L'irrigation est un phénomène plus large qu'une simple technique d'apport d'eau. Elle pose des questions d'aménagement de l'espace, de structuration des sociétés, ou encore de gouvernance. Avec un fort développement depuis la seconde guerre mondiale, dans un contexte de réchauffement climatique, la technique d'irrigation pose actuellement des questions environnementales et sociales. Le point avec Thierry Ruf, géographe et directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement, IRD.
L'irrigation existe depuis longtemps. Elle remonte à l'époque gauloise pour la France. « Les gens se sont traditionnellement organisés pour trouver l'eau, la transporter puis la valoriser par des productions agricoles de qualité », explique Thierry Ruf. L'irrigation entraînait ainsi des formes de coopérations sociales au niveau local, avec l'objectif de partager les bénéfices.
Un fort développement dans l'après-guerre
Pour assurer une alimentation en quantité et en qualité, à bas prix, le contexte de l'après-guerre a favorisé le développement de l'irrigation, avec la construction de barrage. Aujourd'hui 250 millions d'hectares de surfaces agricoles sont irriguées, contre 100 Mha avant 1950.
Le système connait actuellement des limites. « Au lieu de rester une pratique collective, c'est devenu une pratique individuelle avec la gestion privée », poursuit Thierry Ruf. Une situation qui n'est pas spécifique aux pays du sud. « Aux Etats-Unis par exemple, des tensions existent aussi », indique le chercheur.
La gestion par le droit commun
Il cite trois types de gestion de l'irrigation. Le système étatique, avec des décisions centralisées et une redistribution dans les territoires. Le modèle privatisé, à l'instar du Chili. « Les communautés paysannes ont parfois été balayées », ajoute Thierry Ruf. Enfin, le système du droit commun, vers lequel nous nous orientons selon le géographe, où des institutions représentent les intérêts locaux. « Il nécessite un équilibre état-privé et territoire, avec des accords passés entre ces trois niveaux, et des visions communes. »
Le coût énergétique, qui va augmenter d'ici à 2050, pourrait par ailleurs être une aubaine pour rassembler les acteurs.