« Renouer le lien entre nos concitoyens et l’agriculture », Pascale Briand, DGAL

27 août 2010 - La rédaction 
Conviction. Pascale Briand assure depuis le 22 juillet 2009 la direction générale de l’Alimentation (DGAL), au sein du ministère de l’Alimentation, l’Agriculture et de la Pêche. Elle était auparavant à la tête de l’Afssa, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. La DGAL est l’une des directions stratégiques du ministère, au moment où les questions d’alimentation refont irruption dans le discours politique.

CAMPAGNES ET ENVIRONNEMENT: Nicolas Sarkozy, comme Bruno Le Maire, votre ministre, prônent « une politique publique de l’alimentation », voire proposent de remplacer la Politique agricole commune par une Politique alimentaire et agricole commune. Que signifient ces orientations, d’une manière concrète, pour votre direction ?

Pascale Briand : Nos concitoyens expriment des attentes multiples. Ils souhaitent une alimentation saine, sûre, avec une dimension sanitaire de première importance. Ils veulent associer plaisir gustatif et produits du terroir, issus d’une agriculture respectueuse de l’environnement et du bien-être animal. Et ils sont légitimement soucieux de l’accès du plus grand nombre à une alimentation équilibrée. Enfin, ils souhaitent aussi une information sur la provenance et marquent un attachement aux circuits courts. Une politique de l’alimentation doit pouvoir intégrer toutes ces attentes. Nous nous devons de construire et de mettre en œuvre une telle politique nationale avec les autres ministères concernés. Je pense à la Santé sur les nombreuses questions liées à la nutrition. C’est bien cette ouverture du champ qui est très marquante et qui constitue, à un moment de grandes difficultés pour le monde agricole, une opportunité de renouer le lien entre nos concitoyens et leur agriculture, source de leur alimentation. C’est donc un moment fort. Concrètement, les directions régionales de l’Alimentation ont déjà mis en place, depuis janvier 2009, des comités de l’offre alimentaire. Des actions ciblées, dans le cadre de plans régionaux, ont bénéficié d’1,3 million d’euros cette année, budget qui passera à 2,1 millions d’euros dès 2010. Il s’agit par exemple de faciliter l’accès aux circuits courts, d’introduire du bio dans la restauration collective des services de l’État, ou encore de soutenir des actions d’information des consommateurs. Si lier la politique publique de l’alimentation à la politique agricole est un impératif au niveau national, c’est aussi une nécessité au niveau européen car il s’agit bien de construire une politique de l’alimentation et de l’agriculture commune.

C. & E. : Sur quoi l’effort doit-il porter prioritairement pour retisser ce lien entre l’agriculture et les citoyens ?

P. B. : Les citoyens doivent être fiers de leur agriculture. Ils doivent mesurer les enjeux et la valeur d’une alimentation saine et sûre, comprendre à quel point le secteur agricole a évolué. Ils sont aujourd’hui sensibilisés à un certain nombre d’impacts négatifs de l’agriculture sur la santé, notamment ceux des intrants. Les pesticides peuvent être préoccupants si leurs résidus sont supérieurs à la norme autorisée dans les aliments. Il faut évidemment que les contrôles soient rigoureux et les informations sur les dépassements accessibles : l’observatoire des résidus de pesticides a été mis en place pour cela. Dans le même temps, il faut savoir reconnaître les caps franchis : les agriculteurs ont évolué dans leurs pratiques et ils poursuivent leurs efforts. Le plan Écophyto 2018, piloté par la DGAL, inclut des engagements à aller plus loin dans la réduction et dans le bon usage des intrants. Il faut faire connaître le chemin parcouru.

C. & E. : Écophyto 2018 vise une réduction de 50 % des produits phytosanitaires. Or, si une baisse de 15 à 20 % est possible, le cap des 50 % suppose, de l’avis de nombreux experts, une véritable révolution. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

P. B. : Il faut du temps pour faire évoluer certaines pratiques, d’où l’intérêt d’Écophyto 2018. Il s’agit d’un engagement fort de tous les acteurs, clairement identifiés et impliqués. Ce plan contient les leviers d’une accélération du renversement d’attitude par rapport aux pratiques anciennes, rythmé par un calendrier et accompagné de mesures de formation. Le plan tel qu’il est conçu est réaliste. L’innovation va aussi apporter des réponses, avec des molécules efficaces et non préoccupantes. Les industriels se sont engagés dans cette voie. Reste à prendre le temps de la substitution, notamment pour les cultures qui se trouvent aujourd’hui sans solution de traitement du fait des nombreux retraits de molécules. Une première liste de dérogations a été éditée face à ces impasses. Mais elles resteront dérogatoires. Quant à l’évolution des pratiques agricoles, elles mobilisent l’Inra, les centres techniques et les professionnels, déjà fortement engagés et sensibilisés à cette nécessité.

Parcours
Originaire de Nantes, Pascale Briand est directrice générale de l’Alimentation au sein du ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche. Elle était précédemment directrice générale de l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), entre juillet 2005 et juillet 2009. Docteur en médecine et Docteur ès sciences en biochimie, elle a notamment été responsable de la mission Biotechnologie au ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (1996-1998), dirigé une unité de recherche à l’Inserm (1994-2002), piloté le premier Plan de lutte contre le cancer (2003-2005), occupé les fonctions de conseiller pour la recherche et la bioéthique auprès du ministre de la Santé, ou encore été directrice adjointe de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm.

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