Vidéo : Peut-on se passer des pesticides ?

8 décembre 2015 - La rédaction 
Jean-Marc Meynard, directeur de recherche à l'Inra, a écrit un ouvrage « Produire autrement » en 1980, avant que ce slogan ne devienne celui de Stéphane Le Foll. Il a livré, à l'occasion de l'Exposition universelle de Milan, son avis sur la nécessité d'utiliser des pesticides en agriculture et sur la possibilité de s'en passer.

« Depuis que l'agriculture existe, se pose le problème de la limitation des pertes dues aux ennemis des cultures », introduit Jean-Marc Meynard, directeur de recherche à l'Inra. Insectes, rongeurs, mauvaises herbes, maladies… des solutions ont très vite été identifiées : les jachères ou les rotations qui cassent les cycles de vie des ravageurs, ou encore la domestication du chat pour maîtriser les populations de rongeurs. Des pertes subsistent. Quantitativement, elles peuvent réduire la récolte à néant dans les cas extrêmes. Qualitativement aussi, les dégâts peuvent être importants, pour la qualité gustative et même sanitaire des produits.


Un essor sur la seconde moitié du XXe siècle
La solution chimique est un levier d'action qui ne date pas d'hier. Le soufre a été utilisé dès l'antiquité, par exemple. Mais la chimie de synthèse a connu un véritable essor dans la deuxième moitié du XXe siècle. Efficace et facile d'utilisation, à condition d'être bien pilotée, la pulvérisation de pesticides a eu un grand succès rapidement, car elle propose un effet visible immédiat sur les rendements. En Europe, la France en est le premier consommateur, avant tout parce qu'elle dispose d'une plus grande surface agricole utile. Autre explication : la vigne, culture faisant face à plusieurs menaces, est très présente dans l'Hexagone.

Les pesticides : quel(s) impact(s) ?
Le débat sur les effets négatifs n'est pas récent : dès les années 60, l'insecticide DDT a notamment été remis en question, à cause de ses effets sur les oiseaux. La toxicité « directe » est en cause pour les organismes exposés, mais elle peut atteindre par ricochet l'amont de la chaine alimentaire : le chat qui mange l'oiseau intoxiqué est lui aussi impacté. Moins direct encore : si un pesticide réduit fortement la population des pucerons, tous les prédateurs du puceron sont en danger, faute d'alimentation. Se pose aussi la question de l'eau : en 2010, 90 % des cours d'eau et 63 % des nappes phréatiques présentaient une pollution liée aux pesticides, même si les seuils de potabilité n'étaient pas forcément atteints. La pollution de l'air et des sols est également mise en avant, ainsi que plus récemment la santé des agriculteurs utilisant les pesticides.

Des alternatives aux pesticides
Les alternatives aux pesticides sont diverses. Les variétés résistantes aux maladies permettent de réduire l'usage des fongicides. Des espèces implantées simultanément, comme le pois et l'orge, jouent le rôle de barrières mutuelles contre certaines maladies et mauvaises herbes. Des outils d'aides à la décision qui aident à limiter les applications strictement au moment et à la dose nécessaire. Il est possible de jouer sur l'itinéraire technique : date de semis, variétés choisies, fertilisation… il existe pour la plupart des grandes cultures des itinéraires « bas intrants », basés sur ces principes.

Le biocontrôle monte en puissance : il peut s'agir de lâcher des prédateurs des insectes ennemis des cultures, ou d'utiliser la confusion sexuelle avec des pièges conçus à base d'hormones.

« Difficile de s'en passer »
« Il me semble difficile de s'en passer complètement, même avec ces alternatives, explique Jean-Marc Meynard. Elles sont parfois plus coûteuses ou plus difficiles à appliquer. Par exemple, le désherbage mécanique s'avère un peu plus compliqué et chronophage que le désherbage chimique. Et certaines menaces n'ont à ce jour pas d'autres solutions que la chimie. »

Par ailleurs, des systèmes agricoles se sont organisés « autour » des pesticides, et qui en sont aujourd'hui dépendants. Beaucoup d'exploitations se sont également spécialisées dans une culture ou un type de culture, alors que la diversité est une arme contre les ravageurs. « Il faut donc changer l'ensemble du système », conclut le chercheur. Car utiliser moins de pesticides toutes choses égales par ailleurs, n'est pas envisageable s'il faut garder des niveaux de productivité à même de nourrir la population mondiale.

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