Depuis trois ans, l’Afssa conduit une enquête multifactorielle pour déterminer les causes des troubles des abeilles. Une première communication publiée en 2004 synthétisait, en plus des toxiques, les recherches sur les maladies qui affectent les ruchers. Vient d’être dévoilé un deuxième rapport intermédiaire se focalisant sur les contaminants toxiques. Il présente les résultats d’analyses effectuées sur les quatre matrices apicoles : abeilles, pollen, miel, cire et porte sur 25 ruchers, répartis dans cinq départements dont l’Eure, l’Indre et l’Yonne, zones de grandes cultures. L’étude financée pour partie par des fonds européens suscite de nombreuses interrogations.
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Ne pas nier une possible action subchronique(1)
Ainsi pour Jean-Paul Faucon, l’un des coauteurs : “Les sources de contamination découvertes aujourd’hui ne sont pas nouvelles. Il y a 20 ans, les pesticides étaient déjà présents. Seules les molécules identifiées ont changé”. Les niveaux de quantification évoluent également : les pesticides sont détectés à des doses infinitésimales, de l’ordre du microgramme par kg. Ainsi en 2003, sur 73 échantillons de pollen, 64 révélaient des traces de produits. L’étude réalisée en 2003 a recherché la présence de 41 molécules. Les doses les plus faibles concernent le fipronil et l’imidaclopride avec 1,2 ou 1,3 µg/kg. “Ces doses ne peuvent expliquer les mortalités massives, indique Jean-Paul Faucon. En 2000, nous avions déjà mené une expérience en administrant un sirop d’imidaclopride contenant 5 ppb (2) de cette molécule à des abeilles vivant en rucher. Aucune anomalie n’avait pu être observée. Les résultats compilés aujourd’hui corroborent cette première étude.” Mais, fait tout aussi certain, les abeilles promènent avec elles un bon cocktail, qui suggère des interrogations : “On se place dans le registre de la toxicité subchronique. Personne ne peut dire quelles sont les conséquences de telles doses sublétales, ni quelles sont les interactions entre molécules et encore moins si ces très faibles quantités ne les affaiblissent pas et ne les rendent pas plus sensibles aux maladies et aux autres agressions provenant de leur environnement”.
Les doses moyennes les plus fortes décelées en 2003 sur le pollen concernent le coumaphos et le tau-fluvalinate avec respectivement 925 µg/kg et 487 µg/kg. Deux insecticides utilisés pour lutter contre l’acarien Varroa qui décime les ruchers depuis plus de 20 ans.
52 % des échantillons de pollen ont des traces d’imidaclopride en 2004
Un point apparaît fort surprenant : les analyses effectuées en 2004 ont montré que 52 % des échantillons de pollen contiennent de l’imidaclopride ou son métabolite, ce taux étant de 69 % en 2003. Or ce produit est interdit sur maïs depuis 2002 et sur tournesol depuis 1998. La rémanence de la molécule dans le sol ou les traitements foliaires sur abricotiers, pêchers et pruniers pourraient-ils justifier, à eux seuls, un tel taux de contamination ? Enfin 28 % des échantillons de miel analysés en 2004 témoignent de la présence de traces d’imidaclopride. La contamination par d’autres résidus de pesticides est aussi révélée.
Les données émanant des Services de la protection des végétaux restent à intégrer dans l’enquête afin d’établir, si possible, des corrélations entre les activités agricoles et les contaminations retrouvées dans les différentes matrices apicoles.
(1) Toxicité subchronique : ingestion répétée par l’abeille de faibles doses
(2) ppb : partie pour billion