Milan 2015 : Relocaliser l’agriculture à proximité des villes

4 juin 2015 - La rédaction 
Nicolas Bricas, socio-économiste, nous invité à réfléchir à la distance qui existe aujourd'hui entre les consommateurs urbains et les systèmes de production alimentaire. Jugeant que les villes pourront être des acteurs à part entière dans la construction de nouveaux systèmes alimentaires, il insiste également sur les dangers d'une relocalisation mal maîtrisée.

Est-il possible de relocaliser les productions agricoles à proximité des villes pour répondre aux besoins des urbains ? Quels en seraient les avantages et inconvénients ? C'est à ces questions que répond Nicolas Bricas, socio-économiste de l'alimentation au Cirad, à l'occasion de la cinquième conférence des Mercredis des Pavillons de France, à Milan. 
 
Nicolas Bricas nous invite tout d'abord à replonger dans l'histoire de nos villes. Si l'on y regarde de près, les grandes villes du monde ont souvent réussi à croître grâce aux approvisionnements et à l'alimentation à distance et ne se sont que très peu intéressées aux  questions agricole. Pourquoi observe-t-on aujourd'hui un nouvel intérêt des villes pour ces questions ?  
 
Rompre avec la distance
Selon le chercheur, cet intérêt vient d'une volonté des villes de rompre avec la distance qu'elles connaissent aujourd'hui par rapport au système alimentaire. La première distance est générationnelle, en effet la filiation des urbains avec le monde rural est aujourd'hui perdue, les urbains étant souvent descendants d'urbains. On observe également une distanciation sociale, c'est-à-dire une érosion des règles sociales gouvernant nos comportements alimentaires, comme le fait de se mettre à table en groupe et à heures fixes . Enfin, on assiste également à une distanciation politique. Ne maitrisant pas ce qu'il se passe dans l'agriculture ou l'industrie, le consommateur se retrouve avec un faible poids politique pour exprimer ses revendications dans ses actes de consommation. Maîtriser la production agricole afin de rompre avec la distance anxiogène qui les séparent du système alimentaire devient alors une nécessité pour les urbains.  

Les villes, véritables acteurs du renouveau du système alimentaire

On observe qu'en parallèle des activités de l'État ou de l'Europe, un acteur se saisit de plus en plus de la question alimentaire : les villes. Celles-ci ont plusieurs leviers d'action à disposition leur permettant de rompre cette distance entre les citoyens et le système alimentaire. Le premier est celui du foncier : les villes peuvent gérer les terres et décider, au travers des schémas de cohérence territoriaux, de mettre en place des travées vertes dans les villes par exemple. Ce sont également les villes qui gèrent la restauration collective, qui peut être un outil de sensibilisation et un véritable moyen d'incitation au changement de système alimentaire, en décidant par exemple d'approvisionner la restauration collective uniquement en produits bio. La politique urbanistique permet également d'opérer une transition vers de nouveaux modèles alimentaires, en choisissant le lieu d'implantation des commerces ou l'aménagement de places pour permettre aux agriculteurs de vendre leurs produits.
 
Les dangers d'une relocalisation mal maîtrisée 
Beaucoup s'imaginent qu'une relocalisation des productions agricoles s'accompagnera d'une réduction des transports et diminuera de fait notre impact environnemental. Nicolas Bricas met en garde contre ces raccourcis, le transport n'est pas le poste dépense énergétique le plus élevé dans l'alimentation, si on installe des serres chauffées à proximité des villes, on fera exploser les coûts énergétiques en réduisant à peine ceux liés au transport. Il note également que dans notre alimentation, la moitié du coût de transport est lié au déplacement des ménages pour aller s'approvisionner. La relocalisation alimentaire devra alors s'accompagner d'une reconfiguration du système de distribution. En effet, si relocaliser la production agricole devient synonyme d'une multiplication des déplacements pour aller chercher nos aliments chez chacun des producteurs, l'impact environnemental de notre alimentation ne sera pas forcément réduit. 

Générique réalisé par Alimentation Générale

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