L’Inra au secours du peuplier noir sauvage de la Loire

7 décembre 2006 - La rédaction 
Le peuplier noir sauvage est l’essence dominante des forêts des bords de Loire. Il possède de nombreux atouts écologiques dans ces écosystèmes, mais il est menacé par l’aménagement des fleuves et par les hybridations potentielles avec les peupliers cultivés. L’Inra d’Orléans (Institut national de recherche agronomique) coordonne le programme national de conservation des ressources génétiques de cette espèce.

Pourquoi il est important de sauvegarder le peuplier noir sauvage

La vie du peuplier noir est très liée au fleuve. Il est présent en bord de Loire, qui est l’un des derniers fleuves français dont le cours majoritairement endigué peut encore évoluer au gré des crues saisonnières, des divagations latérales, des dépôts de sédiments, de la formation d’îles. La Loire transporte de juin à mi-juillet les graines des peupliers sauvages qui bordent la rive puis les dépose sur le rivage au fur et à mesure que le niveau de l’eau baisse en été. C’est dans ces conditions que les graines de peuplier noir germent, sur un sol de sédiments sableux humides mis à nu par le débordement du fleuve.

 class= Le peuplier noir, Populus nigra, est l’essence dominante des forêts alluviales, espèce longévive (jusqu’à 150 ans et plus), pionnière, exigeante en eau et en lumière. Le peuplier noir présente un système racinaire très développé, qui influe en retour sur la dynamique sédimentaire du fleuve.
Ce système racinaire complexe est aussi particulièrement efficace pour absorber les excès de nitrates et phosphates des nappes alluviales, participant ainsi à l’amélioration de la qualité des eaux.
Le peuplier noir constitue avec les autres espèces de la forêt alluviale (saules, orme, frêne…) un milieu particulièrement riche en faune (insectes, oiseaux…) et flore, du fait qu’il se situe à l’interface entre milieu aquatique et milieu cultivé.

© Inra/M. Villar
Les peupliers noirs se caractérisent par leur diversité.
Réserve Naturelle de Saint Mesmin (Loiret)

Cependant, le peuplier noir est menacé par l’aménagement des rives et également par les hybridations potentielles avec les deux principaux types de peupliers cultivés : les variétés hybrides utilisées pour la production de bois (Populus nigra x Populus deltoides, ce dernier originaire d’Amérique du Nord), et une variété ornementale, Populus nigra variété ‘Italica’ omniprésente dans les paysages ruraux et urbains. Cultivées pour des usages spécifiques, ces variétés ne possèdent pas les mêmes caractéristiques que le peuplier noir sauvage et ne peuvent le remplacer dans le maintien de l’écosystème. Pourtant, leur abondance fait craindre des croisements qui, à terme, feront disparaître les caractères propres au peuplier noir sauvage.

Si les peupliers cultivés sont volontairement homogènes, car les arbres sont reproduits à l’identique par bouturage, le peuplier sauvage est naturellement « polymorphe » : on a du mal à croire que ces individus d’architecture, de forme et couleur de feuilles différentes, de sexe différent, qui ne bourgeonnent ni ne fleurissent en même temps sont de la même espèce! Le peuplier noir est une ressource génétique à préserver car riche de potentialités (caractères de rusticité, résistance à la sécheresse ou aux maladies).

Deux stratégies de conservation complémentaires

Pour préserver le peuplier noir, des programmes de conservation ont été engagés au niveau national et européen. Les objectifs sont de conserver la variabilité actuelle et de préserver au mieux les adaptations locales. L’Inra d’Orléans, qui mène des études sur le peuplier depuis les années 70, coordonne le programme français.

D’une part, les chercheurs de l’Inra ont établi une collection de 350 peupliers noirs représentatifs de la diversité française. Cette collection « ex situ » est gérée par la pépinière forestière de l’Etat du Ministère de l’Agriculture située à Guéméné-Penfao (Loire-Atlantique). Cette collection est en cours d’évaluation par des caractères adaptatifs (surface foliaire, architecture, débourrement végétatif…).
D’autre part, pour maintenir le potentiel d’adaptation, il est essentiel de conserver des populations dans leur milieu d’origine (conservation dynamique « in situ »). Pour cela, les chercheurs de l’Inra ont établi une collaboration originale avec un réseau de 12 réserves naturelles qui acceptent de prendre en compte spécifiquement le peuplier noir dans leur gestion.

Le projet ‘POPLOIRE’

Une étude couplant inventaire, étude de diversité génétique et actions de communication concerne actuellement l’ensemble du lit mineur de la Loire. Treize sites sont particulièrement étudiés, comme la réserve naturelle de St Mesmin (en aval d’Orléans), récemment référencée ‘ISS’ (Site d’étude prioritaire) du réseau d’excellence européen Evoltree.

Ce projet Loire se situe dans un contexte national qui comprend également des travaux sur de très nombreux fleuves et rivières, sur les bassins versants du Rhin, du Rhône, de la Seine et de l’Adour. Ce programme national bénéficie de subventions de la Région Centre, des ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie et de l’Union européenne.

Laisser un commentaire

Recevoir la newsletter

Restez informé en vous abonnant gratuitement à la newsletter