Dans un futur pas si lointain… l’Homme pose le pied sur Mars. Ce défi, longtemps considéré inabordable en raison des limites technologiques et logistiques du secteur aérospatial, devient progressivement réaliste avec la relance des vols spatiaux dans les années 2010 et l’incursion d’acteurs privés. L’un des challenges tient à l’alimentation de l’équipage, avec cet impératif : produire de la nourriture pendant le voyage et le séjour martien. Car pour une mission de 1000 jours, l’intégralité des aliments de six spationautes représente 10 à 12 tonnes de charge, soit la moitié de la capacité d’embarcation de la navette Discovery. De plus, l’apport de produits frais joue un rôle dans l’équilibre psychologique et physique des membres d’équipage et contribue à leur bien-être.
Produire pendant le trajet
Produire sur le trajet vers Mars, dans une navette, sera donc un premier impératif. L’impesanteur n’a pas que des inconvénients : elle réduit les besoins en irrigation et en intrants en optimisant les apports, et accélère le cycle des cultures. Créer un circuit hydroponique fermé récupérant les eaux et recyclant les déchets organiques et humains produits dans un habitacle spatial est jouable à une échelle limitée, mais couvrant tout de même jusqu’à 60 % des besoins alimentaires d’un équipage. Et l’élevage ? Pas de troupeaux dans l’espace, mais des espèces de poissons et d’insectes, pourraient être sélectionnées pour s’adapter aux systèmes de production hydroponiques et/ou fermés en condition spatiale.
…et produire sur place
Sur Mars, des perspectives agricoles existent. Un dôme transparent peut protéger les cultures des radiations sans empêcher la photosynthèse. Dès les années 2000, un système était envisagé afin d’équiper ce dôme de LED pour les hivers martiens et les tempêtes de poussière qui occulteraient la lumière du soleil. Idée complémentaire : introduire des algues marines dans le circuit de recyclage. L’objectif est d’absorber le gaz carbonique, générer de l’oxygène, extraire les oligoéléments des déjections humaines servant à la fertilisation des plantes, et désaliniser ces déjections. Le sodium que contient ces dernières est en effet toxique pour les végétaux. Il sert par ailleurs à complémenter les rations alimentaires de l’équipage.
Luzerne et trèfle pourraient se plaire sur Mars
Les plantes à cultiver sur Mars seront à bien sélectionner également. Un article paru en septembre 2021 dans Plos One montre que ce dossier est déjà ouvert par la science. Première étape : créer un sol similaire à celui de Mars, en partant des analyses réalisées par les différents rovers envoyés sur place. Puis, essayer d’y faire pousser des plantes. Selon les chercheurs, il est possible d’y cultiver du trèfle, mais pas tout seul. Une bactérie, Sinorhizobium meliloti, particulièrement utile pour fixer l’azote dont la plante a besoin, permet une croissance plus importance, de l’ordre de 75 %. Un article publié le 17 août dans la même revue montre que la laitue ou le radis sont peu compatibles avec ce sol, mais la luzerne s’avère prometteuse.
Article initialement paru dans le magazine Culture agri, à partir de l’ouvrage Le Déméter 2022 : Alimentation, les nouvelles frontières, publié chez Iris Édition en février 2022.