Regards – Co-construire, idéaliste ou pragmatique ?

La co-construction est-elle un principe idéaliste, ou plutôt pragmatique ? Différents acteurs donnent leur avis.

Isabelle Pauchet-Mattler, directrice technique de la section « oléagineux » de l'Union française des semenciers

Abeilles et semences oléagineuses sont indissociables. Les actions engagées entre apiculteurs  professionnels et agriculteurs multiplicateurs de semences sur la pollinisation sont le meilleur moyen de dépassionner les échanges. Elles permettent de renverser les termes du débat autour des abeilles et touchent progressivement les apiculteurs amateurs, davantage idéalistes. Parmi ces actions, je citerais la création de Beewapi.com, un site de rencontres entre apiculteurs professionnels et multiplicateurs de semences afin d'organiser des contrats de pollinisation. Élaboré dans un premier  temps pour les cultures oléagineuses, il est réservé aux signataires de la charte Beewapi des bonnes pratiques en pollinisation, laquelle a vocation à être déclinée sur les autres cultures. Le site associe tous les intervenants : l'interprofession des semences (agriculteurs mutiplicateurs et semenciers) et les apiculteurs à travers l'Itsap-institut  de l'abeille (1). Ces actions s'inscrivent dans le Plan 2013-2015 de développement durable de l'apiculture, dans lequel la médiation des pouvoirs publics est incontournable. 

(1) Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation–institut de l'abeille

Isabelle Massaï, responsable développement durable, coopérative Axéréal (45)

La plupart des dossiers environnement sur lesquels nous intervenons se situent dans une démarche de co-construction et plus particulièrement lorsqu'on aborde la biodiversité. La réalisation du «  Mémo auxiliaires de cultures », signé au printemps 2013 par Axéréal, les chambres d'agriculture,  l'association « Hommes et Territoires » et la Fredon, cofinancé par le conseil régional Centre et le FEADER, en est un exemple révélateur. Nous avons apporté notre expertise en gestion durable des auxiliaires et accompagné la diffusion de ce guide édité en 3 700 exemplaires. Cette réussite nous permet d'envisager d'autres actions communes. Nous nous appuyons également sur la charte des bonnes pratiques apicoles et agricoles de Bayer, pour sensibiliser nos producteurs en filière « Fleur de colza ». Cette charte est une porte d'entrée pour engager le dialogue sur des projets locaux. Il faut  prendre le temps d'échanger pour lever les aprioris qui existent autant dans le monde agricole qu'au sein  des associations. Si chacun campe sur ses positions, il est impossible d'avancer. Et ce climat de  confiance se bâtit jour après jour, sur des réalisations et des faits très concrets !

Audrey Ossard, ingénieur stewardship Bayer CropScience

Le thème de la protection des pollinisateurs est emblématique de la valeur apportée par une  démarche de co-construction. Ce sujet interpelle fortement la société et fait l'objet d'une pression médiatique intense sur les filières agricoles. La virulence des échanges entre les mondes agricole et apicole a longtemps freiné la mise en œuvre d'actions conjointes. Or, les solutions viennent souvent du terrain. Pour preuve la charte d'engagement des bonnes pratiques agricoles et apicoles, que nous avons créée en 2011, sur la base de propositions émanant d'un agriculteur membre de notre réseau de fermes de références, Bayer, et d'un apiculteur. Elle est aujourd'hui un support simple et pédagogique utilisé par des distributeurs lors de rencontres entre agriculteurs et apiculteurs. Les agriculteurs peuvent aussi se référer au module « Protection des pollinisateurs » de notre outil d'autodiagnostic Phytodiag, co-développé avec l'Acta. L'engagement pour  préserver les abeilles concerne toute la filière, de l'utilisateur des produits à la distribution et la prescription, première condition pour réussir une co-construction. Bayer Santé Animale y contribue également en travaillant au développement de produits de lutte antivarroa.