L’indépendance dépend du caractère contradictoire de l’expertise

13 mars 2013 - La rédaction 

OGM, pesticides, bien-être animal… L’Anses* intervient sur des sujets aussi sensibles que complexes, qui déclenchent fréquemment de véritables tempêtes médiatiques. La validité de l’expertise scientifique des agences officielles est régulièrement mise en cause. Marc Mortureux, directeur général de l’Anses, précise les réponses apportées en termes de crédibilité et d’indépendance vis-à-vis des intérêts économiques et politiques.

Comment l'anses peut-elle garantir la crédibilité de ses avis ?

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Marc Mortureux : Les questions de la crédibilité et de la confiance dans l’expertise scientifique ont été très débattues lors de la création de l’Anses (1). L’expertise se fonde sur quatre éléments clés : la compétence scientifique, l’indépendance de l’expertise, la transparence et l’ouverture à la société. L’indépendance dépend des critères de sélection des experts, qui sont tous issus de la recherche publique. Ils sont sélectionnés sur la base de déclarations publiques d’intérêt détaillées, toutes accessibles sur notre site Internet. Mais l’indépendance réside aussi dans le processus collectif, pluridisciplinaire et contradictoire de l’expertise. Nous avons récemment renforcé nos procédures en examinant systématiquement, avant toute réunion d’un collectif d’experts, les éventuels risques de conflit d’intérêt pour chaque dossier porté à l’ordre du jour et pour chaque expert. Ceux qui pourraient être en situation de conflit d’intérêt ne participent pas aux débats ni aux délibérations pour les dossiers en question.

Comment réagissent les experts face à ces mesures ?
Elles ne sont pas simples à appliquer. Les chercheurs ressentent parfois que leur intégrité pourrait être remise en cause. Mais il s'agit d’une exigence essentielle pour assurer la confiance dans le résultat des travaux. L’indépendance s’acquiert aussi avec le courage de se saisir des sujets sensibles et de dire les choses clairement. L’Anses s’est ainsi autosaisie de sujets comme l’antibiorésistance ou la protection des travailleurs agricoles exposés aux pesticides. Sur ce dernier point, nous avons émis fin 2012 un avis recommandant un renforcement des exigences réglementaires sur les caractéristiques des équipements de protection individuelle adaptés à chacun des produits pesticides : nous demandons à ce que les industriels fournissent désormais des résultats de tests sur les équipements adaptés à chaque nouveau produit mis sur le marché. En parallèle, nous avons lancé une enquête pour évaluer l’utilisation de ces équipements par les travailleurs agricoles.

Quel suivi assurez-vous des avis que vous formulez ?
Le retour d’informations du terrain est essentiel pour nous. Nous l’avons vu avec l’exemple du Médiator. Pour les pesticides, nous nous voyons confier plus de responsabilités sur le suivi des produits mis sur le marché, afin de permettre au gestionnaire du risque, dans ce cas le ministère de l’Agriculture, de bénéficier d’un maximum de données pour assurer sa responsabilité en matière de contrôle. Notre démarche est la même sur le sujet de l’antibiorésistance. Nous sommes dans notre rôle : évaluer et faire avancer les sujets en nous appuyant sur l’état des connaissances scientifiques.

Quels enseignements tirez-vous du dossier ogm/séralini ?
L’indépendance de l’Agence passe aussi par la diversité des sources d’information sur lesquelles elle peut s’appuyer, au-delà des données fournies par les industriels eux-mêmes. Nous sommes parfois confrontés à certaines questions insuffisamment documentées, comme l’impact à long terme des OGM, les éventuels effets combinés des produits chimiques ou encore les phénomènes de mortalité des colonies d’abeilles. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons bénéficier d’un dispositif de financement au niveau national ou européen, tel qu’il existe déjà aux États-Unis avec National Toxicology Program, qui permet de débloquer des financements publics sur des études sanitaires d’envergure et d’intérêt public. Enfin, au même titre que la production de connaissances, l’information et la communication sont au cœur de nos missions. Dire ce que l’on sait, certes, mais aussi revendiquer le fait que l’on ne sait pas tout. à nous de mobiliser des moyens si nécessaire.

(1) L’Anses, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, assure notamment l’évaluation des pesticides et des biocides et l’évaluation et la gestion du risque pour les médicaments vétérinaires. Elle est issue de la fusion en juillet 2010 de l'Afssa (Agence de sécurité sanitaire des aliments) et de l'Afsset (Agence de sécurité sanitaire au travail). Elle emploie 1 350 salariés et 800 experts externes pour un budget de 130 millions d’euros (en baisse de 1,5 %). L’expertise collective est menée par des comités d’experts spécialisés.

 

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