Les premiers grands scandales alimentaires arrivent dans les années 80, avec la vache folle, le sang contaminé, la dioxine, les listeria. Les citoyens mais aussi les scientifiques ont vu les failles du système. La multirésistance aux antibiotiques en est un exemple. « Alors que chaque antibiotique a été évalué, leur utilisation conjointe a généré des monstres de résistances, explique Bernard Chevassus-au-Louis. Nous nous sommes rendus compte que cette évaluation trop cloisonnée ne rendait pas compte de tous les risques. »
Le principe de précaution est décrit pour la première fois dans la loi Barnier en 1995, puis dans la constitution en 2005 avec la charte de l'environnement. Il se fonde sur l'absence de certitudes scientifiques, sur la responsabilité des pouvoirs publics, et n'a trait qu'aux risques les plus graves et irréversibles.
« Il faut appliquer ce principe à l'alimentation »
« Oui, il faut appliquer ce principe à l'alimentation », affirme le président du MNHN. Pourtant, dix ans après son adoption dans la constitution, il reste critiqué. « Il a souvent été invoqué à tort, des décisions ont été prises en vertu du principe de précaution », explique Bernard Chevassus. Ce principe ne garantit pas non plus la validité d'une décision politique. Parfois, il est perçu comme un blocage.
Pour Bernard Chevassus-au-Louis, l'interdiction de pesticides de la famille des néonicotinoïdes est une bonne application du principe de précaution. « Leurs effets sur certains insectes, parfois à des doses très faibles, justifient un moratoire en attendant d'autres évaluations des risques, indique-t-il. C'est une pause pour disposer de plus d'éléments. »
Impliquer les citoyens
Si la première prise de conscience est venue de l'environnement, il y a actuellement une distinction entre les risques sanitaires et les risques environnementaux. C'est le cas des OGM : on interdit la culture en Europe pour l'aspect environnemental, mais ils sont autorisés à l'importation car aujourd'hui on considère qu'il n'y a pas de risques pour l'alimentation.
Selon Bernard Chevassus-au-Louis, il faudra également impliquer davantage les citoyens afin qu'ils expliquent les risques qu'ils sont prêts à prendre. Car leur vision peut être très éloignée de celle du scientifique.