Une aire commune pour pulvés

11 mai 2006 - La rédaction 
Dix agriculteurs de la Cuma du village de Saint-Bonnet-Près-Riom (63) ont mis en place depuis 2004 une aire de remplissage et de lavage pour leurs pulvérisateurs, en association avec la commune. Sur ce même site, un biobac permet de gérer les effluents phytos.
Et une nouvelle étape a été franchie cette année avec la construction d’un local commun pour le stockage des produits phytosanitaires.

L

a réfection de la place du village de Saint-Bonnet-Près-Riom, situé dans le Puy-de-Dôme, en 2000 : c’est le point de départ de la réflexion menée par les agriculteurs de la Cuma de la commune concernant l’organisation de leurs travaux de pulvérisation. “Avec le nouvel aménagement de la place, le point d’eau situé au cœur du village est vite devenu inaccessible pour les tracteurs et les pulvérisateurs, raconte Jean-Marie Filiol, le président de la Cuma. De plus, nous n’étions jamais à l’abri d’un accident comme un bidon qui tombe ou un pulvé qui déborde, ce qui aurait été très délicat à gérer avec les habitants… Après deux années pendant lesquelles chacun s’est débrouillé avec les moyens du bord, nous avons décidé de sortir le point d’eau du village. Parallèlement, l’idée était d’en profiter pour créer une aire de remplissage commune pour nos pulvés permettant la gestion des fonds de cuve et des eaux de rinçage.”

Le local de stockage commun des produits phytos va être facturé environ 2 €/ha aux utilisateurs.

La commune adhère à la Cuma

À la recherche de solutions pour le traitement des effluents phytos, les dix adhérents de la Cuma entrent en contact avec Phyt’Eauvergne (Groupe régional d’action contre les pollutions des eaux naturelles par les produits phytosanitaires en Auvergne, regroupant plus de 150 organismes), par l’intermédiaire de la Chambre d’agriculture. Intéressé par le projet des agriculteurs, ce groupe leur propose la construction d’un biobac (voir encadré ci-dessous), permettant de dégrader de façon naturelle les effluents dans un milieu confiné. À côté de sa vocation pédagogique (des visites sont organisées sur le site), le caractère expérimental du site permettra en outre de juger de l’efficacité d’un tel équipement collectif.

En 2003, la décision est donc prise : le site comprendra une aire pour les pulvés et un biobac. Entre-temps, la commune de Saint-Bonnet-près-Riom s’est greffée sur le projet puisqu’elle utilise elle-même un pulvérisateur pour la voirie et les espaces verts… Elle devient adhérente de la Cuma et en échange de la possibilité d’utiliser l’aire, elle loue pour un euro symbolique par an le terrain du site, au beau milieu des champs.

La Fredon Auvergne est désignée comme maître d’ouvrage par Phyt’Eauvergne. Les travaux, faisant notamment appel à divers artisans locaux, débutent à l’automne 2003 et le site est opérationnel au printemps 2004.

“Avant la mise en service de l’aire, les agriculteurs ont suivi une formation sur les bonnes pratiques phytosanitaires et un cahier des charges relatif à l’utilisation et l’entretien du matériel a été établi”, précise Christophe Bras, responsable environnement de la Fredon Auvergne.

Un “détrompeur” pour basculer les eaux

Par ailleurs, un cahier de suivi des produits qui entrent dans le biobac est tenu à jour. Il permet de comprendre le devenir et la cinétique de dégradation des molécules (voir encadré). À chaque utilisation, les agriculteurs inscrivent leur nom, la ou les spécialités commerciales utilisées, la date, le nombre de rinçages au champ, le volume d’eau utilisé pour rincer le fond de cuve et les éventuels accidents (débordements)…

Un système de basculement des eaux a été prévu pour qu’en cas de pluie, le biobac ne soit pas saturé en eau. Les eaux sont alors dirigées vers un champ d’épandage prenant place à proximité du biobac. Lorsqu’un agriculteur actionne la vanne manuelle pour conduire l’eau vers les potences de remplissage ou vers les enrouleurs de rinçage des pulvés, les eaux issues de la plate-forme sont automatiquement dirigées vers le biobac. Après utilisation de l’aire, un système “détrompeur” l’oblige à fermer la même vanne, et donc à basculer les eaux vers le champ d’épandage, pour récupérer sa clef. “Cette précaution a été prise car les utilisateurs sont nombreux, ce qui multiplie les risques d’oubli de fermeture de la vanne”, explique Christophe Bras.

2,60 €/ha de frais fixes

“L’aire a été conçue pour que deux agriculteurs puissent remplir ou rincer leur pulvé en même temps, souligne Jean-Marie Filiol. Mais en pratique, nous nous sommes aperçus que cela ne se produisait pratiquement jamais. Grâce à la connexion sur le réseau d’eau potable, le débit est en effet de 25 m3/h, ce qui permet un remplissage très rapide.”

Le recyclage des bidons vides a également été prévu : ils sont récupérés par la filière Adivalor, après avoir été rincés sur la plate-forme et égouttés sur des piquets plantés dans le biobac. Ce dernier nécessite d’ailleurs un retournement annuel : une fois par an, avant le début de la campagne, un passage de rotobêche est réalisé. Le but est de fournir aux micro-organismes l’oxygène indispensable à leur activité de dégradation du substrat. De la paille est également ajoutée à cette occasion.

“Sur le plan financier, l’utilisation du site est facturée 2,60 €/ha aux agriculteurs, ce qui correspond au remboursement de l’emprunt et à l’assurance, explique le président de la Cuma. À cela s’ajoute la consommation en eau. Nous recevons une facture globale, divisée en fonction des litrages notés par chacun pour ses remplissages et ses lavages.”

Un local phyto pour 550 ha

Après deux campagnes d’utilisation, les agriculteurs se montrent unanimement satisfaits de leur installation. Quatre d’entre eux, cumulant 550 ha, ont même décidé d’aller plus loin en faisant construire un local commun de stockage des produits phytos sur le même site, que la commune va également utiliser. “L’idée est de ne plus transporter les bidons dans la cabine du tracteur, mais d’en disposer directement sur place”, explique Jean-Marie Filiol.

Fraîchement livré en février 2006, le local comprend bien sûr des étagères métalliques et un système de rétention, mais aussi un vestiaire, une douche et un lavabo. Réalisé par un prestataire, son coût a été de 63 000 €. Mais comme pour la plate-forme et le biobac, les exploitants ont pu profiter de plusieurs subventions : 30 % par la Diren (Direction régionale de l’environnement), 20 % par le Conseil régional et 20 % par le Conseil général. “Au même titre que n’importe quel agriculteur, nous avons également bénéficié d’une subvention de la part de la MSA,” complète Jean-Marie Filiol.
Grâce à ces aides, le montant facturé aux agriculteurs pour l’utilisation de ce local commun devrait être limité à 2 €/ha.

Michel Gomichon, secrétaire de la Cuma, producteur de céréales et de colza

Christophe Bras (à gauche), responsable environnement de la Fredon Auvergne, avec quelques-uns des adhérents de la Cuma de Saint-Bonnet-près-Riom.

“L’aire de remplissage et de lavage mise en place par la Cuma nous a permis de gagner en confort de travail et en praticité par rapport à l’époque où nous utilisions le point d’eau situé sur la place du village, qui était difficile d’accès. J’apprécie tout particulièrement la rapidité avec laquelle on remplit les pulvés, puisqu’il ne faut par exemple que six minutes pour remplir un appareil de 2 500 litres. Grâce à la gestion des effluents phytos par le biobac, le respect de l’environnement est évidemment un gros avantage offert par le site. Par ailleurs, je vais aussi profiter du local de stockage commun des produits phytos, avec trois autres agriculteurs, ce qui va m’éviter de transporter les bidons de la ferme jusqu’à l’aire dans la cabine du tracteur.”

Yves Rellier, producteur de céréales et de colza

“Avant de mettre en place l’aire pour les pulvés, il faut reconnaître que la Cuma était un peu en sommeil. Ce projet a donc permis de redynamiser tous les adhérents et de les fédérer. La sortie du point d’eau du village est positive par rapport aux risques d’accidents et la construction d’une aire sécurisée est valorisante pour notre image auprès des habitants de la commune. Nous sommes donc fiers d’être précurseurs dans ce domaine. Sur le plan pratique, nous avons bien sûr gagné en confort de travail et en rapidité.”

Une plate-forme, un biobac et un local phyto

Grillagé et fermé à clef, le site de la Cuma de Saint-Bonnet-près-Riom comprend trois équipements : une plate-forme pour le remplissage et le lavage des pulvés, un biobac pour la gestion des effluents phytos et un local de stockage commun des produits phytos.

La plate-forme se compose d’une aire en béton de 30 m x 5 m, adaptée aux rampes de 28 m, avec un caniveau central.

Sa pente permet de diriger les eaux vers un regard de décantation avant leur transfert vers le biobac ou vers le champ d’épandage. Une potence de 4 m et une autre de 3 m, pivotant à 180° et équipées d’un système de réglage en hauteur, sont installées à chaque extrémité de l’aire. Elles disposent également d’un volucompteur, d’un clapet anti-retour et, à leur base, d’un enrouleur avec un pistolet haute pression pour le rinçage des pulvés.

Abrité sous un tunnel en plastique, le biobac est un bac de béton étanche installé au sol (20 m x 5 m), rempli d’un mélange homogène de 70 % de terre et de 30 % de paille, sur 60 cm de profondeur. “L’objectif est de reproduire dans un milieu confiné ce qui passe au champ après le traitement : la dégradation naturelle des matières actives par les micro-organismes”, explique Christophe Bras, responsable environnement de la Fredon Auvergne. Trois tuyaux de drainage perforés répartissent les effluents sur toute la surface du biobac.

Enfin, achevé en février 2006, le local de stockage commun des produits phytos est destiné à cinq adhérents de la Cuma, dont la commune.

Une décrue des concentrations dès novembre

Le devenir des effluents phytos dans le biobac est suivi par Christophe Bras, responsable environnement de la Fredon Auvergne. “Étant donné que le site est utilisé par des céréaliers, des betteraviers, des viticulteurs et par la commune, de nombreuses matières actives sont introduites dans le biobac, détaille-t-il.

Nous suivons les concentrations d’une quarantaine d’entre elles par l’intermédiaire d’échantillons envoyés à un laboratoire.” Trois prélèvements du substrat sont réalisés chaque année, en février/mars (avant la campagne), en juin (en plein milieu de celle-ci) et fin novembre. “Les résultats des analyses sont conformes à ce que nous attendions : c’est en juin que les concentrations sont les plus élevées et elles décroissent déjà au bout de cinq mois, à des vitesses différentes pour chaque matière active, en fonction de leur durée de vie. À terme, il sera également intéressant de suivre le devenir des molécules sur plusieurs campagnes.”

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