« Pourquoi avons-nous besoin des abeilles ? » Telle était la question posée à Michel Aubert et Axel Decourtye à l'occasion d'une conférence des Mercredis du Pavillon France, à l'exposition universelle de Milan. Il s'agit dans un premier temps de distinguer les abeilles domestiques, celles élevées par l'apiculteur pour produire le miel et représentées principalement par une espèce (Apis mellifera), des
abeilles sauvages, qui comptent plus de 1 000 espèces avec chacune des caractéristiques morphologiques et physiologiques propres. Si de grandes différences existent entres les deux, toutes participent à la pollinisation sans laquelle 75 à 80% des plantes ne pourraient pas produire de fruits, ni de graines. Une étude sur plus de 600 exploitations dans le monde a montré que plus il y a d'individus sauvages et d'espèces différentes, plus la pollinisation par les abeilles domestiques sera efficace. En matière de préservation des abeilles, Il faut donc considérer avec le même intérêt les sauvages et domestiques.
Les bénéfices apportés par la pollinisation sont estimés à plus de 150 milliards d'euros par an, un tiers de notre alimentation dépendant directement de ce phénomène. Cela explique l'importance de la controverse liée à la disparition des abeilles.
Apporter des solutions concrètes aux agriculteurs
Des expérimentations ont mis en avant une nette différence sur la probabilité de retour à la ruche entre les abeilles exposées aux
pesticides et celles non exposées. Des études en cours étudient également l'impact de la diminution du nombre de butineuses sur l'efficacité de la ruche. D'un autre côté, les effets des pesticides sur l'abeille sauvage ne sont pas étudiés avant la mise sur le marché des produits. Certains travaux scientifiques montrent toutefois des effets flagrants de certains pesticides autorisés sur les populations sauvages. Plusieurs indicateurs sont donc à prendre en compte pour juger de la fiabilité des
produits phytosanitaires, et pas uniquement l'impact sur le nombre d'abeilles domestiques comme cela est fait aujourd'hui.
Selon Axel Decourtye, pour sortir de ces controverses, toutes centrées sur la recherche d'une cause à la disparition des abeilles, l'effort des scientifiques doit se concentrer sur des propositions de solutions et d'alternatives fiables pour les producteurs. Selon lui, il faut aujourd'hui repenser nos systèmes de cultures. Il estime alors que la lutte pour la préservation des abeilles rejoint les principes de l'agroécologie.
Les abeilles en ville comme outil de sensibilisation
Interrogé par la salle sur l'utilité des ruches en milieu urbain, Michel Aubert rappelle que, là comme ailleurs, il faut que les populations sauvages et domestiques soient équilibrées. Car certaines abeilles sauvages apportent de nombreux services éco systémiques en ville. Des mesures simples peuvent d'ailleurs être mises en place pour favoriser ces espèces dans les parcs. Les abeilles domestiques en ville ne suffiront toutefois pas à ré-impulser une dynamique dans la production de miel française. Rappelons que 60% du miel consommé en France est aujourd'hui importé. Les butineuses urbaines peuvent cependant jouer un rôle de sensibilisation auprès des citoyens des villes aux enjeux de la préservation des abeilles et des milieux naturels en général.
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