« L’alimentation bio réduit de 25 % les risques de cancer » (Le Monde). « Manger bio réduit bien le risque de cancer » (le Point). « Manger bio réduit de 25 % les risques de cancer » (BFM TV). Les titres de plusieurs médias sont affirmatifs, ce 23 octobre 2018, suite à la parution d’une étude menée par la chercheuse Julia Baudry dans la revue JAMA (1). Cette étude est le fruit d’un travail de longue haleine mené de 2009-2016, avec un suivi de 70 000 consommateurs volontaires.
Une causalité à préciser
Cet échantillon a été divisé en catégories, en fonction de la quantité de produits bio dans l’alimentation : de « gros consommateurs » (50 % et plus d’aliments labélisés), à consommateurs « occasionnels », voire « non-consommateurs ». Les 1340 cancers « apparus » sur les sept années de suivi ont été répartis, pour ce résultat : 25 % des cas en moins pour le groupe le plus consommateur de bio par rapport au groupe le moins consommateur.
Les résultats restent intéressants, mais à confirmer, et il convient d’être beaucoup plus prudents que certains médias face à ces résultats. Et surtout faire un lien avec les pesticides est encore moins prudent.
— Eugène (@Matadon_) 23 octobre 2018
L’ampleur de l’échantillon et la nature des résultats incitent à conclure à une causalité : « davantage de bio dans l’assiette, moins de cancer. » Du point de vue scientifique toutefois, une seule étude épidémiologique ne peut apporter la preuve « définitive » d’une telle causalité. Dans l’article du Monde, l’une des co-auteures de l’étude, Emmanuelle Kesse-Guyot, reconnait ainsi que « d’autres études doivent être menées pour préciser le lien de cause à effet. »
Un lien entre alimentation bio et cancer « encore incertain »
C’est aussi ce que conclut… le support scientifique dans lequel est publié l’étude, JAMA, dans un autre article publié le même jour, et peu repris dans la presse. Son titre pourrait être traduit ainsi : « Les aliments biologiques pour la prévention du cancer : est-ce rentable/valable ? » Les auteurs y évoquent, concernant l’étude de Julia Baudry et Emmanuelle Kesse-Guyot, un travail conséquent mais présentant des défauts méthodologiques (« significant weaknesses »). Et concluent à un lien entre consommation de produits bios et cancer encore incertain (« still unclear », « still uncertain »), rappelant par exemple qu’une étude publiée dans Nature en 2014 conclut que la consommation d’aliments biologiques est liée… à une légère augmentation du risque de cancer du sein. Dans un cas comme dans l’autre, l’approche scientifique nécessite que les conclusions fassent l’objet d’analyses approfondies.
Bref, en conclusion l’étude est vraiment intéressante. La solidité est a minima assez raisonnable, même si elle repose sur une analyse statistique qui sans être fausse me semble un peu casse gueule.
— David Louapre (@dlouapre) 23 octobre 2018
Parmi les points à éclaircir, est notamment pointé le fait que les volontaires suivis auto-évaluent leur consommation de bio, exercice « notoirement difficile » et sujet à différents biais comportementaux. La matière première de l’étude est donc à prendre avec des pincettes. Pour JAMA, le travail effectué est une base intéressante qui doit permettre d’aller plus loin sur cette thématique à l’avenir : « Si de futures études apportent des preuves plus solides de la consommation d’aliments biologiques pour la prévention du cancer, il sera crucial de prendre des mesures pour réduire les coûts et assurer un accès équitable aux produits biologiques. »
La consommation de fruits et légumes, même conventionnels, reste à encourager
En attendant, l’article de JAMA insiste sur le fait qu’il existe des « preuves convaincantes » que d’autres facteurs peuvent réduire le risque de cancer, tels que le poids corporel, l’activité physique et la qualité de l’alimentation. Et de conclure que « les préoccupations liées aux pesticides ne doivent pas décourager la consommation de fruits et légumes », qu’ils soient bio ou conventionnels, car ceux-ci entrent précisément dans le cadre d’une alimentation saine.
1) Journal of the American Medical Association (JAMA)
Surtout, la manière dont a été construite cette étude ne permet pas de tirer des conclusions de cause à effet.
Si l’on regarde les caractéristiques du premier quartile (gros consommateurs de bio) et du dernier quartile, les caractéristiques des populations sont très différentes, notamment les catégories socio-professionnelles et niveaux d’étude, deux critères qui on le sait ont en eux-mêmes une très grosse influence sur la santé et la longévité.
C’est pour cela que la plupatrt des scientifiques, et les journalistes anglo-saxons, ont regardé cette étude avec beaucoup de circonspection. Malheureusement les journalistes français ont comme d’habitude foncé tête baissée sur les conclusions, sans regarder le contenu de l’étude elle-même…
Surtout, la manière dont a été construite cette étude ne permet pas de tirer des conclusions de cause à effet.
Si l’on regarde les caractéristiques du premier quartile (gros consommateurs de bio) et du dernier quartile, les caractéristiques des populations sont très différentes, notamment les catégories socio-professionnelles et niveaux d’étude, deux critères qui on le sait ont en eux-mêmes une très grosse influence sur la santé et la longévité.
C’est pour cela que la plupatrt des scientifiques, et les journalistes anglo-saxons, ont regardé cette étude avec beaucoup de circonspection. Malheureusement les journalistes français ont comme d’habitude foncé tête baissée sur les conclusions, sans regarder le contenu de l’étude elle-même…