Des économies d’intrants
Comme pour les céréales, la famille des légumineuses est vaste, les espèces nombreuses : pois, féverole, lupins, soja, vesces, lentille… Du nord au sud, et d’est en ouest de l’Europe, cette diversité apporte une adaptabilité génétique remarquable. C’est pourquoi chaque région, avec ses caractéristiques de sols et de climat particulières, peut cultiver avec succès un ou plusieurs types de légumineuses.
Dans différentes régions européennes, les experts ont comparé les systèmes de rotations de cultures en place avec des rotations introduisant une légumineuse à graine, majoritairement le pois. L’introduction d’un protéagineux (comme le pois) préserve la rentabilité économique des systèmes en permettant tout particulièrement des économies d’intrants – engrais azotés – sur le protéagineux même, mais également sur la culture qui suit, généralement un blé, dont le rendement est, de plus, augmenté.
Sur le plan agronomique, la gestion des maladies et des mauvaises herbes est facilitée par l’allongement de la rotation et la rupture causée par l’introduction d’une nouvelle culture. Cette réduction de l’usage de produits phytosanitaires, traduite par une moindre utilisation de pesticides, a par ailleurs des impacts positifs sur la durabilité de la rotation et donc sur la rentabilité du système pour l’exploitation à moyen et long terme.
Un impact environnemental mesurable
Les légumineuses ne nécessitant pas d’apport d’engrais azotés, les analyses de cycles de vie (ACV) démontrent leur intérêt pour répondre aux économies d’énergies fossiles et aux réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’introduction d’une légumineuse à graines dans une rotation composée de 75 % de céréales et de 25 % d’oléagineux permet ainsi d’économiser, par hectare et par an, de l’ordre de 10 % de ressources d’énergies non renouvelables et de GES.
Elles trouvent d’autant plus d’intérêt dans des systèmes de production “intensifs” pour lesquels les intrants sont importants. Des perspectives sont par ailleurs ouvertes à l’agriculture pour les marchés du carbone, ce qui permettrait de donner une valeur économique aux intérêts environnementaux des légumineuses à graines.
Un intérêt pour la production de chaleur et d’électricité
Si l’alimentation animale constitue le premier marché pour les légumineuses à graines (75 % de la production européenne), le marché de l’alimentation humaine n’est pas négligé : moindre en volume, il permet une meilleure rémunération pour des graines de qualité.
Par ailleurs, les marchés énergétiques de production de chaleur et d’électricité par combustion, méthanisation ou fractionnement à partir de biomasse agricole se développent rapidement. Du fait de leur efficience énergétique élevée (leur production nécessite peu d’énergie au regard de l’énergie qu’elles contiennent), les légumineuses à graines, éventuellement en culture associée avec des céréales, pourraient trouver une place dans ce débouché appelé à croître de façon exponentielle au cours des prochaines années.
Un potentiel d’expansion au niveau de l’Europe
Aujourd’hui, les surfaces de légumineuses à graines représentent moins de 3 % des assolements de l’UE à 25. En fait, moins d’un céréalier sur quatre en cultive, c’est-à-dire que plus de 75 % des céréaliers européens n’introduisent aucune légumineuse à graines dans leurs rotations. Des enquêtes réalisées au niveau européen auprès de ces non-producteurs montrent que, si l’intérêt agronomique des légumineuses est apprécié des agriculteurs, l’intérêt économique qui en résulte reste sous-évalué et les innovations variétales récentes peu connues.
En effet, les légumineuses à graines n’ont fait leur apparition dans le paysage agricole « moderne » qu’au début des années 80 sous l‘impulsion de l’Union européenne qui leur octroyait enfin les mêmes types d’aides que les autres grandes cultures. Impulsion de courte durée puisque moins de dix ans plus tard, alors que les protéagineux amorçaient tout juste leur développement, leur expansion fut stoppée par la mise en place des Quantités Maximum Garanties fixée sur la production atteinte à cette date puis par la fin des prix garantis. Or, les effets de la recherche et de la création variétale initiées au cours des années 80 portent leur fruit aujourd’hui, au moment où les soutiens spécifiques à la production sont estompés et où le volume de production des protéagineux ne permet pas encore d’autofinancer ces programmes.
Une impulsion au niveau de l’Europe
Une nouvelle impulsion européenne est aujourd’hui nécessaire pour assurer aux acteurs de l’amont agricole que leurs investissements sur les marchés des légumineuses à graines soient pérennes.
De tels leviers d’actions pourraient concerner le maintien de programmes de sélection actif, afin de continuer l’innovation variétale pour ces espèces. Ils pourraient également permettre la mise en place d’un dossier d’homologation européen commun pour les produits de protection des plantes afin d’alléger les dépôts à l’échelle nationale et supprimer les disparités entre pays. Enfin, le soutien à la dissémination technique auprès des agriculteurs, à l’organisation et à la mise en place de ces nouvelles filières pourrait être valorisé.
Le projet GL-Pro est coordonné par l’Unip (Union française interprofessionnelle des plantes riches en protéines) et financé par la Commission européenne (PCRD5). La journée de Bruxelles est organisée et soutenue par GLIP (Consortium européen de 60 laboratoires scientifiques), UNIP (France), Pro-Plant (Allemagne), Itacyl (Espagne), AEP (Association européenne de recherche sur les légumineuses à graines).