Sciences et agriculture : « faire changer la peur de camp »

22 janvier 2013 - La rédaction 

Luc Ferry, philosophe, universitaire et ancien ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la recherche, participait le 15 décembre au colloque organisé par Farre* sur le thème « Science : alliée ou ennemie de l'agriculture ». Dans son intervention, il est revenu sur la peur de la science : tendances, origines et moyens de la combattre.
 

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A quel point la peur de l'innovation technologique, en agriculture ou par ailleurs, est-elle ancrée dans la société ?
La peur, auparavant, était infantile. Aujourd'hui, la peur est perçue à l'inverse comme un premier pas vers la sagesse, car avoir peur, c'est être conscient d'une menace. Les films éco-catastrophiques de Nicolas Hulot ou Al Gore tirent sur cette ficelle : la peur par la prise de conscience. Avec ce changement de perception, nous avons assisté ces 50 dernières années à la prolifération des peurs. La science n'échappe pas à cette prolifération, après avoir pourtant été une source d'optimisme. Au début XVIIIe siècle, les lumières, c'est la science contre l'obscurité ; la science pour être plus libres, plus heureux.

Cette peur de la science, parmi les autres peurs, a-t-elle ses propres origines ?
Le progrès scientifique et le progrès de la civilisation sont aujourd'hui découplés. La seconde guerre mondiale est responsable de cette scission entre savoir et sagesse, connaissance et éthique. En outre, il y a la peur de la perte de contrôle. Le cas des OGM est typique : personne n'a jamais pu prouver le danger des OGM. La peur vient d'ailleurs, de quelque chose qu'on aurait raté par arrogance. C'est Frankenstein : travailler sur le vivant, au risque de voir sa « créature » vous échapper et devenir dangereuse.

Comment inverser la tendance ?
Il faut redonner le goût de la science aux enfants. Aujourd'hui, la plus grande part de ceux qui obtiennent un bac S deviennent commercial. On a moitié moins de vocations scientifiques qu'il y a 20 ans. L'absence absolue de programme scientifique à la télévision est une erreur, de tels programmes auraient leur place et seraient rentables.

Pour ce qui est de défendre l'innovation scientifique en agriculture, il faut changer de registre. Agriculteurs et scientifiques, et c'est tout à leur honneur, défendent leurs activités, ce qui n'est pas suffisant face aux doutes et aux attaques, et pratiquement jamais entendu. Dans un débat aussi passionné que celui des OGM, par exemple, il faudrait faire changer la peur de camp, utiliser les armes de l'adversaire… On nous dit : « avec les OGM, nous courrons tel danger » ; il faut répondre : « sans les OGM, nous en courrons d'autres ».

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