Dès le 4 mars, des restrictions d’utilisation d’eau étaient annoncées dans les Deux-Sèvres. Fin juin, ces mesures concernaient 28 départements. Fin juillet, pas moins de 60 départements emboîtaient le pas. Ils étaient 68 le 11 août et 72 le 24 août. Si pour le citoyen lambda, ces restrictions signifient interdiction de remplir sa piscine ou de laver sa voiture, pour les agriculteurs, les conséquences sont plus lourdes. Car pour beaucoup, réduire l’irrigation conduit tout simplement à une chute des rendements et donc à une perte de revenus.
30 départements classés en calamités agricoles
D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes. “Sur l’ensemble de la France, une prairie sur deux présentait, au 20 août, un déficit de production d’au moins 25 % par rapport à la normale(1)”, a indiqué le Service statistiques du ministère de l’Agriculture (Scees) dans une note publiée le lundi 29 août. En Vendée, il n’est tombé que 300 mm depuis le 1er janvier, soit un déficit d’au moins 200 mm. Dans ce département, les premières visites d’experts ont débuté. Ces derniers sont formels : “les parcelles de maïs ensilage non irriguées afficheront une chute du rendement de 50 à 70 %. À cela s’ajoute la perte en herbe et la pâture d’automne qui paraît fortement compromise. Certains animaux sont déjà rentrés et puisent dans les stocks initialement prévus pour cet hiver”. Malheureusement, ce département n’est pas le seul. Selon une première estimation de la FNSEA, au moins 30 départements pourraient demander à être classés en calamités agricoles. Les régions les plus concernées : le sud du Massif Central, la région Paca (Provences-Alpes-Côtes-d’Azur), une grande partie de Midi-Pyrénées et toute la zone allant du Poitou-Charentes au sud de la Bretagne. Dans ces régions, même s’il est encore trop tôt pour évaluer avec précision les pertes sur les principales cultures touchées (tournesol, maïs, sorgho et soja), il est en revanche aisé de constater les baisses de récolte de fourrages. Face à l’ampleur des dégâts, la réunion de la Commission nationale des calamités agricoles, prévue initialement en octobre, a été avancée d’un mois et fixée au 8 septembre, afin de répondre au plus vite aux situations les plus critiques.
Divergences ministérielles
Face à une sécheresse souvent comparée à celle de 2003, l’irrigation est montrée du doigt (cf. encadré). D’ailleurs, Yann Wherling, le secrétaire national des Verts, n’a pas hésité, lors d’une visite, mi-août, dans le marais poitevin à réclamer purement et simplement “l’arrêt total et immédiat de l’irrigation des cultures”. Il estime “qu’il faudrait réorienter les aides communautaires” : ces dernières encourageant, selon lui, l’utilisation massive de l’irrigation. L’État français en a également pris pour son grade. “Chaque préfet agit dans son coin. Dès lors, des situations identiques font l’objet de mesures disparates.” Pour UFC-Que Choisir, il faudrait “instaurer une taxe antisécheresse, indexée sur la consommation d’eau et applicable au monde agricole”. Le lendemain, la FNSEA, par voie de communiqué, rappelait que “les agriculteurs font actuellement preuve de civisme dans la gestion de l’eau”. Le syndicat demande d’ailleurs au gouvernement d’engager une “politique volontariste de mobilisation des ressources en eau répondant aux besoins de l’ensemble des usagers”. Du côté des ministres, le sujet de la sécheresse est également source de divergences. Nelly Ollin, ministre de l’Écologie, estimait mi-août au micro d’Europe 1 qu’il fallait faire reculer la culture du maïs affirmant que “c’est déjà acté (…). En Poitou-Charentes, ils ont déjà diminué de 20 % leurs cultures de maïs”. Pour la ministre, il faut “faire en sorte que les économies d’eau soient au quotidien et non pas à titre exceptionnel” et qu’il convient dès à présent “d’anticiper la sécheresse car le changement climatique est là”. Sur ce point, son collègue de l’Agriculture est du même avis. En revanche, en ce qui concerne l’hypothétique recul du maïs, son discours est tout autre. Le 22 août, Dominique Bussereau a en effet affirmé que “la France a besoin de maïs. C’est un produit qui est bon dans les écosystèmes. Il y a eu des excès, sûrement, à certaines époques. Mais les agriculteurs savent aujourd’hui que l’eau est une ressource rare et la traitent comme telle”. La solution passerait donc par une meilleure gestion. Le ministre estime qu’il “faudra créer des retenues d’eau”. Depuis plusieurs années en effet, les irrigants font des propositions pour qu’un plan ambitieux de stockage d’eau en hiver soit développé et que des moyens financiers soient dégagés. Ceux qui ont franchi le pas, ont pu cet été encore irriguer leurs cultures sans craindre ni la sécheresse ni les arrêtés préfectoraux.
(1) Moyenne de la production cumulée sur les années 1982-1996 à la même date.
Quelques chiffres
• Selon l’Ifen, en 2002, seuls 19 % des précipitations (33 milliards de m3 sur 175) ont alimenté les réserves d’eau douce françaises pour satisfaire les activités humaines. 55 % sont utilisés pour refroidir les centrales thermiques et nucléaires, 19 % pour alimenter les réserves d’eau potable et 14 % pour irriguer les cultures.
• L’AGPM rappelle que seuls 5,7 % des surfaces cultivées en France sont irriguées soit 1,6 millions d’hectares, dont 880 000 hectares de maïs (1 hectares de maïs sur 4).
• Pour produire 1 kg de maïs, il faut 450 l d’eau. 1 kg de blé ou de pomme de terre nécessite 590 l d’eau.