bien Oratorio puisque cette variété est proposée par sa firme depuis 1995. “Nous tentons de faire passer le message de ses qualités rustiques permettant de meilleures marges. Mais, elle a du mal à décoller”, déplore-t-il.

La rusticité mise en avant

 

“Le mot d’ordre est de trouver des variétés résistantes correspondant aux cahiers des charges.”

Les agriculteurs qui calculent leur marge ont vite fait leurs comptes : il faut au maximum valoriser les intrants. Jean Dony, technicien en charge du référencement variétal semences chez Champagne Céréales, confirme. “La réduction des charges est une de nos préoccupations de longue date. Le problème : quand on parle de variétés dites rustiques, qu’il vaudrait mieux d’ailleurs appeler résistantes, la plupart du temps ne sont évoquées que de vieilles variétés. Pourtant, il en apparaît aujourd’hui des nouvelles, résistantes à la verse ou aux maladies, telles PR22R28 à propos du piétin verse, ou Charger en matière d’oïdium.”

Cette démarche intéresse au premier chef les exploitants concernés par la pratique de l’agriculture intégrée. Jean-Pascal Hopquin, de la Chambre régionale d’agriculture de Picardie confirme : “la protection intégrée est d’actualité et nous souhaitons qu’elle se produise à grande échelle là où la technique est au point. Qui dit production intégrée dit variétés résistantes, principalement à la verse et aux maladies. Il faut valoriser l’azote, notamment à la sortie de l’hiver, à une période de risque de lessivage”. Le mot d’ordre est donc de trouver des variétés résistantes correspondant aux cahiers des charges qui exigent aussi une qualité de panification. Face à l’intérêt suscité par ses travaux sur les variétés rustiques, Arvalis va mettre en œuvre un deuxième réseau simplifié commun aux Chambres d’agriculture, à l’Inra et à l’Institut.

Protection sous surveillance

Si la facilité de culture peut être un élément dans le choix d’une variété, la conduite des variétés dites rustiques nécessite tout de même un minimum de maîtrise technique comme le fractionnement des apports d’azote, la densité de semis, la période de traitement. “Et pas moins que pour une variété à haut rendement”, tient à souligner Bertrand Omon de la Chambre d’agriculture de l’Eure. “Cependant, ajoute-t-il, une variété rustique résistera mieux à un petit écart que l’on pourrait avoir si les conditions d’intervention sont difficiles.”

Les outils d’aide à la décision revêtent là tout leur intérêt car ils permettent de tenir compte du fonctionnement physiologique de la variété, de la pression parasitaire, de la connaissance du sol, du précédent cultural.

Il ne faut pas oublier pour autant les autres variétés dites “sensibles” correspondant à des attentes du marché. Jean Dony cite en exemple Camp Rémy. “Cette variété, déjà ancienne, présente toujours un intérêt qualitatif mais il faut penser à lui apporter deux régulateurs. De plus, elle est sensible aux maladies. Si les régulateurs sont interdits, la résistance à la verse deviendra un facteur incontournable dans le choix des variétés”. Autre exemple cité par Jean Dony : Shango. “Toujours demandé par le marché, compte tenu de sa très bonne qualité (BPS), ce blé doit recevoir une très bonne protection fongicide. Cette variété devra être poursuivie tant que nous n’aurons pas trouvé son équivalent en qualité.”

S’adapter aux contextes pédo-climatiques régionaux

Olivier Leblanc souligne l’importance de tenir compte de la région pour le choix de la variété. Dans la plaine de Caen, “la terre rend bien ce qu’on lui donne”. Elle favorise le choix de variétés à haut rendement. A contrario, la Champagne berrichonne valorisera beaucoup moins les intrants, ce qui conduira à se diriger vers une variété plutôt rustique. Jean Dony rappelle que les choses ne sont pas figées définitivement dans le choix d’une variété. Ainsi, des variétés considérées aujourd’hui résistantes ou tolérantes pourront se révéler sensibles demain. Certaines se sont avérées, dans des conditions favorables aux maladies, assez sensibles à l’oïdium, comme Caphorn ou Apollo, variété ancienne réputée pour sa résistance à l’oïdium, qui est devenue très sensible en l’espace de quelques années. “Le contexte pédo-climatique dans lequel sont cultivées les variétés a aussi une grande importance. Dans notre zone d’activités (Champagne et alentours), où la productivité s’exprime bien dans la plupart des cas, nous raisonnons nos interventions. Les nombreux essais (plus de 130 et plus de 6 000 parcelles en 2003-2004) que nous menons nous permettent d’apporter un certain nombre de préconisations adaptées à chaque variété et à chaque situation”, souligne Jean Dony.

Choix sous influence réglementaire

La réglementation est un facteur qui peut influer sur le choix d’une variété. Mais quel impact aura-t-elle sur l’évolution des pratiques ? Il semblerait que les régulateurs de croissance soient actuellement sur la sellette et certains évoquent un cheminement vers leur interdiction. Les quantités et les périodes d’apports d’engrais azotés sont également réglementées. Autant d’éléments qui risquent de remettre en cause certaines variétés de blé.

Esprit de synthèse

Les critères de choix sont donc multiples et évolutifs et les semenciers se disent prêts à multiplier les variétés qu’on leur demande et dans un laps de temps assez rapide. Jean-Pascal Hopquin souligne la difficulté de trouver parfois les variétés sur le marché et déplore de proposer parfois des variétés pas retenues dans les gammes des distributeurs. On peut comprendre que les organismes stockeurs choisissent de proposer une palette limitée pour des problèmes de logistique et d’économie d’échelle. Mais le danger est de voir les agriculteurs s’organiser en petits groupes pour se procurer des semences. D’où l’apparition de groupements d’achat, de Cuma semences ou d’achat en commun de machines à enrober.

Au final, l’agriculteur a l’embarras du choix dans les sources d’informations pour choisir ses variétés de blé : les essais et publications d’Arvalis-Institut du végétal, les Chambres d’agriculture, les distributeurs, les semenciers. Le tout est de pouvoir extraire une synthèse dans la multiplicité de ces éléments. Comme toujours, ce seront l’expérience et le bon sens de l’exploitant qui auront le dernier mot.

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