Mobilisation générale pour gérer l’azote

3 février 2006 - La rédaction 
“La pollution agricole est un problème de société. Si les citoyens veulent une agriculture non utilisatrice de pesticide et d'engrais de synthèse, personnellement, je ne vois pas de problème, témoigne Vincent Rambach, agriculteur au Sud d’Auxerre. Il faut en revanche que nous soyons capables d'expliquer les contraintes auxquelles nous allons devoir faire face et l'inévitable augmentation de coût qui en résultera. L'association de la plaine du Saulce est un bon exemple : après une période de méfiance et de confrontation, c'est devenu un lieu de dialogue, d'ouverture et de transparence. Les citoyens et les responsables d'organisations écologiques sont maintenant parfaitement au courant des contraintes et des pratiques des agriculteurs. Les responsabilités sont aujourd'hui partagées.”

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“J’ai diminué les doses totales d’engrais et je fractionne davantage”, explique Vincent Rambach

Que recherchez-vous sur votre exploitation ? Quels sont vos objectifs ?
Je recherche l’optimum économique ! Lorsque le potentiel de la culture est affecté (calamités climatiques…), j’essaie de diminuer les charges opérationnelles : cela passe par le raisonnement de toutes les interventions…à commencer par la fertilisation. De plus, je me laisse la souplesse de faire évoluer le choix des pesticides.

Depuis que vous êtes installé, comment a évolué la fertilisation azotée sur vos cultures ?
J’ai diminué les doses totales d’engrais et je fractionne davantage. La date du premier apport a été reculée d’une quinzaine de jours, sur début février plutôt que fin janvier. Malgré tout, je ne peux pas trop la reculer non plus car mes sols sont des argilo-calcaires très superficiels. Et l’azote apporté sous forme d’N 390 doit être minéralisé avant son assimilation par la plante.

Pourriez-vous nous décrire plus précisément comment vous fertilisez chaque culture (dose, date, forme…) ?
Pour les doses, j’utilise la méthode des bilans et le logiciel de fertilisation mis en place par les techniciens de l’association de la plaine du Saulce. Mais également Jubil pour le blé (méthode de pilotage de la fertilisation azotée), la Réglette CETIOM pour le colza. Bien sûr, je fractionne mes doses, même si cela prend beaucoup de temps ! Je suis convaincu que l’idéal serait de faire du”biberonnage”. Mes doses moyennes sur colza et blé sont comprises entre180 et 200 unités. Concernant la préconisation Jubil pour le dernier apport, si je trouve la dose trop élevée, je la diminue. Ma motivation n’est pas uniquement environnementale mais également économique. Nos terres sont très sensibles au “coup de sec”, et même avec la modélisation, on ne peut pas éliminer les risques climatique et hydrique ! L’azote sous forme liquide est moins cher à l’achat et l’épandage est plus précis, mais son stockage et son transport sont plus chers, puisqu’il faut un bac de rétention (même s’il est subventionné à 50 % par l’association la Plaine du Saulce) et puis il y a des pertes par volatilisation… Mon choix va certainement se reporter sur l’ammonitrate : semoir DPA fiable, moins de contrainte de stockage et de transport (benne élévatrice), meilleure efficience.

Concernant les autres moyens de gestion de l’azote, implantez- vous des cultures intermédiaires pièges à nitrates et utilisez-vous de l’engrais organique ?
Pas d’apport organique en raison d’un taux de matière organique dans mes sols avoisinant les 5,5 % et, surtout, l’absence d’animaux sur l’exploitation ! Des écumes de brasserie et de la vinasse, c’est excellent, mais cher ! Bien sûr, j’implante des cultures intermédiaires: je mets de la moutarde (bien… mais c’est une crucifère avec son cortège de ravageurs), de l’avoine, de l’orge, du radis (cher, mais excellent d’un point de vue agronomique), de la phacélie, du seigle (bien, mais s’il ne lève pas à l’automne, on le retrouve dans l’orge de printemps). De tous, la phacélie semble la mieux adaptée.

Pouvez-vous préciser dans quel environnement vous travaillez (nappe d’eau ou cours d’eau, état de pollution, contribution de l’agriculture et de l’exploitation ?
Tout mon parcellaire est sur la zone de captage. La réserve utile est très faible ici, les sols sont très lessivables. Nous n’avons donc pas de parcelles en culture près des cours d’eau où nous pratiquons le gel fixe.

En restant attentif aux risques environnementaux, avez-vous amélioré le revenu de votre exploitation ?
Pas forcément, mais je suis à fond pour l’environnement et puis, il vaut mieux anticiper les contraintes… Après les nitrates, il y en aura sûrement concernant les pesticides ! J’estime parfois avoir pris des risques et pénalisé le rendement de mes cultures par un apport en azote plus faible.

Disposez-vous d’un moyen d’évaluation de vos efforts vis-à-vis d’une agriculture respectueuse de l’environnement ? Communiquez-vous sur votre démarche?
C’est pour cela que j’ai adhéré à l’association de la plaine du Saulce. Outre l’analyse, l’expérimentation et le suivi technique, c’est une très bonne manière de communiquer.

La Bourgogne est l’une des 7 régions expérimentales qui bénéficie de la mesure agro-environnementale “rotationnelle”. Cette mesure vise à encourager les exploitants agricoles à diversifier les cultures dans leur assolement. Pensez-vous qu’une telle mesure puisse avoir des conséquences favorables pour limiter les pollutions azotées ? Avez-vous souscrit à une telle mesure ?
L’allongement des rotations est le meilleur moyen pour limiter l’impact de l’agriculture intensive sur l’environnement. Mais je n’ai pas souscrit à cette mesure, que j’estime être une “mesurette”, nouvelle source de tracasserie administrative. Je suis d’ailleurs pessimiste concernant l’évolution de la lourdeur administrative de notre activité.

En tant qu’exploitant, que diriez-vous qu’il faut éviter avant tout ?
Transgresser les règlements concernant l’épandage des fertilisants qui, très souvent, sont des règles de bon sens. Toute activité humaine engendre de la pollution (agriculture, transport aérien, voiture…).L’important aujourd’hui n’est plus de désigner un responsable mais bien de savoir comment les citoyens peuvent agir pour limiter l’impact d’un problème sur l’environnement.

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