Méthanisation : "Un plan gouvernemental ambitieux"

28 novembre 2013 - La rédaction 

Pascal Levasseur, en charge de la méthanisation à l'Ifip-Institut du porc, trouve que les objectifs du gouvernement en la matière ne pourront être atteints que par une politique financière plus incitative. Pourtant la méthanisation ne manque pas d'atouts en étant source potentielle de profit, de production d'énergie renouvelable et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
 

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“Avec l'objectif donné pour 2020, nous devrons être sur une tendance de 130 unités par an, alors que fin 2012, nous en étions à seulement 88 installations” expique Pascal Levasseur.

Que pensez-vous du plan énergie méthanisation autonomie azote, EMAA ?
Pascal Levasseur : Il est très ambitieux. Avec un objectif de 1 000 unités de méthanisation d'ici à 2020, nous devrons être sur une tendance de 130 unités par an. Alors que fin 2012, nous en étions à seulement 88 installations.
Il faudrait une incitation économique passant essentiellement par le prix d'achat de l'électricité. Les aides à l'investissement manquent de lisibilité pour l'ensemble des acteurs de la méthanisation agricole. Elles n'incitent pas à la création d'une filière de méthanisation française pourtant prônée par les Pouvoirs Publics. De plus avec la raréfaction des gisements de déchets très méthanogènes, la « stabilité des aides » promis dans le plan EMAA s'avèrera insuffisante. En Allemagne, Italie ou encore Autriche, le prix du kilowatt-heure, Kwh, est beaucoup plus élevé. Il s'élève par exemple à 27 cts € en Allemagne, alors qu'il est, dans le meilleur des cas et avec toutes les primes, de 21 cts € en France. Il y a de la marge.

Est-ce que ces unités sont rentables ?
P.L. : Dans un contexte de crise des filières animales, la méthanisation peut apparaitre comme une voie de diversification du revenu. Il a, en plus l'avantage, d'être fixe sur 15 ans. Nous avons mis à disposition sur internet un logiciel, nommé Méthasim. Il aide l'agriculteur à déterminer la rentabilité de son projet de méthanisation. Les clés de la réussite d'un projet sont ainsi bien connues. Il est nécessaire de disposer de produits très fermentescibles. Parmi les centaines d'intrants envisageables, les graisses sont les plus méthanogènes. Il faut également réduire les coûts d'investissements et valoriser le maximum de  chaleur issue du co-générateur. Cette chaleur peut constituer une recette directe mais contribue également à augmenter la prime à l'efficacité énergétique pouvant représenter jusqu'à 4 cts € par kWh électrique vendu à EDF. Le problème est qu'un atelier bovin ne consomme presque aucune chaleur, c'est à peine mieux pour un élevage porcin, sauf à devoir déshydrater du digestat. L'exploitant doit saisir toutes les opportunités comme la proximité d'un serriste qui a besoin de beaucoup de chaleur. L'unité de méthanisation peut aussi être l'occasion d'une diversification. Certains exploitants ont par exemple lancé une activité connexe de champignonnière, de production d'algues ou de séchage de fourrage. Il faut toutefois garder à l'esprit que la vente de l'électricité à EDF, dans le cas de la co-génération, représente généralement plus de 80 % des recettes.

Le bilan environnemental est-il bon ?
P.L. : Globalement oui. En l'absence de fuite, la méthanisation peut réduire de  30 % les émissions de méthane d'un élevage porcin, voire même 50 % en utilisant du lisier frais. L'atténuation est moins élevée pour les bovins car la majorité des gaz à effet de serre provient de la fermentation entérique. Le bilan sera d'autant meilleur qu'il y aura substitution de la consommation d'énergie d'origine fossile et nucléaire par l'énergie issue de l'unité de méthanisation. Quant au digestat, le bilan peut être plus nuancé du fait d'un potentiel d'émission d'ammoniac plus élevé, son coefficient équivalence engrais en azote n'est pas meilleur que du lisier de porc, il peut même être moins bon. Il y a alors des précautions à prendre au stockage et à l'épandage.

Que pensez-vous de l'utilisation de cultures énergétiques ?
P.L. : Le modèle allemand a poussé cette voie très loin  puisque l'on comptabilise pas moins de 800 000 hectares de maïs à vocation énergétique en Allemagne. La France ne veut pas d'un tel modèle. La voie actuellement privilégiée est  l'intégration de Cive. Il s'agit des cultures intermédiaires à vocation énergétiques comme la phacélie, la moutarde, l'avoine, le sorgho, etc. Mais les rendements des Cives implantés entre deux cultures principales et récoltées immatures sont peu élevés, voire aléatoires. De plus, aucune compensation financière n'est prévue dans le prix de vente du kWh électrique. Je pense que si l'on souhaite un développement ambitieux de la méthanisation agricole en France et, compte tenu de l'épuisement prévisible des gisements de déchets très fermentescibles, il faudra bien ouvrir le débat, bien trop idéologique à ce jour, des cultures énergétiques.

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