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Le lendemain, soit le 8 mars, Serge Lepeltier, ministre de l’Écologie, présentait la loi sur l’eau en Conseil des ministres. Date qui tombait à pic pour rallier les avis en faveur du projet législatif, qui mise sur les actions collectives. “Cette loi doit privilégier la prévention et inciter à la mobilisation concertée de l’ensemble des acteurs”, a rappelé Claude Truchot, du service de l’eau du ministère de l’Écologie lors du colloque “Eau et agriculture durable” organisé le 1er mars 2005 au Sima, le salon du machinisme agricole. “Trois départements sur quatre déclarent actuellement une situation de sécheresse chaque année : il y a des efforts à faire”, a-t-il insisté. Dominique Bussereau, ministre de l’Agriculture et Serge Lepeltier ont prévenu que l’application de mesures de limitation des prélèvements devrait se faire dès le printemps dans certaines régions. Ils ont lancé un appel commun aux usagers de l’eau, notamment aux agriculteurs, “sur la nécessité d’une gestion économe des ressources en eau”.
Les bonnes pratiques agricoles et l’eau
Le ministre de l’Agriculture, Dominique Bussereau, a rappelé lors de la conférence “Eau et agriculture durable” organisé le 1er mars 2005 au Sima, le Salon du machinisme agricole, que “la moitié des produits phytosanitaires n’atteint pas la plante”. Aussi, recommande-t-il de “systématiser les outils de pilotage”, très présents sur le stand des bonnes pratiques au Sima. Du côté des pollutions, l’Institut technique Arvalis présentait quatre logiciels : Aquasite, pour le diagnostic des risques de pollutions ponctuelles par les phytosanitaires sur l’exploitation, Aquaplaine, à l’échelle de la parcelle, Aquavallée pour le bassin versant, et Aqualea, pour les risques de pollutions diffuses par le nitrate. Pour la gestion des ressources en eau, l’Inra mettait en avant le logiciel Moderato qui simule la conduite de l’irrigation de maïs grain, ainsi qu’Adeaumis qui permet de prévoir la quantité d’eau prélevée pour l’irrigation sur un bassin versant.
Mieux canalisée
Qu’en est-il des actions sur le terrain ? Il semble que les professionnels aient pris conscience depuis quelques années des efforts à fournir, à l’image des initiatives sur le bassin Adour-Garonne. Sur cette zone, le facteur économique suffit à inciter l’exploitant à raisonner ses prélèvements d’eau. “L’irrigation représente, dans le Sud-Ouest, entre 20 et 25 % du coût de production des principales cultures irriguées”, explique Jean-Marc Deumier d’Arvalis. En Haute-Garonne, les 1 000 exploitants-irrigants reçoivent toutes les semaines des “avertissements irrigation” où paraissent la consommation en eau des plantes la semaine précédente, des conseils d’irrigation, l’actualité sur l’eau, ainsi que des données météo. Ces fiches sont alimentées par dix stations météorologiques ainsi que par vingt parcelles de référence pilotées avec les outils de raisonnement de l’irrigation.
Au confluent des usagers
Outre les aspects économiques, la bonne entente entre les utilisateurs peut s’avérer une raison majeure d’une meilleure gestion de l’eau. Le Sage (Schéma d’aménagement et de gestion des eaux) de la Drôme a été adapté en mai 2003 en ce sens. Les agriculteurs et les représentants de la communauté de commune se sont réunis pour discuter de leur comportement et leur besoin en eau. Un contrat détaillant les accès à la ressource, les conditions financières, les modalités de restriction, les besoins de référence, a été établi. Puis transcrit informatiquement sous forme d’un tableau des usages en période d’étiage, c’est-à-dire lors de la diminution de la ressource. “Plus que la mise en place d’un outil informatique de gestion, ce sont les discussions entre acteurs qui ont contribué à mieux utiliser l’eau”, explique Olivier Barreteau, chercheur au Cemagref, institut de recherche en machinisme agricole qui a créé des outils d’aide à la gestion des ressources en eau. Tout d’abord, le SMA (Système multi agents) qui permet de simuler les comportements individuels et collectifs afin de définir des règles d’utilisation réalistes. Ensuite, un jeu de rôle, nommé Pieplue qui, grâce aux informations collectées en cours de campagne, va permettre une révision de l’outil de gestion. “Le SMA, le jeu de rôle et le tableur, ont été testés dans le cadre du Sage de la Drôme. Ils sont utilisés au Sénégal, pour la gestion en eau d’un système forestier, et en Camargue”, poursuit Olivier Barreteau. “La gestion de l’eau se fait au cas par cas, en fonction d’une logique territoire”, a insisté Vincent Frey, directeur de l’agence Adour-Garonne. Avis que partage le ministre de l’Écologie qui veut donner, par l’intermédiaire de la loi sur l’eau, plus de pouvoir de décision aux bassins versants, communes et communautés de communes.
Actions à la source
La préservation de la qualité de l’eau fait également partie de la gestion des ressources. Claude Truchot a annoncé, au Sima, une campagne nationale des eaux, pour cette année, avec la publication d’un état des lieux de la qualité de l’eau en France. Ce constat permettra de cibler les actions prioritaires. Des actions guidées par l’Europe, qui a donné aux États membres un cadre à la politique de l’eau : atteindre “le bon état écologique” des eaux souterraines et superficielles pour 2015. Face à cet objectif de moyen voire court terme – les efforts pour réduire les pollutions n’ayant pas d’effet immédiat sur la qualité des eaux – les acteurs doivent se mobiliser. Mais le doute plane sur le réel impact des bonnes pratiques. Certains agriculteurs ont fait savoir, au Sima, qu’il était difficile de descendre en dessous de certains seuils, comme la limite de 50 mg/l en nitrate. D’ailleurs, pour les intervenants du colloque, si le secteur agricole met tout en œuvre, rien n’assure que la qualité de l’eau sera retrouvée en 2015.
La conditionnalité des aides devrait s’avérer, en plus de la loi sur l’eau, un levier intéressant pour réduire les pollutions. C’est en tout cas une forte attente des pouvoirs publics.
Le niveau des ressources en eau est actuellement bas
Dominique Bussereau et Serge Lepeltier ont prévenu que l’application de mesures de limitation des prélèvements devrait se faire dès le printemps dans certaines régions.
Dans le choix des cultures mises en place au printemps, les deux ministres recommandent aux agriculteurs de prendre en compte l’état réel des ressources en eau dans leur département, et d’implanter les cultures les moins consommatrices d’eau, notamment dans des terrains à sol superficiel. Pour les agriculteurs irrigants qui n’ont pas encore mis en place une organisation collective des prélèvements en eau par bassin versant, il importe, selon les deux ministres, de mettre à profit le printemps pour s’engager résolument dans cette démarche de nature à prévenir les crises. En Charente, où la situation est critique, la préfecture a annoncé le 25 mars 2005 des restrictions d’eau exceptionnelles. Le préfet de la Charente a annoncé que l’irrigation sera interdite dans tout le département pour quinze jours à partir du 1er avril, avec des restrictions renforcées jusqu’au 31 mai. La Charente-Maritime a également adopté le 24 mars des mesures de restrictions d’eau dans neuf communes.