Optimiser l’outil de production en faveur de l’environnement et du bien-être animal

20 février 2006 - La rédaction 
En visant la qualification de son exploitation, Thierry Lambert s’est fixé des axes d’amélioration. Année après année, investissement après investissement, le pari a été remporté. Mais ces avancées ne constituent pas une fin en soi. Aujourd’hui encore, il cherche à progresser.

“Depuis notre installation en 1989, avec mon épouse, nous avons sans cesse cherché à orienter nos pratiques vers une meilleure protection de l’environnement.” Les bâtiments, les techniques culturales, le suivi des animaux, l’aménagement du cadre de vie… tout a été repensé pour aller dans ce sens. Il faut reconnaître qu’en quinze ans, les investissements ont été conséquents.

Mais dans une telle démarche, il ne faut surtout pas rechercher systématiquement un retour sur investissements. “Du moins ce n’est pas toujours possible, constate-t-il. Et puis, certains changements sont indispensables pour « rester dans la course », tout simplement.” Évoluer, anticiper les réglementations, faire bouger les choses, font partie de l’état d’esprit des époux Lambert. “Les responsabilités syndicales de ma femme aidant, notre vocation est aussi de montrer l’exemple, d’aller de l’avant”, confie-t-il. Les solutions n’existent pas toujours.

Comme pour la gestion des déchets par exemple où il manque encore des filières de recyclage pour les ficelles et les big-bags. Mais pour lui, “c’est intéressant et motivant de chercher, de se renseigner, de se confronter à des avis extérieurs. Cela permet de progresser et d’apprendre”.

 Anticiper pour mieux se préparer

 C’est ainsi que dès 1993, Thierry et Christiane Lambert ont décidé d’élever toutes leurs truies gestantes en liberté, sur paille : anticipant ainsi l’une des normes de la directive bien-être qui ne deviendra obligatoire qu’en 2013. En 1993 également, avec la création d’une fumière couverte et l’extension de la capacité de stockage du lisier à 8 mois, ils anticipent la directive Nitrates. Les années suivantes, les initiatives se multiplient. En 1995, la fumière s’agrandit encore (elle passe d’une capacité de 4 à 6 mois) : le coût des travaux avoisine alors 7600 euros. En 1996, l’extension du stockage des céréales s’opère : tous les aliments autoconsommés peuvent ainsi être mis à l’abri sur l’exploitation, assurant pour ce poste une traçabilité totale. En 1998, un nouveau pas est franchi avec l’adhésion à Farre et à la charte qualité du groupement porc Arca. “Une façon pour nous de répondre à la crise et de décrocher aussi une plus-value sur le kilo de porc vendu”, explique Thierry Lambert. La plus-value pouvait grimper jusqu’à 5,33 cts d’euros/kilo ! Celle-ci était en partie due aux pratiques mises en place (alimentation, hygiène) et aussi, à la création d’un quai d’embarquement, destiné à l’expédition, équipé d’un brumisateur. Ce système d’un coût de 4 600 euros permet, lors de la préparation pour l’abattoir d’avoir des animaux calmes et reposés : la viande est alors plus tendre, de meilleure qualité. “Pour obtenir la qualification agriculture raisonnée, il a également fallu mettre en place les fiches truies, inexistantes jusqu’alors, ajoute-t-il. C’est avec l’aide de Dominique Bellanger, du Comité régional porcin (CRP) que nous les avons bâties” (cf. encadré ci-dessous).

 Les investissements s’enchaînent

 En parallèle et pas à pas, les objectifs de Thierry Lambert étaient aussi de continuer à réduire les doses de produits phytosanitaires – surtout au bord des cours d’eau – de couvrir tous les sols en hiver afin de limiter le lessivage, d’optimiser les apports d’azote, de supprimer les apports de lisier sur blé à l’automne (pour cela, une fosse supplémentaire de 1 000 m3 est créée pour un coût de 47 000 euros), de poursuivre la plantation et l’entretien des haies (2 km en deux ans)… “De ce fait, quand en 2001, notre commune est classée en Zac (Zone d’action complémentaire), la plupart des obligations étaient déjà d’actualité à l’EARL de la Petite Lande, poursuit Thierry Lambert. Nous avions par exemple déjà réduit le calendrier d’épandage et après les blés, tous nos sols étaient couverts en hiver. Mais très vite, nous avons souhaité officialiser ces bonnes pratiques agricoles. Pour cela, nous visions la qualification agriculture raisonnée de l’exploitation”. Ce fut chose faite en avril 2004. Mais pour y parvenir, de nouveaux investissements ont été réalisés : 160 euros pour la mise en rétention de la cuve à fioul, 150 euros pour l’aménagement d’un local phytosanitaire, 250 euros pour la mise en place d’une cuve de remplissage mobile pour le pulvérisateur…

Presque deux ans après la qualification, il est désormais possible de calculer, pour certains postes, les avantages économiques de tels investissements. Les plus importantes se chiffrent en unités d’azote. Les analyses de sol, systématiques depuis 1990, la méthode du bilan, les analyses de jus de base de tige ont permis au fil des années d’ajuster, et de réduire les apports. Et puis, fumier et lisier ont progressivement remplacé les engrais chimiques. “La production annuelle de 2 200 m3 de lisier couvrant largement nos besoins, 25 à 30 % des quantités produites partent même chez nos voisins par contrat, explique-t-il. La fosse, d’une capacité de stockage de 11 mois, nous permet ainsi d’épandre le lisier au printemps sur les blés ce qui nous fait diviser par trois les quantités apportées sur ces cultures.” Le maïs quant à lui ne reçoit qu’un engrais starter au moment du semis (50 kg/ha en engrais chimique) : tous les autres besoins étant couverts par les apports de lisier et de fumier. De son côté, la culture du colza diester permet non seulement d’éviter de laisser le sol nu en hiver mais conduit aussi à valoriser une partie du lisier.

À l’EARL de la Petite Lande, la famille Lambert fourmille d’idées. Dans les années à venir, Thierry espère pouvoir récupérer les eaux de pluie pour nettoyer les différents bâtiments. Une initiative qui, à n’en pas douter, générera de nouvelles économies.

Dans l’avenir, il pense également à installer une chaudière bois pour chauffer les bâtiments les plus gourmands en énergie : cela permettrait en même temps de valoriser les haies déjà plantées depuis quelques années.

Marie-Claire Thomas, animatrice à la FRSEA des Pays de la Loire et à l’association Farre

 Se former pour détecter les points de progrès

 “Depuis près de deux ans, la FRSEA, l’association Farre, les coopératives et la Chambre régionale d’agriculture se sont associées pour mettre en place une stratégie commune d’accompagnement au niveau régional pour appréhender, d’une façon dynamique, le référentiel agriculture raisonnée. Nous avons ainsi bâti des formations type, édité des supports de communication et créé une boîte à outils composée de fiches sur des thèmes aussi variés que la technique, la réglementation…

En deux ans, 709 agriculteurs ont reçu une formation : Thierry Lambert fut l’un des premiers. Au cours de ces deux journées de formation, chaque agriculteur réalise un autodiagnostic de son exploitation, afin de se situer dans le référentiel. S’il est proche du « zéro faute », il peut demander à être audité, en vue d’une éventuelle qualification. Il est important de se rendre à ce genre de formations car cela permet de faire le point. Chaque session regroupe en moyenne une dizaine d’agriculteurs. Les échanges sont donc possibles et souvent, très riches d’enseignements. Et puis, au-delà de l’autodiagnostic, les animateurs sont aussi là pour prodiguer des conseils techniques. Les agriculteurs peuvent ainsi repartir avec les fiches de la boîte à outils. Cela leur permet souvent de prendre conscience qu’ils remplissent déjà l’essentiel des exigences du référentiel. Fin décembre 2005, 53 exploitations des Pays de la Loire étaient qualifiées (pour un total de 1149 au niveau national).40 autres exploitations sont en passe de l’être. Beaucoup d’agriculteurs nous avouent hésiter à franchir le pas pour une question de coût. L’audit coûte entre 850 et 1250 euros pour cinq ans, selon la taille de l’exploitation. Mais à cela, il faut ajouter le coût de la mise en conformité qui peut, dans certaines situations (création d’un local phytosanitaire par exemple) être très élevé. Mais aujourd’hui, les motivations changent. Certains reconnaissent que respecter le référentiel, c’est une façon de se préparer à la conditionnalité. Pour d’autres, qui travaillent surtout en circuit court, voire en vente directe, c’est une façon de chercher à donner une plus-value à leurs produits.”

Dominique Bellanger, responsable de la filière porcine pour les Pays de la Loire au sein du Comité régional porcin (CRP)

 La fiche truie, une solution pour améliorer la conduite des élevages

 “Au sein du CRP, nous travaillons sur les démarches qualité depuis 1998 au travers du dossier VPF (Viande de porc française). Les registres d’élevage s’étendaient des porcelets sevrés jusqu’à l’abattage mais il est vrai que le suivi n’englobait pas les truies. Quand Thierry Lambert s’est tourné vers nous pour avoir des précisions sur les données à inclure dans les fiches truies, c’est ensemble que nous les avons bâties.

Cela s’est fait au final très rapidement car nous avions déjà l’expérience du suivi des animaux. Toutes les données liées à une truie sont ainsi répertoriées, jour après jour, qu’il s’agisse des conditions de mise bas, de la vigueur des porcelets, des performances à la naissance, des traitements vétérinaires reçus… Cela permet non seulement d’accroître la sécurité alimentaire en repérant immédiatement un éventuel problème (une seringue qui casse dans la peau d’une truie – cas rare mais existant !) mais aussi de se préparer aux futures exigences du paquet hygiène. Car beaucoup d’actions, aujourd’hui basées sur le volontariat, deviendront demain, les fondements de la réglementation. Sans compter que tous ces enregistrements permettent un gain de temps dans les bilans de fin d’année.

Un meilleur suivi des lots permet de dresser des résultats technico-économiques pour chacun d’entre eux et donc, au final, d’aller plus loin dans les conseils de conduites d’élevage (alimentation…).”

 

 Mon rôle : alerter sur la rigueur des organismes certificateurs

 “Les producteurs de porcs sont en général très rigoureux. Pour eux, l’enregistrement des suivis d’élevage ne pose pas de problème : il est d’ailleurs souvent exigé dans les chartes de qualité. Ce qui est plus délicat en revanche, c’est de leur faire appliquer cette rigueur aux autres postes de l’exploitation, aux cultures notamment. L’un de mes objectifs est ainsi de les alerter sur la rigueur des organismes certificateurs. Il est par exemple indispensable de posséder, dans un même classeur, toutes les « preuves » d’achats, de traitements phytosanitaires ou vétérinaires… Le classement des archives est primordial. Les agriculteurs qui ont pris l’habitude de le faire ne retournent plus en arrière. C’est un gain de temps et de pertinence dans la compréhension des interventions.”

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