Protéger la ferme France, une question d’intérêt général

27 décembre 2011 - La rédaction 
À mesure que les surfaces agricoles s’amenuisent, la ville s’étale. Pour une fois, monde agricole, élus et écologistes sont unanimes : « Il faut agir ! ». Pour la société, pour l'environnement, ou pour la ferme France : à chacun ses raisons.

Les comparaisons vont bon train : aujourd’hui, l’agriculture perd, en surface, l’équivalent d’un département tous les sept ans. Soit la superficie de trois exploitations agricoles chaque jour. Soit encore 25 m² par seconde. Et ce recul de terres agricoles s’accélère depuis 1960 (voir graphique).

En 2010, l'agriculture couvre 56 % du territoire métropolitain
 class=
Répartition du territoire métropolitain en 2010, en milliers d'hectares
Source : SSP – Agreste Terruti Lucas

En quelques chiffres

  • Les terres agricoles reculent de 82 000 hectares par an (chiffres de 2010).
  • L’artificialisation des sols(1) progresse à un rythme similaire : logement, voiries, jardins publics gagnent 79 000 hectares par an.
  • Ce terrain est cédé en grande partie par l’agriculture : 90 % des sols artificialisés entre 2000 et 2006 provenaient de zones agricoles(2).

 

 

 

 

 

Les surfaces agricoles sont en recul depuis les années 1960, au profit des sols urbanisés et naturels

 
 class=
Variation annuelle des surfaces agricoles, forestières et artificielles en France.
Source : Données : Insee, Traitement : Terre-écos

 

Les meilleures terres agricoles sont les premières touchées

Les sols agricoles les plus fertiles sont les premiers touchés par l'urbanisation
 class=
Pression de l'artificialisation entre 2000 et 2006 sur les sols agricoles à forte réserve utile en eau. la réserve utile en eau est considéré comme un bon indicateur de leur qualité agronomique.
Source : SOeS – GIS Sol, 2010. Traitement : SOeS 2010.

La France est-elle en train de se transformer en une mégapole de 55  millions d’hectares ? À ce rythme, quelle place pour son agriculture, demain ? « Suivant cette tendance, nos scénarios estiment que l’agriculture pourrait perdre encore 11 % de sa surface d’ici à 2050, explique Robert Levesque, directeur du bureau d’études de la FNSafer, ce qui représenterait 14 % de son potentiel agronomique, car les meilleures terres agricoles sont les premières concernées. »

 

Besoin croissant d'espace
Or pour relever les défis à venir, l’agriculture aura besoin de terres. « Production d’agrocarburants, de biomatériaux et d’aliments : demain, les besoins en espaces accentueront la pression sur les terres agricoles, explique Frédéric Coulon, de l’association Solagro. De plus, nous devrons produire dans le respect de ce que la nature peut fournir. » Tout en conservant des surfaces boisées, humides, naturelles en bon état.
Selon la FAO, la production agricole mondiale devra augmenter de 70 % d’ici à 2050 pour nourrir neuf milliards d’humains, en parallèle d’une hausse de 8 % des surfaces cultivées. Si la France veut continuer à nourrir le Monde et l’Europe, elle devra donc préserver ses terres agricoles. Sans oublier, autre élément de pression sur les terres, que « l’Europe importe déjà l’équivalent de 35 millions d’hectares de productions végétales », rappelle Robert Levesque.

La terre, outil de production des agriculteurs
L’enjeu n’est pas seulement mondial ou européen. Pour Carole Robert, du pôle territoires et entreprises de l’APCA, il est aussi national : « Cela pose la question de la politique alimentaire que l’on souhaite pour la France. D’autant que les consommateurs rejettent de plus en plus le hors-sol et sont demandeurs de produits locaux ou bio, qui requièrent davantage d’espace. »
Enfin la question est aussi individuelle, sociale et en lien étroit avec la politique agricole française : « C’est l’outil de production des agriculteurs eux-mêmes qui est menacé », rappelle Carole Robert.

Un cercle vicieux pour eux, car la progression d’un habitat diffus aboutit au mitage de l’espace agricole, lequel handicape l’installation de nouveaux agriculteurs. En parallèle, la pression sur les terres agricoles fait monter les prix, même s’ils restent bien inférieurs à ceux des terrains constructibles. Or les exploitations agricoles s’agrandissent, ce qui rend le patrimoine foncier difficile voire impossible à transmettre, signale la Société des agriculteurs de France(3).

L'artificialisation des sols, une menace pour l'environnement

L'artificialisation des sols perturbe les habitats et les cycles du carbone et de l'eau
 class=
Source : SOeS – GIS Sol, 2010. Traitement : SOeS 2010.

Enfin, si l’étalement urbain et celui des réseaux de transport inquiète, c’est aussi parce qu’il représente des risques pour l’environnement. Il fragmente les paysages et les milieux, donc menace la biodiversité ordinaire qu’hébergent les espaces agricoles et naturels. Par ailleurs, en construisant, on imperméabilise les sols, processus quasi irréversible pour la biodiversité du sol. « Il faut 50 à 60 ans pour la recréer », commente Frédéric Coulon.

En outre, sur un sol bitumé, l’eau ruisselle davantage, s’infiltre moins, ce qui augmente les risques d’érosion et d’inondation. Plus concentré, ce ruissellement peut favoriser le transfert de sédiments contenant des polluants vers les cours d’eau : engrais, pesticides, métaux lourds, hydrocarbures.

L’artificialisation peut aussi provoquer un déstockage rapide de carbone, si les sols ne sont pas rapidement couverts. Enfin, l’étalement urbain favorise les transports et les émissions de gaz à effet de serre.

À la croisée d’enjeux économiques, sociaux et environnementaux, l’artificialisation des sols agricoles pose aux territoires la question de leur développement durable. Les réponses ne sauraient rester sectorielles.

 

 

(1) Les sols artificialisés comprennent les sols bâtis, revêtus (infrastructures de transport…) ou stabilisé, ainsi que les jardins, pelouses, les mines, carrières, décharges, chantiers, terrains vagues…
(2) Voir Le Point n° 75 sur « l’artificialisation des sols s’opère aux dépens des terres agricoles », février 2011.
(3) La Société des agriculteurs de France a publié cette année un recueil de pistes pour faciliter la gestion du foncier agricole.

Laisser un commentaire

Recevoir la newsletter

Restez informé en vous abonnant gratuitement à la newsletter