Milan 2015 : climat, demain des vignes en Suède ?

23 juin 2015 - La rédaction 
Le changement climatique va-t-il entraîner une perte du vignoble français ? Pour Hervé Quenol, directeur de recherche en agro-climatologie, il faudra plutôt observer les variations des climats locaux pour proposer des solutions adaptées aux agriculteurs.

Sachant qu'une augmentation moyenne de 1 °C conduit à une « migration » des cultures de 100 kilomètres vers le Nord, verra-t-on demain des vignes en Suède ? Voilà la question à laquelle Hervé Quenol, directeur de recherche au CNRS, avait la lourde tâche de répondre pour cette huitième conférence des Mercredis du Pavillon France, à l'exposition universelle de Milan.

Variation et variabilité

Pour bien comprendre ce que représente le changement climatique, il faut tout d'abord faire la distinction entre variation et variabilité de température. Par exemple, sur une période de 1948 à nos jours, on observe une variabilité du climat d'une année sur l'autre, certaines années étant plus froides que d'autres. En revanche, si l'on agrège l'ensemble des courbes de température sur cette période, on constate globalement une variation de la température, qui tend à augmenter.

Phénomènes extrêmes plus fréquents

A l'échelle de la planète, on observe sur la courbe de variation de la température ce que l'on nomme une « rupture statistique ». Cette dernière a lieu vers la fin des années 1980 et correspond à une variation plus intense de la température. C'est d'ailleurs ce que met en avant le dernier rapport du GIEC, qui insiste également sur la fréquence plus élevée de phénomènes extrêmes comme les fortes pluies ou les sécheresses.

Des modifications locales impactent les microclimats

La vigne est un marqueur du climat depuis le Moyen-âge, à l'image d'une calotte glacière, elle nous en dit beaucoup sur le climat passé mais aussi à venir. Cette culture est en effet un excellent indicateur, car elle est pérenne et ses différents stades de développement sont corrélés avec des indices bioclimatiques généralement basés sur une somme des températures. Il est donc simple d'observer la variation de ces indices d'année en année et leurs impacts sur la croissance de la vigne.

Microclimats et… lignes de TGV

Les premiers travaux d'Hervé Quenol portaient sur l'impact de l'installation d'une ligne de TGV sur les vignobles de champagne qu'elle traversait. Il a montré que les remblais créés par l'installation de la ligne de train entraînaient une accumulation d'air froid accentuant fortement les risques de gel pour les cultures. Des différences de moins quatre à moins cinq degrés étaient observés par rapport à un secteur éloigné ne comprenant pas d'obstacles. Ainsi, des modifications locales peuvent entraîner des microclimats ayant de fortes conséquences sur la qualité des vins.

Proposer des solutions adaptées aux environnements locaux

Il est vrai que les modèles théoriques prévoient un déplacement des vignobles vers les pôles d'environ 100 km pour une augmentation d'un degré de la température. Hervé Quenol préconise toutefois d'observer les variations de microclimats, à un niveau très local, afin de proposer aux producteurs de réelles solutions d'adaptations. « Les vignerons ont une marge de manœuvre pour travailleur leurs vignes différemment selon les climats, on est loin de ne plus avoir de vignobles en Bourgogne ou dans le Bordelais », insiste-t-il. 
 
L'observation des microclimats permettra de proposer aux agriculteurs des solutions progressives plutôt que brutales, en modifiant les techniques de travail ou en trouvant des cépages adaptés. Il met également en avant certaines adaptations plus controversées, des pays travaillant en effet à développer des OGM qui ne seraient pas sensibles à la sécheresse ou à d'autres évènements climatiques.
 
En guise de conclusion, Hervé Quenol rappelle que les acteurs de la filière viti-vinicole ont aujourd'hui pris conscience de l'importante émission de gaz à effets de serres de leur activité, et beaucoup travaillent à la réduire. Il ne s'agit pas seulement de s'adapter au changement climatique, il faut également contribuer à le limiter.

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